Derrière la course au vaccin se déploient les ambitions des grandes puissances, ne soyons pas naïfs. Un tour d'horizon.
Parmi les projets vaccinaux les plus aboutis, on peut compter 4 vaccins chinois, 2 américains, dont 1 américano-allemand, 1 britannique et 2 russes.
La France, et l'Europe, se sont empressés de passer des commandes, les vaccins de Pfizer-BionTech et Moderna (les américains), basés sur la technique de l'ARN Messager, arrivant en tête des commandes et des évaluations d'efficacité. De son côté, La Chine se donne pour ambition de permettre aux pays pauvres d'avoir accès aux vaccins contre la Covid. Elle a rejoint l'initiative Covax lancée par l'OMS, permettant ainsi un accès prioritaire de ses vaccins aux pays africains, qualifiant son vaccin de «bien public mondial».
La Chine dit soutenir la création d'une zone de libre-échange en Afrique et envisage de ce fait de fournir rapidement ses vaccins aux pays africains dans le besoin. Elle se positionne donc auprès de l'Afrique par le biais d'accords bilatéraux plutôt que de participer à un processus multilatéral. Elle ne manque pas de rappeler au passage qu'elle était déjà venue en aide à de nombreux pays africains au début de la crise sanitaire en leur fournissant de grandes quantités de matériels, et notamment des masques. Derrière ces bonnes motivations altruistes, le pays s'est en réalité engagé à bâtir une communauté sanitaire sino-africaine.
En Afrique du Nord, le Maroc a fait le choix des vaccins du chinois Sinopharm et du Britannique AstraZeneca. Les autorités ont d'ores et déjà annoncé un pont aérien de 10 avions venant de Chine et qui devront apporter les vaccins dans les premières semaines de décembre. L'objectif est de couvrir 80% de la population pour assurer une bonne couverture vaccinale sur l'ensemble du pays.
Soutenant que la reprise économique devrait être activement encouragée en Afrique sur la base de la prévention et du contrôle du virus, on peut se demander si ce n'est pas une façon pour la Chine d'asseoir encore davantage son influence en Afrique, et si son désir d'extension économique ne prime pas sur sa volonté d'être un bienfaiteur sanitaire.
Mais il n'y a pas qu'en Afrique que la Chine interfère dans la géopolitique mondiale.
Fin octobre, le vaccin chinois CoronaVac était déjà testé cliniquement au Brésil, en Indonésie ou encore en Turquie, «faute de malades suffisants en Chine». Le Pérou, l'Indonésie et le Bangladesh se seraient aussi prêter au jeu auprès de 3 vaccins chinois (CoronaVac et les 2 vaccins de Sinopharm - de Pékin et de Wuhan). A la mi-août, le vaccin chinois CanSino Biological a pour sa part été testé au Pakistan, en Arabie Saoudite, au Chili et en Argentine. Les Emirats Arabes Unis ont délivré fin novembre une autorisation officielle d'urgence du vaccin chinois Sinopharm.
Entre les pays qui affirment n'être volontaires que pour tester les essais cliniques, ceux qui ont déjà négocié l'importation des vaccins et ceux qui ont donné une autorisation officielle de vacciner leur population, la Chine semble étendre sa puissance sur de nombreux continents.
La Russie de son côté promeut son vaccin Spoutnik V, développé par l'institut Gamaleïa. Ce dernier utilisant la même technique de «vecteur viral» que son concurrent chinois CanSino. Poutine a pour sa part appelé les BRICS à s'unir pour produire en masse son antidote au Covid.» Le pays avait au préalable déjà signé des accords avec le Brésil et l'Inde pour mener des essais cliniques du vaccin Spoutnik V. La Hongrie, pays particulièrement touché par le virus, a décidé d'importer le vaccin russe, dont la document scientifique sur les essais cliniques n'est à ce jour jamais parue, même si le pays promet que la recherche serait publiée sous peu «dans une des principales revues médicales au monde et évaluée par des pairs».
Pour les Européens, l'enjeu est bien sûr de faire face et résoudre la crise sanitaire, de redémarrer l'économie et de garantir dans le temps, la politique d'égalité d'accès aux soins pour laquelle la décision de confinement a été prise. Le deal est d'ailleurs passé entre les Etats-Unis et l'Europe, les américains étant pour l'instant les plus avancés en matière de vaccins. Une relation transatlantique est-elle renouée pour l'occasion ? Cependant, même si la priorité est de satisfaire dans un premier temps les besoins des populations occidentales, personne pour l'instant ne se positionne en grand « bienfaiteur du monde » à l'instar des chinois !
Et même les accords paraissent plutôt se présenter «en circuit fermé» entre l'Europe et les Etats Unis ! Tous les débats se portent d'ailleurs sur l'efficacité et la parfaite sécurité des vaccins proposés, répondant au fameux impératif de la balance «bénéfices-risques» ! Car dans le monde occidental, les instances de contrôle sont nombreuses et pointilleuses, les agences américaines (FDA), européennes (EMEA) puis propres à chaque pays (ANSM en France) s'activant énergiquement pour évaluer toutes les études cliniques scientifiques qui pourront garantir la sécurité et l'efficacité de ces vaccins. Dans ces pays, on peut quand même estimer que la validation d'un vaccin comme solution thérapeutique préventive à grande échelle est un gage de confiance, surtout si on s'autorise la comparaison avec les autres grands vaccins mondiaux dont les études et garanties viennent à manquer, ou sont pour le moins bien opaques…
Pour conclure, on peut avoir l'impression qu'il se dessine une nouvelle carte des équilibres mondiaux dominée par trois parties du monde qui vont massivement distribuer leurs vaccins - mais aussi étendre leurs puissances - le monde chinois, le monde russe, et le monde occidental.