Decima – des hauts – débat

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Par Philippe Bapt Modifié le 25 janvier 2019 à 14h03
Commerce Danger Vendre
@shutter - © Economie Matin
0,15%En France, 0,15% de la population bloque 99,85% chaque samedi.

A la veille d’un nième rendez-vous dans les rues françaises, alors que le grand débat national débute, les gilets jaunes, les politiques d’opposition et les gouvernants vont-ils être à la hauteur enfin ?

Acte X

Samedi dernier, la ville où « même les mémés aiment la castagne » est devenue la capitale des manifestations de gilets jaunes. S’arrête ici toute fierté, car s’ils étaient 10 000 à Toulouse, le cortège de casse accompagne chaque « acte » et pour paraphraser Cabrel « c'est que le début (mais les Toulousains ne sont plus) d’accord d’accord ! ». En particulier les commerçants qui pâtissent de ces rendez-vous chaque week-end. Leur réponse-buzz est malheureusement très bien trouvée !

Usuellement on parle de décima pour Raphael Nadal et ses victoires à Roland Garros, de Teddy Riner et ses titres de champions du monde, de Zinedine Zidane et les victoires du Real, mais ici il s’agit du dixième samedi d’affilée de manifestation de certains citoyens… 145 000 selon les organisateurs, 84 000 selon la police. Bref 100 000 personnes bloquent toute l'activité des centres-villes depuis deux mois passés.

La France compte 67 000 000 de citoyens d’après les chiffres du dernier recensement. Soit 1 manifestant pour 670 citoyens soit : 0,15% !!! mais plus de 0,15% du PIB en casse ! Et combien de % de pertes de chiffre d’affaires de commerces non délocalisables ?

Les fake news et les réseaux sociaux :

La fake news n’est ni plus ni moins que le phénomène de la rumeur, du bouche-à-oreille, du "téléphone arabe" à l'heure 2.0. Avec ceci de mieux : on peut brouiller les pistes grâce à l'anonymat des réseaux sociaux. Alors pourquoi ne pas lever cette possibilité ? Ce d’autant plus que cela permettra de responsabiliser chacun lors d’une prise de parole orale ou écrite. Le tout pour faire face à ce flot d’insultes, de propos diffamatoires, de menaces d'agression ou de meurtre... bref à ce qui s’appelle le cyberharcèlement.

Avoir plusieurs comptes pourquoi pas... rattachés et identifiés à une personne physique quel que soit l'avatar ou l'identifiant choisi.

Marre de voir des trolls, des complotistes, des faux comptes fleurir leur timeline de veuleries, fake news ou attaques gratuites ad hominem... sans poursuites possibles.

Par vitalité 2.0 ces fake news sont comme les nuages de moineaux que l’on observe dans le ciel : mouvants informes.

Les populistes extrêmes font pire désormais. Ils accréditent des fake news qu’ils propagent. Les thèmes ? L'immigration et la vieille lubie d'anti-France. La peur… la peur. L'ancienne finaliste de 2017 et son allié de l'époque sont au top en la matière. Thomas Huchon, véritable expert en « vérification des faits », faisait remarquer qu'il n’y a rien de plus dur à démontrer que l’inexistence d'un fait dont on est accusé.

Personnellement, quoique la liberté d'expression politique soit un droit inaliénable dans notre démocratie, je juge que des fake news propagées sciemment par dépositaires de l'autorité publique devrait être traduit en justice. Incitation à.... à définir.

Les réseaux sociaux fourmillent de ce type de rumeurs et ce depuis leur avènement (rappel : théories complotistes sur les attentats du 11 septembre...).

Lorsqu'il s'est agi de cette première tentative durant le débat d’entre deux tours au sujet d'un supposé compte bancaire aux Bahamas devant des millions de téléspectateurs, on pensait que personne, responsable politique de premier plan, n'oserait plus franchir ce pas.

C'est désormais chose faite. Discutant autour de moi, j'entends "oui mais ce ne sont que des jeux politiques"...oui, ce n'est pas faux...

Mais si demain, ces mêmes loosers professionnels du système politique français s’accordaient pour faire vaciller le système économique du pays, à de toujours seules fins électoralistes ? Et je ne veux même pas évoquer ici l'intrusion 2.0 d'une puissance étrangère...Alors ?

