Crédit d’impôt : les banques assureront la trésorerie… dont l’Etat a besoin

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Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 23 novembre 2012 à 6h29

20 milliards : vous l'avez suffisamment entendu désormais ce chiffre de 20 milliards. 20 milliards (bis repetita placent) de vrai argent qui sera "rendu" aux entreprises par le biais d'un mécanisme complexe - mais très simple selon Jean-Marc Ayrault et François Hollande. Rien à faire, ce seront les trésoreries des impôts qui calculeront tout pour vous. Sauf que...

Oui, il y avait un mais, que ceux qui suivent le projet de loi de finances 2013 et les finances publiques en général ont détecté : ce crédit d'impôt, au lieu d'être octroyé dès 2013 aux entreprises, le sera à partir de 2014, sur la base de l'activité de l'entreprise en 2013. Autrement dit, en 2013, les entreprises payeront normalement leurs impôts (alourdis comme "chacun sait" de 20 milliards depuis juillet dernier), et bénéficieront en 2014 d'un crédit d'impôt. Vous avez saisi la manoeuvre ? C'est un peu le "passe-moi ta montre que je te donne l'heure". 20 milliards pris d'un côté, 20 milliards rendus de l'autre mais, mais, pas tout de suite, en 2014. Et entre les deux on ne sait jamais ce qui pourrait arriver, par exemple, de nouvelles charges, amoindrissant le bénéfice du crédit d'impôt...

La manoeuvre consiste bien entendu à améliorer le "PLF 2013", en collectant plus d'impôts que jamais, afin de boucler virtuellement l'année au niveau des fameux 3 % de déficit public. Et tant pis si la croissance sur laquelle le "PLF" est bâti est fausse, puisque estimée à 0,8% alors que la Banque de France l'évalue au mieux à 0,4 %, ce qui représente tout de même un trou d'au moins 4 milliards dans les recettes.

Comme l'Etat va garder ce fameux crédit d'impôt pour lui dans ses caisses en 2013, pour ne le restituer que progressivement, trimestre par trimestre en 2014, les entreprises n'en bénéficieront pas pour alléger leurs charges et améliorer leur compétitivité. Allez, on va être franc, surtout, pour améliorer la situation de leur trésorerie, à l'heure ou les délais de paiement inter-entreprises explosent. Les retards moyens, par rapport aux dates d'échéance des factures, sont passés le mois dernier à plus de 15 jours, contre 11 jours jusqu'ici. et l'on parle bien de délais de paiement moyens, sur la base des dates d'échéance ! Si vous ajoutez à cela les factures non reçues, non conformes, le comptable malade (donc qui n'a pas enregistré la facture)...

Pas chafouin, le ministère des Finances pensait avoir trouvé un truc : faire financer le crédit d'impôt par la Banque Publique d'Investissement, donc, en avance de trésorerie, ou en facilité de caisse. Comme la BPI n'existe pas encore vraiment, c'est Oséo qui a été sollicité. En fouillant un peu, Oséo a trouvé 1 milliard à prêter va un mécanisme baptisé "Croissance + emplois", qui préterait 85 % du montant des crédits d'impôts espérés, à un taux de 4 %.

Pour les 19 milliards d'euros manquants, Bercy s'est donc tourné dans une autre direction, vers... les banques. Les vraies, celles dont le métier est de préter de l'argent à leurs clients en théorie. A force de réunions de travail, les hauts fonctionnaires du ministère des Finances sont en train de persuader les banques d'octroyer des facilités de caisse à leurs entreprises clientes, toujours sur la base du crédit d'impôt espéré en 2014. enfin, plutôt, "de persuader les banques de promettre d'octroyer des facilités de caisse". Après, ceux qui ont déjà sollicité une facilité de caisse auprès de leur banque parce que les clients payent mal, parce qu'il y a un trou dans l'activité, parce que parce que, connaissent le topo. "Nous ne sommes pas censés financer les pertes d'une entreprise". "Quelles garanties apportez-vous". "Mobilisez votre poste client" ce qui se résume à faire de l'affacturage, ce qui coûte au bas mot 10 % du montant des factures. Ca fait des sous.

Pour les banques qui rechigneront à préter à leurs clients à risques, c'est à dire... beaucoup de monde, l'Etat pourrait donc apporter une... garantie publique.

En résumé : l'Etat octroie un crédit d'impôt de 20 milliards sur 2013 mais qui ne sera restitué (peut-être) qu'en 2014 aux entreprises, au compte-gouttes. Comme les impôts sur les entreprises augmentent de 20 milliards en 2013, et qu'elles n'en peuvent plus de tirer la langue, elles pourront sonner chez leur banquier pour qu'il leur prête de l'argent à 4 %, afin de leur apporter un peu de trésorerie, celle qui sera dans les caisses de Bercy. Mais comme beaucoup d'entreprises n'inspireront pas confiance à leur banquier, celui-ci pourra (comment ? c'est tout le mystère) solliciter la garantie de l'Etat pour l'argent qu'il leur prétera !

Hop hop hop, barbatruc ! Les entreprises vont donc "prêter" pendant un an 20 milliards d'impôts à l'Etat, qui demande aux banques de prêter cet argent aux entreprises, et qui donnera... sa garantie aux banques pour les entreprises trop fragiles pour inspirer confiance au banquier !!!! Au final, tout cela fait "virtuellement" 40 milliards, 20 dans la poche de l'Etat, et 20 sur les comptes des entreprises qui en auront besoin. Mais quel tour de passe-passe, et aussi... quelle paperasse en perspective pour monter tout ça...

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Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).