La mort, dans ce qui semble être un règlement de comptes, d’un jeune de 14 ans à Marseille a relancé le ministre de l’Intérieur sur la lutte contre la drogue. Celui qui est fermement opposé à la légalisation du cannabis, malgré la tendance mondiale, estime que les consommateurs sont responsables. Mais dans son discours, certains propos montrent la différence de traitement réservé aux quartiers riches et aux quartiers pauvres.
Les consommateurs responsables du trafic de drogue ?
« La drogue, c’est l’offre et la demande, et je veux dire ici à vos spectateurs que lorsqu’on consomme du cannabis, de la cocaïne, ça peut apparaître récréatif comme ça, et en fait vous faites vivre des gens qui exploitent des enfants », a déclaré Gérald Darmanin, jeudi 19 août 2021, sur BFMTV. Une phrase qui est censée renvoyer la responsabilité du décès du jeune de 14 ans sur les consommateurs.
Une position paradoxale, pourtant, car le trafic est soutenu par l’illégalité du cannabis en France, position sur laquelle Gérald Darmanin a toujours exprimé une fermeté à toute épreuve. Or, de plus en plus, la pression monte sur le gouvernement pour une légalisation de l’usage récréatif du cannabis alors que la France est le premier consommateur européen.
Selon les défenseurs d’une politique commerciale gérée par l’État de la vente de cannabis, cette dernière permettrait de faire rentrer des milliards d’euros en taxes, et assécherait les trafics. Et les premières études réalisées dans les divers états américains ayant légalisé le cannabis montrent qu’il n’y a pas une surconsommation de drogue, tandis que les retombées pour les États sont légion. En 2020, pas moins de 8 milliards de dollars de taxes sur la vente de cannabis ont été récoltés dans les 11 États américains qui ont changé la réglementation, dont 1 milliard de dollars pour le seul État de Californie.
Les beaux quartiers moins contrôlés que les quartiers pauvres
Au lieu de se plier à cette tendance de la légalisation, Gérald Darmanin maintient sa politique de la répression, avec, jeudi 19 août 2021, un changement. Il veut désormais que les « endroits bourgeois » soient aussi contrôlés. « J’ai dit au préfet de police pour Paris, au directeur de la police nationale, que je veux aussi des contrôles contre la drogue dans les beaux quartiers pour éviter cette consommation. »
Une déclaration qui ne manque pas de montrer que les contrôles se font différemment selon les quartiers : les quartiers pauvres seraient donc principalement ciblés, alors que, dans les quartiers riches, la consommation de drogue se ferait en presque totale impunité.
Darmanin a-t-il dénoncé les faits, comme le demande le Code de procédure pénale ?
Dans le même entretien accordé à BFMTV, Gérald Darmanin déclare, par ailleurs « je connais plein d’endroits bourgeois où on consomme du cannabis, où on consomme de la cocaïne ». Un problème, pour celui qui est fonctionnaire. Car l’article 40-1 du Code de procédure pénale précise : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
Si Gérald Darmanin avait connaissance de lieux de la haute société où la consommation de drogue, donc un délit, se déroulait, deux solutions :
- soit il n’a pas dénoncé les faits, comme le lui impose la loi, et se trouve donc dans l’illégalité ;
- soit il a dénoncé les faits et c’est le procureur de la République qui n’a pas donné suite, confirmant de fait la différence de traitement entre les beaux quartiers et les cités.
Néanmoins, Gérald Darmanin ne risque rien, quand bien même il aurait omis de dénoncer les consommateurs des beaux quartiers : la non-dénonciation, dans le cadre de l’article 40, n’est assortie d’aucune sanction. Mais c’est son discours de fermeté qui en prendrait un coup, puisqu’il ne s’appliquerait finalement pas à tous les Français, mais seulement à une certaine partie d’entre-eux, les moins riches.