Car, aujourd'hui il faut l’admettre, notre pays a perdu de son attractivité sur plusieurs plans : baisse de la reprise économique, coûts de toutes les casses sur le territoire, déficit d'image à l'international et surtout crise qui s'enlise avec des leaders sans réels discours. Même le trio : Drouet-Fly rider- Priscillia Ludoski ne s’accorde plus. On patauge dans le grand n’importe quoi : il n’y a toujours aucune représentativité de ce mouvement... mais de nouvelles menaces envers le président de notre République sont relayées. D’ailleurs au nom de qui s’arroge monsieur Drouet pour s’exprimer ? Enfin, les dix premiers noms d’une liste gilets jaunes pour les élections européennes viennent d’être communiqués... Après tout, le grand débat est en cours qu’ils s’y rendent, contribuent ou en organisent.

Pour résumer, les gilets jaunes sont protéiformes dans leurs revendications, leurs prises de paroles, leur illégalité, leur violence ciblées, leur prise en otage des centres-villes, et terriblement individualistes. En ce qui concerne le colportage d’infox, en revanche, sur Facebook, les différents membres des groupes et leaders médiatiques sont assez solidaires.

Le fichier anti-casseurs oui

Liberticide ? Si l’inscription est à vie, certainement. Liberticide pour qui ? Pour le citoyen honnête dans sa démarche de revendications ? Pour les riverains commerçants ou habitants qui doivent se barricader ? Ou subir des pertes financières ? Manifester ne signifie pas apeurer. Ainsi, vouloir mettre de côté certains qui veulent en découdre quelles que soient les revendications pourquoi pas ?!

Chaque citoyen doit être libre de pouvoir aller manifester sans craindre pour son intégrité physique. Mieux même : chaque citoyen doit pouvoir croiser une manifestation sans craindre pour son intégrité physique !

Les casseurs, les agresseurs de journalistes, les tagueurs, les cogneurs de policiers ou CRS, les lanceurs de cocktails molotov de boules de pétanque... n'ont pas à se rendre à une manifestation pour laisser les véritables revendications s'exprimer.

Le grand débat national

Est-ce la panacée ? Clairement non. Est-ce une bonne idée ? Clairement oui. La volonté de parler de s'exprimer est apparue au grand jour au cours de ces deux mois. Même s'il conviendra d'être attentif à la suite donnée à ce débat : sa traduction en termes de politique.

Alors le président Macron rencontre des maires. Il fait ainsi amende honorable par rapport à ses 18 premiers mois de mandat. On le lui reproche... Il ne compte pas son temps environ 6h30 à chaque fois. On le lui reproche. Il faut être honnête, tout ce que fait ou fera Emmanuel Macron lui est ou sera reproché. Il reçoit des industriels...il a tort. Il va rencontrer Wauquiez il aura eu tort. Il part chez une amie il a tort. Il signe un accord il a tort. Il respire a-t-il tort ?

Si le jeu politique a ses raisons que la raison ignore, cette décomposition minutieuse de notre pays organisée par les principaux politiques qui, au passage lui tiendraient le discours contraire s'il faisait l'inverse, est dangereuse.

Alors ce grand débat tombe à pic ! Même si l’on peut légitimement se questionner sur la popularité quart-figue quart-raisin des instances citoyennes autonomes comme les Codev, quand il est rapporté qu’autant de citoyens veulent s’exprimer ? Lorsque des enquêtes publiques nombreuses et variées dans le pays réunissent quelques dizaines de participants en moyenne c'est exceptionnel. Pourquoi ? Les citoyens sont libres et invités à s'exprimer... Même pas besoin du RIC. Bref de sacrées questions en suspens...Et des réponses à trouver.

Au bout de neuf jours, les premiers chiffres sont tombés. 1 000 réunions et 100 000 contributions recensés sur le site web dédié. Ne pas s'emballer après juste une semaine. Dans quelques jours, il sera palpable de voir si l'engouement est croissant.

En attendant, les populistes des deux bords, en mode "Européennes dans le viseur", appellent à boycotter le grand débat ! Les populistes se font même prêter main forte par un haut gradé du gouvernement voisin italien. Bref, leur calcul politique est clair : ne pas participer pour ne pas adhérer à ce que propose le "système". Et en même temps reprocher au dit "système" son manque d'ouverture et de dialogue envers le peuple...

