Comment le CIR résistera aux coupes budgétaires…

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Par Larry Perlade Publié le 20 décembre 2014 à 3h40

Le Crédit Impôt Recherche, ce sanctuaire de l'innovation maintenant trentenaire, doit justifier les 5 Md€ qu'il coûte chaque année à l'Etat : il y a quelques semaines, les grands groupes étaient ainsi mis publiquement sur la sellette pour leur usage parfois jugé inapproprié du CIR ; de façon moins visible mais tout aussi systématique, les exigences de l'administration se sont durcies pour valider la justification a posteriori de la régularité du calcul de l'assiette de dépenses prises en charge par le CIR... Les PME-PMI sont les premières à faire les frais de cette doctrine de plus en plus sévère de l'administration, et des lourdeurs qui en découlent venant entraver la fluidité du dispositif. Pourtant même en ces temps de disettes budgétaires, les montants octroyés au titre des CIR continuent d'augmenter: les efforts de R & D et d'innovation des entreprises s'intensifient....

Le Crédit Impôt Recherche crée les emplois de demain

Un rapport de la Cour des Comptes publié l'an dernier pour les 30 ans du Crédit Impôt Recherche, s'interrogeait sur l'efficacité globale du dispositif. Le CIR génère une « dépense fiscale » de plus de 5 Md€ par an, et sa croissance, supérieure à celle des dépenses de R&D des entreprises françaises, retient l'attention presque chaque année au moment du vote du Budget par l'Assemblée Nationale. L'argent public est-il bien investi ? Ainsi, à eux seuls, dixit les sages de la rue Cambon, une vingtaine de groupes fiscalement intégrés qui déclarent chacun plus de 100 M€ de dépenses bénéficient de ce fait d'un crédit d'impôt total d'1,4 Md€ : ils répartissent leurs dépenses entre plusieurs filiales et bénéficient ainsi d'un taux de CIR au taux plein de 30% sans être pénalisés par le plafond de 100 M€ de dépenses de R & D au-delà duquel le taux de CIR est ramené à 5%. Sans doute soucieuse de drainer les financements là où ils sont le plus utiles, cette année, la députée Valérie Rabaut, rapporteuse générale du Budget à l'Assemblée Nationale, a proposé de plafonner le montant des dépenses éligibles à 100 M€ par groupe, et non plus par société. Cette mesure, selon les calculs de la Cour des Comptes, permettrait d'économiser environ 500 M€ par an.

Bien heureusement, les petites entreprises n'étaient pas dans le collimateur.

De fait, la réforme de 2008 a permis un développement de la R & D, et partant du CIR, au sein des PME et TME, que le législateur serait mal fondé à déplorer aujourd'hui. Même si l'on comprend la multiplication des contrôles fiscaux, évidemment nécessaires, on déplore en revanche que ce soit de plus en plus devant les Tribunaux Administratifs que l'on doive obtenir ce qui est dû, comme si l'Etat cherchait à reprendre d'une main, comme saisi de remord face à l'emballement de la dépense publique générale, ce qu'il avait accordé de l'autre. L'évolution de la jurisprudence tend heureusement à montrer que les dossiers montés puis défendus avec soin face aux contrôleurs, résistent bien à la rigueur grandissante du fisc.

Une priorité : soutenir les PME innovantes

En ce qui concerne l'impact du dispositif sur les grandes entreprises, la Cour des Comptes reconnaît elle-même que « les effets du CIR en matière d'attractivité sont difficiles à établir ». Les grands groupes disposent de départements R & D fournis qu'ils ne vont pas abandonner même si le CIR leur était moins favorable. La question du choix de la localisation des centres de R & D obéit à une multitude de facteurs, et le coût n'est qu'un paramètre : il ne pèse sans doute pas plus que la proximité des marchés ou la disponibilité d'ingénieurs-chercheurs de très bon niveau. Et sur ce dernier point, notre pays n'a pas à rougir.

En revanche, les effets directs et bénéfiques du CIR sur les petites et moyennes entreprises innovantes, ne sont pas contestables. En effet, nombre de start-up ou de PME innovantes doivent, notamment au cours des premières années de leur existence, engager des dépenses importantes de R & D et de mise au point des innovations auxquelles elles se consacrent, sans forcément dégager des cash-flows suffisants. Le recours au CIR, et la possibilité dans certains cas de le préfinancer auprès de BPI France, apportent aux jeunes entreprises un volet de trésorerie indispensable. Une des pistes envisagée par la Cour des Comptes est justement le recentrage du CIR sur les PME, sur le modèle de Crédit Impôt Innovation : n'oublions pas que plus de 20.000 sociétés de toute taille sont éligibles au CIR.

Le dispositif du CIR est quasi-institutionnalisé dans le paysage du financement de la recherche, comme en témoignent les entreprises, celles qui investissent, innovent, enrichissent notre tissu économique et créent les emplois de demain.
Le CIR n'est donc pas prêt à disparaître si on s'en tient à la justification économique pure.

Des opportunités encore peu exploitées

Le recours au CIR, et l'augmentation du nombre de bénéficiaires, vient aussi de ce que la définition de l'assiette des dépenses éligibles, recèle des gisements cachés.

Ainsi, les dépenses de R & D menées par les Entreprises de Service Numérique (les ESN, autrefois appelées SSII), sont éligibles au CIR. On peut être ESN, développer des travaux de R & D à façon pour ses clients, et faire financer cette activité par le CIR. Si l'ESN dispose de l'Agrément du Ministère de l'Industrie et de la Recherche, ce sont ses clients qui pourront intégrer ces dépenses de R & D dans l'assiette de leur Crédit Impôt Recherche ; dans le cas contraire, l'ESN pourra les intégrer à l'assiette de son propre CIR.

Autre exemple d'un usage assez méconnu du CIR dans les PME-PMI, on commence à voir des entreprises soumettre avec succès des dossiers de CIR intégrant des projets de R & D dans le domaine des sciences humaines, réalisés en interne ou sous-traités auprès du monde académique. Le CIR permet ainsi de financer l'amélioration des méthodes et des connaissances en matière de management, d'organisation, de ressources humaines ou de marketing, dans des secteurs donc bien éloignés du monde de la paillasse et des blouses blanches.

Le CIR est un trentenaire qui se porte bien. C'est notamment grâce à lui – et bien sûr à la volonté des entrepreneurs qui y ont accès - que notre pays avance.

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Larry PERLADE a créé NÉVA en 1995 pour accompagner les PME dans leurs recherches de financements publics. Depuis près de 18 ans, il est ainsi devenu un expert reconnu en financement de l’innovation et subventions R & D. Auparavant, il a été Vice-Président Directeur Général de FRED Joaillier USA et Secrétaire Général du groupe FRED Joaillier, avant de diriger le Centre d’Art Contemporain ARTCURIAL pour L'ORÉAL. Il a démarré son activité professionnelle chez Elf Aquitaine au Royaume-Uni. Larry PERLADE est diplômé d’HEC (1982), de l’Université de Berkeley (Californie) et de l’ESADE (Barcelone).