Grande coalition : L’Allemagne va-t-elle poursuivre sur sa lancée ?

Matthias Born Berenberg
Par Matthias Born Modifié le 29 novembre 2022 à 10h12

La ratification de l'accord par les adhérents du SPD permettra de donner naissance à un gouvernement solide, qui favorisera la stabilité et le soutien de la zone euro. Toutefois, les réformes économiques risquent de ne trouver qu’une place limitée sur l’agenda politique. Nous pensons donc que le gouvernement allemand poursuivra sur sa lancée, avec des changements plus lents et laborieux. Or, l'Allemagne aurait vraiment besoin de ces réformes. L'accord passé entre la CDU/CSU (1) et le SPD porte sur de nombreux points, mais nous pensons que deux aspects en particulier auront un fort impact sur l'économie allemande : le durcissement de la réglementation du marché de l’emploi et les nouvelles dépenses en matière d’éducation, d’infrastructures de transport et de recherche & développement (R&D).

Conséquences du durcissement de la réglementation du marché de l’emploi

La grande victoire du SPD réside dans sa proposition d'instaurer à l’échelle nationale un salaire horaire minimum de 8,50 euro à partir de 2015. L'accord entre les deux partis porte également sur le durcissement de la réglementation du travail intérimaire. Le recours aux travailleurs intérimaires sera limité à 18 mois et ceux-ci bénéficieront d’une rémunération alignée sur un emploi permanent équivalent au-delà de neuf mois. Ces mesures viennent annuler les réformes initiées en 2003, qui avaient offert à l'industrie allemande davantage de flexibilité en généralisant le recours au travail intérimaire au cours des dix dernières années.

L'impact négatif de la législation sur le salaire minimum sera variable d'une entreprise à l'autre, selon son secteur et sa taille. Les grandes entreprises ne seront pas affectées, mais le compte de pertes et profits (P&L) des petites et moyennes entreprises du secteur des services souffrira probablement de la hausse des salaires. Les effets pénalisants du durcissement de la réglementation du marché de l’emploi ne seront pas immédiats; ils n'apparaîtront que progressivement au cours des années à venir. Le point positif est que la législation sur le salaire minimum pourrait contribuer à relancer la consommation, puisqu'un salaire minimum de 8,50 euros correspondrait à une augmentation totale des salaires de 3%. Toutefois, dans les secteurs à bas salaires, des emplois risquent fort d’être supprimés, ce qui contrebalancera l'effet positif attendu sur la consommation. En résumé, le durcissement de la réglementation du marché de l’emploi viendra pénaliser l'économie allemande, même si ses conséquences ne seront pas visibles avant plusieurs années.

De nouvelles dépenses en perspective

La grande coalition s’est engagée à affecter 23 milliards d’euros à l'éducation, aux infrastructures de transport et à la R&D d'ici 2017. Ces dépenses sont toutes pertinentes aujourd’hui en Allemagne. Toutefois, la grande coalition ayant promis de n'augmenter ni les impôts ni la dette publique, la question du financement de ces dépenses et de la réforme des retraites se pose. Ces coûts supplémentaires seront partiellement financés par la croissance économique, l’impact des dernières baisses de taux d’intérêt de la Banque Centrale Européenne (BCE), la taxe sur les transactions financières, qui est toujours à l’étude, et la mise en place, proposée et très controversée, d’un péage autoroutier pour les étrangers dès 2014.

Les entreprises allemandes les plus grandes ne devraient pas être significativement affectées par cet accord. Les réformes dans le secteur de l’énergie n’auront pas non plus un impact majeur sur les services publics. En revanche, un doute persiste sur le fait de savoir si les exemptions actuelles seront maintenues pour les industries très consommatrices d’énergie et, en fonction de la décision retenue, certaines entreprises, notamment au sein de l’industrie chimique, pourraient être plus ou moins affectées.


2014 : accélération d’une économie allemande tirée par deux moteurs de croissance…

La demande intérieure deviendra progressivement un moteur essentiel de la croissance économique. Mais les exportations, second moteur économique, devraient également se redresser dans le sillage de la reprise de l’économie américaine et grâce au soutien de certains pays émergents. Les entreprises allemandes, qui ont gagné d’importantes parts de marché au cours des dernières années, parviennent à les augmenter, alors même que la situation est devenue plus délicate au sein du monde émergent. En outre, à mesure que la confiance s’améliore au sein de l’ensemble de la zone euro, les exportations allemandes vers d’autres pays de la zone devraient également repartir à la hausse. »

… propice à une surperformance des actions allemandes

La situation en Europe semble plus saine qu’au cours des années précédentes, plus particulièrement en ce qui concerne la politique monétaire, les indicateurs avancés de l’économie et le secteur bancaire. Cette évolution renforce significativement la probabilité d’une croissance bénéficiaire à deux chiffres des entreprises en 2014. En ce qui concerne les marchés d’actions, notamment l’Allemagne, le principal risque serait que l’an prochain les bénéfices ressortent en-deçà des attentes actuelles des investisseurs. Cependant, le rebond des bénéfices en 2014 nous semble plus probable que dans les années précédentes.

L’autre facteur de risque qui pèse sur les marchés d’actions est lié à une remontée des taux d’intérêt aux États-Unis, et non en Europe. Pour 2014, l’Allemagne nous semble la mieux positionnée en Europe, grâce à la vigueur de son économie domestique, à l’envolée de son marché immobilier, à la reprise de la construction, à la résistance et à la hausse attendue des exportations. Si l’on associe ces facteurs à la valorisation légèrement inférieure des actions allemandes par rapport au reste du marché européen, notamment en termes de prix/bénéfices (price/earnings), nous sommes convaincus du potentiel de surperformance du marché des actions allemandes en 2014.

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Matthias Born Berenberg

Responsable des investissements, de la gestion de patrimoine et d’actifs chez Berenberg

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