Depuis maintenant plus d’un mois, la Russie semble s’enliser dans le conflit ukrainien, malgré les négociations en cours. La Russie étant un des plus grands exportateurs nets de matières premières vers l’Union européenne, les entreprises françaises font face à des difficultés de coûts et d’approvisionnements, et doivent s’adapter aux réalités du marché en les diversifiant.
Une dépendance aux matières premières russes
Alors que les sanctions occidentales n’ont pour l’heure pas fait vaciller Moscou sur l’issue de la guerre, les économies occidentales pâtissent de ce conflit. En effet, la Russie est l’un des principaux fournisseurs d’hydrocarbures et de métallurgie pour l’Europe. Sur le plan énergétique, l’Europe est très dépendante de la Russie qui lui achète 43% de ses besoins en gaz. Mais dans certains pays européens, cette dépendance énergétique envers Moscou peut dépasser 75% de leurs consommations comme c’est le cas en Finlande, en Autriche, en Hongrie, aux pays baltes etc. Or cette dépendance énergétique est bien plus profonde puisque l’UE importe du pétrole et du charbon russe, respectivement 27% et 47% de sa consommation. Ces matières premières sont indispensables dans le mix énergétique des pays peu ou pas nucléarisés, comme la Finlande, la Slovaquie ou la Bulgarie qui importent plus de 75% de leur pétrole de Russie.
En complément de l’aspect énergétique, la Russie et l’Ukraine disposent d’importantes industries métallurgiques. Une grande partie des besoins de l’UE dans ce secteur (acier, aluminium, titane, palladium…) provient de ces deux pays. Par exemple, le groupe russe Rusal, deuxième producteur mondial d’aluminium au monde, fournit 80% des besoins français en alumine, composant de base de la fabrication d’aluminium. Pour le palladium, indispensable à la fabrication des semi-conducteurs et pots catalytiques, la Russie représente 40% de la production mondiale, principalement via l’entreprise Nornickel. De même pour l’acier et le titane, les chaines d’approvisionnements étaient jusqu’à présent concentrées autour de quelques acteurs, principalement russes : Severstal pour l’acier ou le groupe VSMPO-Avisma pour le titane.
Quels impacts sur les entreprises européennes ?
Cette situation de dépendance n’est pas sans conséquence pour les entreprises occidentales, impactées par les sanctions économiques envers la Russie. Le prix des matières premières énergétiques suit une hausse généralisée. Le cours du gaz a fortement augmenté, atteignant au 31/03, 125€/mégawattheure (MWh) pour le TTF néerlandais (+35% depuis le début de la guerre). Cela représente une augmentation de 35% du prix du gaz par rapport au début de la guerre. Le pétrole connait une situation similaire, avec un prix frôlant les 140€ le baril de Brent le 08/03 avant de revenir autour de 95€ le baril.
Cette hausse est également observée sur les métaux avec +60% depuis le début de la guerre pour le titane (de 7 250€ la tonne à 15 400€) et les experts prédisent +33% pour l’aluminium par rapport à février (soit 4 000€ la tonne) si la guerre ne se termine pas rapidement.
Face à cette hausse des prix, de nombreuses entreprises européennes voient leurs coûts de fonctionnement augmenter. Certaines ont déjà commencé à réduire leurs productions faute de rentabilité, tandis qu’au Portugal une partie d’entre elles sont complétement à l’arrêt.
Ajouté à cela, les entreprises rencontrent des difficultés d’approvisionnement. En effet, en réponse aux différentes sanctions imposées par les occidentaux à la Russie, certains groupes russe ont décidé de suspendre leurs livraisons vers l’Europe, tandis que d’autres les maintiennent au prix fort (Rusal, Severstal, VSMPO-Avisma…) De fait, les fournitures de métaux comme l’acier, l’aluminium ou encore le titane font défaut, ce qui a pour conséquence d’entrainer de nombreux surcoûts, retards de livraisons, voire même impossibilité de satisfaire la demande. Cela explique la forte inflation que l’on connait en Europe, avec +7,5% dans la zone euro.
Quelles solutions pour contourner les problèmes de pénuries ?
Sur le plan énergétique, l’Europe peut, au moins en partie, se passer de gaz russe en diversifiant ses routes d’approvisionnement en se tournant vers l’Algérie par exemple. Il existe également la possibilité de multiplier les terminaux méthaniers afin de faire venir du GNL (gaz naturel liquéfié) depuis le Qatar ou les Etats-Unis, même si d’un point de vue écologique ce n’est pas la meilleure solution. Enfin, dans une vision plus long-termiste, le renforcement du nucléaire et le développement des énergies renouvelables restent les meilleures solutions pour garantir l’indépendance énergétique de l’UE.
Bien que ces solutions ne soient pas efficaces prises une à une, mises bout à bout elles peuvent, d’après des experts, s’avérer efficaces pour réduire cette dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie.
Concernant les métaux, la situation est plus compliquée. D’autres sources d’approvisionnements demeurent possibles comme en Chine mais ces dernières nécessitent des délais de mise en place plus longs et des prix plus élevés. De plus, la Russie était jusqu’à présent considérée déjà comme une alternative à la Chine, et s’inscrivait dans une logique de diversification des approvisionnements lancée par l’Union européenne.