Nous y voilà. La sortie de Covid finira par arriver. Les aides financières et les prises en charge diminueront avant de disparaître. L'état des lieux montrera des différences et des retours impossibles aux critères budgétaires européens. Pour le plus grand nombre des pays, les tolérances à propos du déficit (3%) et de la dette (60%) feront partie des conditions à remettre en cause. Bruno Le Maire a commencé en confirmant l'intérêt du 3% tandis que le 60% n'a plus de sens avec les conséquences de la pandémie et la politique du « Quoiqu'il en coûte… »
Ne jamais oublier les origines de ces critères…
Au-delà du problème immédiat à tenter d'anticiper, combien connaissent l'origine de ces critères ? 1982, un débordement un déficit à 2,6% et un endettement qui dépasse les 50% ! Laurent Fabius et Jacques Delors arrivent à convaincre François Mitterrand enclin à ouvrir les vannes. La règle est simple : 3% de déficit, justifié par de l'investissement ; ne pas excéder 60% pour la dette cumulative.
Fin des années 80, l'Allemagne de l'Ouest continue difficilement à rembourser sa dette. Mikhaïl Gorbatchev finit par persuader Helmut Kohl de récupérer l'Allemagne de l'Est. Une Allemagne unifiée verra le jour avec la complicité des États-Unis et avec l'exonération d'une importante partie de sa dette et la protection de l'OTAN. Chute du mur de Berlin, retrait des troupes russes.
Maastricht (1992) et Schengen en place (1995) et alii…
L'Europe des Six fondateurs, Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas (Communauté européenne) veut s'agrandir après l'arrivée du Danemark de l'Irlande, du Royaume-Uni puis de la Grèce (10). Avec l'Espagne et le Portugal, c'est l'Europe des Douze. Jacques Delors insiste. Le traité de Maastricht signé en 1992, en place fin 1993 et l'espace Schengen en 1995 (fixant uniquement les limites d'application du traité) vont gérer l'Union européenne. Les trois principales conditions : ouverture des frontières, avec libre circulation des biens et des personnes ; respect des droits de l'homme au niveau de l'Union avec une justice européenne ; des gouvernements démocratiques. C'est l'initiation à la mondialisation.
Passage à 15 (Autriche, Finlande Suède) ; nouveaux traités (Amsterdam 1997, Nice 2001) avec la future arrivée de « l'euro » pour 11 d'entre eux, effectif en 2002. Toujours refusée par Philippe Séguin qui préconisait pour plus tard sous condition d'harmonisation « une monnaie commune ». Échec du projet de constitution européenne en 2005, retour à la case départ, mais l'Union s'agrandit à 25 avec les pays de l'Est (Chypre, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Malte, Pologne, République tchèque, Slovaquie, Slovénie). Et enfin à 27, La Roumanie et la Bulgarie deviennent membres de l'UE. Les résultats des référendums ne sont pas respectés ! Le traité de Lisbonne (2007) s'affranchit de cet échec et trompe l'opinion démocratique. En 2012, signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), transfert de souveraineté budgétaire. La Croatie intègre l'Union en 2013.
La réalité des chiffres en 2021
C'est à 27 que se prennent les décisions. Le Brexit en 2020 confirme le divorce avec le Royaume-Uni…Tandis que « l'euro » concerne 19 pays, l'espace Schengen de son côté ne comprend que 22 pays européens. 6 pays n'en font pas partie (Bulgarie, Chypre, Croatie, Irlande, Roumanie et… Royaume-Uni), mais en revanche l'Islande, Gibraltar, le Lichtenstein, la Norvège et la Suisse ont signé l'accord Prétendre qu'il représente les frontières de l'Union est un pur mensonge ou un abus de langage intentionnel. Les frontières sont de la responsabilité des États.
L'impasse des critères à respecter avant et après la pandémie (Covid)
Malgré l'annonce permanente de sanctions pour non-respect des critères, elle n'a jamais été qu'un non-sens de règles non appliquées (« euro » ou non-euro »). L'ensemble de l'Union est un amalgame d'origines, de cultures, d'histoire et de passé différents pour chacun des membres de l'Union. Les conditions de gouvernance sont différentes. 23 langues et dialectes sont traduits lors des débats au Parlement européen et à l'intention de la Commission de Bruxelles où plus de 45.000 fonctionnaires génèrent une technocratie et une bureaucratie qui vient s'ajouter à celles des pays pour de simples accords commerciaux.
La mainmise de cette Commission non-démocratique est flagrante, composée de personnalités politiques désignées. Sous forte influence de l'Allemagne et à son bénéfice, elle impose ses règles et ses contraintes. Avec la possibilité reconnue d'obliger les États à se soumettre aux directives européennes qui l'emportent sur leurs propres lois. L'Union européenne s'autorise à franchir ses domaines autorisés. Des tas d'exemples existent. Les crises, financière et sanitaire, plus récentes en sont la preuve. A l'international, c'est le « chacun pour soi » …
Les intérêts des membres de l'Union sont souvent divergents. Les « Petits » s'en réfèrent aux dotations financières. Les « moyens » restent en retrait. Les « grands » se contentent de suivre l'Allemagne qui n'en fait qu'à sa guise avec une prédominance affichée pour un « euro » fort, une libre concurrence à l'anglo-saxonne et une liberté d'action au détriment de l'Union européenne qu'elle ne perçoit que « fédérale et libérale ». La position française est illisible, même si les sous-entendus laissent penser quelle pourrait se laisser séduire. Proche des critères malgré la crise avec un déficit autour de 3% de retour à l'équilibre à court terme et une dette voisine des 60%, elle s'impose. La plupart pour ne pas dire la grande majorité des pays de l'Union, dépasse les 100% de déficit et la France atteindra les 120% fin 2021 ! Et une dette de Covid de plus de 450 milliards d'euros à rembourser « Quoiqu'on en pense… »
Il n'y a rien à négocier autour de ces critères qui existent depuis 40 ans, officialisés depuis plus de 30 ans, jamais remis en cause et totalement inadaptés. La politique de la monnaie unique « euro » pour 19 pays et les autres est un frein. L'absence d'harmonisation en matière fiscale, de défense, d'immigration, d'énergie, de climat et d'environnement, etc., souligne l'incapacité de l'UE. La confusion politique à l'intérieur et à l'international montre que c'est la fin d'une illusion qui risque de se dessiner. La Russie mise en cause, la Turquie ménagée, la Chine sans souci, la relance américaine attendue, avec les souhaits d'harmonisation fiscale mondiale des États-Unis, avec ces donnes, il faudra bien du courage à Bruno Le Maire pour aller dire au gouvernement français et au-dessus qu'ils se retrouvent dans une impasse. La France ne peut plus continuer à jouer en permanence à « pile et face ».