La crise sanitaire a pris la forme d’une ‘destruction créatrice’ schumpetérienne, ouvrant la voie à de nouvelles réponses aux enjeux structurels

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Par Christophe Morel Modifié le 22 juin 2020 à 11h31
Banque De France Confinment Dette 2
@shutter - © Economie Matin
125%L'endettement de la France atteindra 125% du PIB en 2020.

Le scénario d’une reprise en « U »

Désormais, plus personne ne doute de l’ampleur du choc sanitaire sur l’environnement économique. Par exemple, nos estimations pour 2020 d’une récession en France de 12%, d’une détérioration du déficit budgétaire à 14% et d’un ratio d’endettement public atteignant 125% sont pratiquement consensuelles.

Avec le déconfinement, les signes de reprise s’accumulent. Si le pire conjoncturel est derrière, la reprise ne s’effectuera pas non plus en « ligne droite ». C’est l’hypothèse principale de notre scénario en « U » : les défaillances d’entreprise augmenteront, les taux de chômage ne déclineront que très progressivement, la faiblesse du commerce mondial pèsera sur les modèles de croissance des pays émergents et surtout, les soutiens budgétaires (notamment en Europe) exigeront du temps et de la négociation avant d’être mis en place. Sur la seconde partie de 2020 et en 2021, le retour de la confiance des entrepreneurs et des ménages permettra le rebond de la croissance.

Toutefois, certains risques qui s’étaient atténués pourraient réapparaître : l’aléa sanitaire peut ressurgir, une issue de type « hard Brexit » en fin d’année augmente en probabilité, les élections américaines alimenteront les incertitudes et le conflit sino-américain a une nature structurelle qui persistera quel que soit le vainqueur de la présidentielle aux États-Unis.

Le Covid-19 : un « cygne noir »…et une opportunité historique de résoudre les défis fondamentaux d’avant-crise

Même si des incertitudes persistent sur l’évolution conjoncturelle des 18 prochains mois, notre confiance est plus marquée sur la reprise à moyen/long terme : les crises sont des accélérateurs de tendance pré-existantes et permettent de mettre en place des politiques de rupture. La crise sanitaire constitue une excellente occasion pour l’Europe de réaliser les investissements nécessaires à la transition environnementale et numérique.

Avant la crise, nous avions identifié plusieurs défis qui ne semblaient pas avoir de solution : la stagnation séculaire, la « zombification » de l’économie, la nécessité de réallouer les ressources vers de nouveaux besoins (environnement, numérique…) et l’impasse dans laquelle se situait la construction européenne. Parce que la crise sanitaire a affecté tous les pays simultanément, elle constitue une opportunité « historique » d’envisager des solutions à tous ces défis de long terme sous la forme d’une « destruction créatrice » schumpetérienne, et dans le cas européen, d’initier un fédéralisme avec une solidarité budgétaire ce qui constitue une « nouvelle donne ».

Plusieurs facteurs nous rendent plus confiants sur un cycle de croissance prolongé :

  • Avant la crise, les économies développées – singulièrement les États-Unis – étaient vulnérables à un retournement conjoncturel (ce que sous-tendait en début d’année notre scénario de récession). Désormais, la « purge cyclique » laisse la place à un rattrapage conjoncturel, et ce faisant à un cycle de croissance prolongé.
  • Le grand soir des politiques budgétaires est enfin arrivé : après l’étape 1 de l’urgence et de la gestion des besoins de liquidités, elles basculent désormais dans l’étape 2 d’accompagnement de la reprise. Elles soutiendront fortement la croissance pour 4 raisons. L’impulsion budgétaire devient massive à l’image du plan de 130 mds EUR annoncé en Allemagne ou du plan « Next Generation EU » de 750 mds EUR. Elles ont un horizon pluri-annuel qui permet de briser l’effet d’hystérèse de la crise. Les plans d’investissement dans les secteurs de l’environnement et du numérique ont par définition un effet « multiplicateur » élevé. Enfin, l’impact est renforcé par le fait que tous les pays développés appliquent les mêmes mesures en même temps (coordination des politiques économiques de facto à défaut d’une coordination de jure)
  • Enfin, les banques centrales accompagneront cette reprise en maintenant les taux directeurs inchangés pendant plusieurs années, en poursuivant leur politique d’achats d’actifs inconditionnels avec des put renforcés sur les actifs financiers (notamment depuis la décision de la Fed d’intervenir sur les marchés de crédit).

Au total, la reprise sera ponctuée d’aléas. C’est l’esprit même de notre scénario en « U ». Cependant, dans les solutions à la crise, certaines sont de « nouvelles donnes » à même de nous rendre plus confiants sur les perspectives de croissance au-delà de 2021.

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Christophe Morel est titulaire d'un DEA Finance (1994), et d'un Doctorat en Gestion (spécialisation finance) de l'Université Paris IX-Dauphine (1997-2000). Il débute sa carrière en 1998 comme Economiste au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie. Il était en charge des secteurs banques et assurances. Entre 2000 et 2004, il a rejoint les équipes d'Ixis Asset Management comme Stratégiste de marché " Asie et pays émergents " puis stratégiste " global ". De 2004 à 2006, il fut responsable des départements " Allocation stratégique " et " gestion Overlay " au Fonds de Réserve pour les Retraites. Entre 2006 et 2008, il était Directeur de la gestion " Allocation tactique " chez Natixis Asset Management. Depuis 2008, il avait rejoint Lombard Odier Investment Managers en tant que Deputy CIO du groupe " Asset Allocation ". Début 2013, Christophe Morel rejoint le pôle d'analyse économique de Groupama AM en tant que Chef Economiste.