Livraison ultra rapide et consommation responsable, est-ce possible ?

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Par Romain Gavache Publié le 26 juillet 2022 à 6h09
Amazon Coronavirus Livraison
@shutter - © Economie Matin
49 EUROSAmazon Prime coûte 49 euros par an en France.

Avec l’apparition de la livraison ultra-rapide, le paysage du e-commerce s’est transformé radicalement. Recevoir ses courses en quelques minutes seulement ? Et bien c’est maintenant possible grâce à des start-ups spécialisées mais aussi des acteurs de références de la grande distribution comme Monoprix ou Carrefour. Même si cette prouesse logistique pourrait devenir la normalité de demain, est-ce vraiment une bonne chose ? A quel besoin répond-elle réellement ?

Une offre à la mode

À première vue, il est évident que ce type de service s’inscrit dans une tendance de fond : l’accélération. Pour se différencier, les entreprises tendent à rendre leurs produits toujours plus accessibles, toujours plus simplement et rapidement. Au cours des dernières années, la réduction des délais de livraison s’est ainsi accélérée et, pour de nombreux consommateurs, il n’est plus envisageable d’attendre plus de quelques jours pour recevoir un produit commandé en ligne.

Une envie créée de toutes pièces

Mais s’agit-il réellement d’un progrès ? Le désir de satisfaction immédiate développé par les consommateurs correspond-il à un besoin réel ? La plupart du temps, non. Il existe bien sûr des circonstances exceptionnelles qui justifient que l’on ait besoin d’un produit très rapidement. En cas de problèmes de transport ou d’emploi du temps par exemple. Mais ces circonstances sont en réalité assez rares et ne correspondent pas au modèle développé par les entreprises de livraison ultra rapide. Ces entreprises ont en réalité créé de toutes pièces ce désir d’être livré en quelques minutes, là où, auparavant, chacun attendait patiemment son produit sans éprouver de frustration ou bien anticipait sur ses besoins en faisant ses courses.

Les campagnes marketing de grande ampleur déployées par ces nouveaux acteurs ne reflètent donc pas simplement une concurrence acharnée typique des nouveaux marchés qui donnent lieu à une course au monopole, mais aussi la nécessité de créer de nouveaux réflexes et désirs chez les consommateurs. Le même mécanisme était à l’œuvre lors de la démocratisation des VTC. Pour le plus grand nombre, avoir accès en quelques minutes à une berline avec chauffeur relevait du fantasme, aujourd’hui, c’est un nouveau standard.

Une tendance liée directement au e-commerce

La livraison ultra-rapide concerne avant tout les produits de consommation courante et en particulier les courses alimentaires. Mais si son succès est signifiant, c’est qu’elle est représentative d’une tendance plus large qui touche le e-commerce. Pour certains acteurs hégémoniques comme Amazon, la rapidité de la livraison est devenue un élément différenciant permettant de distancer la concurrence en imposant de nouveaux standards. La livraison en un jour et les retours facilités ont ainsi généré de nouveaux usages et de nouveaux désirs auprès des consommateurs. Mais les mettre en place demande une infrastructure logistique telle que seuls ces géants du secteur sont capables de le faire. En se démocratisant, ces nouveaux services créent donc de nouveaux désirs qui tendent à devenir des standards et à défavoriser fortement les plus petits acteurs du marché et en particulier les petits commerces indépendants, au profit des grandes plateformes.

Sur le long terme, ce modèle pourrait défavoriser les consommateurs

Le modèle de la livraison ultra-rapide a beaucoup été questionné du point de vue de son encadrement juridique et des conditions de travail des personnels de logistique. Ce sont en effet des points épineux qui pourraient menacer sa pérennisation en France. Mais dans le cas où elle deviendrait effectivement un nouveau standard, une question plus profonde encore pourrait se poser. Comment ce modèle pourrait-il influer sur les décisions des consommateurs. Ne seraient-ils pas encouragés à développer un rapport plus impatient et moins raisonné à la consommation ? La possibilité de disposer immédiatement de tous les produits disponibles en ligne pourrait en effet accentuer les tendances de surconsommation les plus nuisibles à l’environnement comme à la santé financière des consommateurs les plus fragiles.

La livraison ultra-rapide pourrait ainsi contribuer à accentuer les déséquilibres entre petits commerçants et grandes plateformes mais aussi à former des consommateurs moins vertueux et surtout moins bien informés. Dans un contexte où les achats impulsifs prennent une place de plus en plus importante dans les comportements de consommation, il serait au contraire nécessaire de développer une culture du « slow shopping », une culture de la patience et de l’achat réfléchi. Dans ce contexte, prendre le temps de choisir et d’évaluer les différentes options possibles pour chaque produit, notamment grâce aux comparateurs, devient un acte éthique.

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Romain Gavache est Country Manager chez leDénicheur, un comparateur de produits en ligne.