La communication politique du XXIe siècle

Un pays marche à la confiance. Les responsables politiques n'ont pas globalement failli mais ont bel et bien omis que faire c'est bien, faire savoir c'est bien aussi. Ne restant que trop souvent dans la posture : faire savoir qu'on sait faire qui, en revanche, hystérise beaucoup.

Au milieu de cet océan de médias, la télévision perd du terrain. Trop d'experts pas assez de « pairs » ? Trop d'entre-soi ? Mais cet océan de canaux d'informations charrie tant de poubelles (fake news / infox) que ce vieux canal médiatique pourrait bien retrouver une place centrale. Chaque principale chaine ou presque a déjà fait ou programmé des débats avec des gilets jaunes.

Un nouveau format d'émission peut naître dans les jours à venir. Cet exercice pour qu'il soit crédible demandera du courage. Ni trop de distance ni trop d'empathie. Un atelier du grand débat en seconde partie de de soirée en sera le pilote ou le seul du genre. Marlène Schiappa a sollicité Cyril Hanouna pour ouvrir les ondes de #BalanceTonPost sur C8 ce vendredi.

Il faut balayer la polémique stérile qui a suivi l'annonce de cette émission. Peu de chroniqueurs, porte-parole de parti, sénateurs ou journalistes ont été à la hauteur : il ne s'agit pas de passer dans l'émission quotidienne de C8 animée, parfois à la limite, par Cyril Hanouna: TPMP, mais bien de l'hebdomadaire d'actualité traitée avec sérieux autour de chroniqueurs de renom et professionnalisme.

Cet exercice donc doit être pédagogique et la présence d'une personne membre du gouvernement à la place de médiatrice est importante. Le cadre, le respect de la charte du grand débat et le compte rendu de cette émission particulièrement vont peut-être préfigurer une nouvelle façon de faire participer le public dans le cadre d'un programme à connotation politique. A suivre...

La dimension didactique permettrait alors de donner un élan supplémentaire à l'organisation locale de débat.

Acte XI...

En attendant, samedi, une nouvelle manifestation va avoir lieu. De trop nombreuses questions restent en suspens, voici un florilège :

Pour obtenir quoi ? Mettre la pression sur le pouvoir.... Il semble que le manque à gagner sur l’ISF de 3 milliards d’euros soit le fin du fin du Graal pour nombre de manifestants, comment ignorer une enveloppe d'un montant trois fois supérieur, et la réduire à « des clopinettes »?

Pour obtenir une entrevue avec le président de la République ? Qui peut ou aura le droit ? D'après quels critères démocratiques qui tiennent tant à cœur des « gilets jaunes » ?

Combien de confrontations dans toute la France ?

Combien de vitrines abri-bus et autres mobiliers urbains vont encore être vandalisés ?

Comment estimer les pertes de l'ensemble des commerces ce samedi encore ?

Bref des questions pour lesquelles on peut déplorer par avance la teneur des réponses.

A Toulouse ville rose, à l’accent chantant, qui a voté à presque 30% Mélenchon et plus de 11% entre Le Pen et Dupont-Aignan en avril 2017, la mobilisation est forte. Beaucoup et même trop avec des scènes de violences récurrentes envers le mobilier urbain, les lieux culturels, les banques, les forces de l'ordre et les journalistes !

Sur 480 000 habitants intramuros, 10 000 manifestaient : 2% étaient dans la rue et préemptent les émotions chaque semaine. Si le phénomène "blue monday" s'avère une supercherie marketing, il n'y a pas à douter que le "blue saturday, sunday et même monday" atteint beaucoup de Toulousains et de Français…. Si ce n'est trop !

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Philippe BAPT est un communicant. Diplômé de Novancia Business School en management marketing digital et événementiel, il exerce sa passion comme chargé de communication et consultant chargé de projets. Sa seconde passion la « chose publique » l’amène très tôt dans le champ associatif : social, culturel et sportif. Puis il sera élu local d’une commune de la première couronne de la ville rose de 2008 à 2014. Président de club de rugby, puis d’un groupement d’employeurs et administrateur d’un théâtre-centre culturel, ces différents postes lui confèrent  une expertise dans ces domaines. Retiré du strict jeu politique, il n’en demeure pas moins attentif à l’évolution de l’actualité et devient éditorialiste dans divers médias locaux et régionaux, dès la rentrée 2014. Ses sujets de prédilection : le « jeu » politique, les répercussions économiques et sociales, la recomposition du paysage politique français.