Comment l’Espagne en est arrivée là (2/2)

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Par Gilles Sengès Modifié le 27 juillet 2012 à 7h33

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2.Une réponse inappropriée face à la crise

Comme les autorités françaises, qui affirmaient en 1986 que le nuage de Tchernobyl s'était arrêté aux frontières de l'Hexagone, José Luis Rodriguez Zapatero, le président du gouvernement espagnol, a longtemps assuré que son pays allait être épargné par la crise des « subprimes » et par la tourmente financière qui a suivi.

Au début de 2008, l'heure était à l'autosatisfaction. L'Espagne avait dépassé l'Italie en termes de Produit intérieur brut. José Luis Rodriguez Zapatero, en pleine campagne pour sa réélection, affirmait que la France se trouvait en ligne de mire. Il qualifiait d'« antipatriotiques » les doutes de la droite sur la solidité de la situation du pays et réclamait un siège au sein du G8.

Si effectivement, les banques espagnoles ont évité d’investir dans des produits structurés toxiques, c’est que l’immobilier espagnol suffisait amplement à leur bonheur. C’est à qui offrirait, à l’époque, les meilleurs taux et les délais les plus longs à des Espagnols trop heureux de s’enrichir à bon compte et dont le taux d’épargne est ainsi tombé jusqu’à 10 %. Avec un revenu moyen de 23.000 euros par habitant contre 3.500 euros au moment de l’entrée du pays dans le Marché Commun, en 1985, pas étonnant que certains aient été gagnés par un esprit de « nouveau riche ».

Tout le monde s’est invité à la fête, les caisses d’épargne régionales, contrôlées pour la plupart par les pouvoirs politiques locaux s’arrogeant la part du lion avec en portefeuille plus de la moitié des 282 milliards d’euros de crédits enregistrés à fin 2007.

Financée en partie par des fonds européens et sans grands soucis de rentabilité, l’Espagne s’est lancée, de bon cœur, dans la construction de logements, d’autoroutes, de voies ferrées et d’aéroports qui restent sous employés voire en déshérence pour nombre d’équipements comme certaines villes nouvelles ou les plateformes aéroportuaires de Castellon ou de Ciudad Real.

Loin d’écouter les voix s’inquiétant de la création d’une gigantesque bulle immobilière avec une hausse des prix de 240 % entre 2000 et 2007 contre 100 % en France et 75 % en Irlande et du poids inquiétant pris par le secteur du BTP (11,6 % du PIB en 2007 et 26 % des emplois directs et indirects), le gouvernement espagnol a longtemps refusé de voir les nuages s’accumuler au dessus du pays. Mieux, il a continué à desserrer les cordons de la bourse supprimant, en 2008, l’impôt sur la fortune, accordant une prime de 2.500 euros pour chaque nouveau né et un abattement fiscal de 400 euros à chaque contribuable. En tout, entreprises (10,9 milliards) et particuliers (8,6 milliards) ont bénéficié, cette année là, de 19,5 milliards d’euros de cadeaux fiscaux.

Au lieu de reprendre en main les rennes budgétaires pour centraliser tous les efforts, José Luis Rodriguez Zapatero a accéléré, dans le même temps et pour répondre aux menaces indépendantistes de la Catalogne, la dévolution des pouvoirs aux communautés autonomes et aux municipalités qui concentrent, aujourd’hui, 55 % des dépenses publiques.

Ajoutant à une bureaucratie qui coûterait déjà 46 milliards d’euros au pays (4,6 % du PIB), le surcoût de l’organisation territoriale de l’Espagne est estimé à 24 milliards d’euros (2,4 % du PIB). Rivalisant en projets pharaoniques et minées par des affaires de corruption, toutes ces dernières années, les régions sur lesquelles l’Etat central n’a que peu de prise représentent, aujourd’hui, au même titre que les banques, un gros risque financier pour l’Espagne.

Et comme pour le secteur financier que Madrid pensait hors de danger, il y a à peine un an, après y avoir injecté 17,5 milliards d’euros alors que les besoins sont aujourd’hui estimés à près de 100 milliards, les autorités espagnoles ont là aussi péché par une incroyable erreur d’appréciation de la situation. Le pays n’a pas fini d’en payer le prix.

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Ancien rédacteur en chef des Échos, Gilles Sengès a été correspondant en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Espagne.