Cryptomonnaies : l’émergence des « monnaies privées transnationales »

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Par Philippe Herlin Modifié le 21 novembre 2022 à 18h51
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Cryptomonnaies : l’émergence des « monnaies privées transnationales » - © Economie Matin

Voici un phénomène tout à fait nouveau dans l’univers des cryptomonnaies : le lancement par des multinationales de cryptomonnaies ou, selon notre expression, de « monnaies privées transnationales ».

Voici les projets en cours :

- Le plus ambitieux est celui de Facebook qui devrait lancer cet été le Facebook Coin, il serait lié au dollar ou à un panier de cinq grandes monnaies internationales.

- Telegram Messenger est l’une des principales messageries cryptées sur smartphone, elle va lancer d’ici quelques mois le GRAM qui permettra à ses 200 millions de clients d’effectuer des virements et des paiements.

- La banque JP Morgan va lancer le JPM Coin. Il ne s’adressera pas aux particuliers mais aux grands clients institutionnels, afin effectuer des virements internationaux. Le JPM Coin sera un « stablecoin » (1 JPM = 1 dollar). Il n’y a pas si longtemps (en septembre 2017), Jamie Dimon, le patron de JP Morgan, considérait le bitcoin comme une « fraude », manifestement, les temps ont changé…

- Plus récemment, on a appris que le géant coréen du high-tech Samsung allait lancer sa cryptomonnaie, le Samsung Coin.

Un Facebook Coin cet été ?

Des cryptomonnaies, il en existe déjà beaucoup, plus de mille, mais il s’agit ici d’un autre phénomène, celui des « monnaies privées transnationales ». À leur initiative, on trouve des multinationales bénéficiant d’une notoriété mondiale, ce qui donne un puissant coup de projecteur à leur projet. En outre, leur développement constituera un formidable outil de démocratisation des cryptomonnaies en général.

Ces cryptomonnaies sont centralisées, la multinationale qui l’émet en garde le contrôle : les mineurs sont sélectionnés, les partenaires qui veulent l’utiliser également. Ce sont des « stable coins », leurs cours est lié au dollar, ou à un panier de cinq monnaies comme cela pourrait être le cas du Facebook Coin, ou peut-être plus tard à l’euro si un tel projet émerge. Cette stabilité rassure les utilisateurs, leur objectif est de servir de moyen de paiement dans un pays ou entre pays différents. Les paiements transnationaux étant encore souvent coûteux, ces nouvelles cryptos ont une vraie carte à jouer.

La guerre contre le cash des États va prendre l’eau !

Ces monnaies privées transnationales représentent une vraie menace pour les États : sa guerre contre le cash risque de tomber à l’eau ! La volonté de supprimer les billets de banque de façon à suivre la totalité des transactions des citoyens, et ainsi éradiquer la fraude fiscale, constitue un rêve récurrent des États. Il est presque en train d’y parvenir, mais déjà le bitcoin et ses semblables empêchent un contrôle total. L’anonymat n’est pas total, nous le savons, il faudrait plutôt parler de transactions pseudonymes (« moyennement anonymes »), mais tout de même, le bitcoin constitue une limitation à cette volonté de toute puissance.

Mais par rapport au bitcoin, les monnaies privées transnationales bénéficient d’un cours stable par rapport au dollar (en attendant qu’un acteur européen se lance pour bénéficier d’une cryptomonnaie liée à l’euro), et elles sont stockées sur le site avec une sécurité équivalente à un compte bancaire classique (alors qu’acheter des bitcoins sur une plateforme et le stocker dans un portefeuille physique n’est pas à la portée de l’ensemble du grand public). En conséquence, si l’État insiste trop pour limiter l’usage du cash, il assurera le succès de ces monnaies privées transnationales ! Ceux qui craignent la disparition du cash n’ont pas trop à s’inquiéter, les alternatives existent.

Se protéger contre les faillites bancaires

Autre avantage pour l’utilisateur : il peut aussi utiliser ces cryptomonnaies pour isoler du cash en dehors du circuit bancaire, et ce en toute sécurité (jusqu’ici seul Paypal permet de le faire). En cas de crise bancaire de type 2008, cette fois de grandes banques risquent de sombrer, et les économies des épargnants avec. Au contraire, les GAFA et les grandes entreprises technologiques, qui sont structurellement très rentables et qui bénéficient de fonds propres élevés, résisteraient sans problème à une telle crise. Argument supplémentaire : avec le GRAM, par exemple, qui sera lié au dollar, un épargnant européen pourrait se protéger contre un effondrement de l’euro, en plaçant facilement une partie de son cash dans la monnaie américaine. Au final, ces monnaies privées transnationales représentent un vrai outil de sécurisation et de diversification des liquidités, et cela tous les épargnants doivent l’avoir à l’esprit.

> Retrouvez la Lettre mensuelle Stratégie & Conseil Crypto de Philippe Herlin sur l’actualité des cryptomonnaies en cliquant sur ce lien.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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