France – Conjoncture Vague de pessimisme en novembre, mais amélioration prévue pour décembre

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Par Charlotte de Montpellier Publié le 30 novembre 2020 à 14h01
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9,3%ING prévoit une baisse du PIB de 9,3% en 2020.

Le deuxième confinement a conduit à une vague de pessimisme en France. Aussi bien la confiance des consommateurs que le climat des affaires dans tous les secteurs sont en baisse en novembre. Les annonces d'assouplissement des restrictions devraient permettre une légère amélioration en décembre, mais une contraction du PIB de l'ordre 5% au quatrième trimestre est toujours attendue. La reprise en 2021 sera probablement modérée tant que les restrictions n'ont pas été toutes levées et que le risque de nouvelles restrictions n'a pas disparu.

Vague de pessimisme chez les chefs d'entreprises

Le deuxième confinement a conduit à une forte dégradation du climat des affaires en novembre, l'indice composite s'étant établi à 79 contre 90 en octobre, ce qui conduit à effacer la reprise de l'été et à revenir au niveau observé en juin 2020. Compte tenu du fait que le confinement actuel est plus « léger » que le confinement qui était en vigueur au printemps, l'indicateur du climat des affaires ne s'est pas dégradé autant qu'en avril (où il avait atteint le point bas de 54). Néanmoins, la vague de pessimisme actuelle concerne tous les secteurs, en ce compris l'industrie où l'indicateur est tombé à 92 contre 94 en octobre, même si le secteur n'est quasiment pas affecté par les mesures de confinement. L'opinion des industriels français sur les perspectives de production se dégrade fortement, tandis que les carnets de commandes sont en hausse, mais toujours inférieurs à leurs niveaux d'avant crise.

Le pessimisme touche plus fortement les secteurs les plus touchés par les mesures actuelles de confinement (hébergement-restauration, commerce de détail spécialisé, commerce et réparation automobiles) en raison particulièrement de la fermeture depuis le 30 octobre de tous les restaurants, bars et commerces non-essentiels. Le climat des affaires dans le commerce de détail s'est ainsi fortement contracté pour s'établir à 72 contre 95 en octobre. Cette chute de 23 points est néanmoins un peu moins brutale que celle observée en avril lors du premier confinement (30 points). Dans le secteur des services, l'indicateur est tombé à 77 contre 89 le mois précédent et la dégradation est visible dans tous les sous-secteurs.

Par ailleurs, les perspectives globales d'emploi en France continuent de se dégrader, perdant 6 points en un mois (de 89 à 83), principalement dans le secteur tertiaire, mais également dans le secteur industriel.

L'économie française souffre davantage que ses voisins européens

Globalement, ces données mettent en exergue les dommages économiques causés par le deuxième confinement en vigueur depuis le 30 octobre afin de limiter la propagation de la pandémie de coronavirus. Ce nouveau confinement étant plus stricte en France que dans d'autres pays européens, la dégradation de la situation économique française est plus marquée. Les indicateurs PMI pour le mois de novembre illustrent bien cela, ceux de la France se situant bien en-dessous de la moyenne pour la zone euro (indicateur composite à 39.9 en France contre 45.1 en zone euro et 52 en Allemagne). Plus inquiétant encore, le secteur industriel français semble souffrir beaucoup plus de la situation actuelle que l'ensemble du secteur industriel européen, avec un indice PMI inférieur à 50 en France alors qu'il est à 57.9 en Allemagne et à 53.6 en zone euro.

Une dynamique de consommation faible en octobre

En octobre, les dépenses de consommation des ménages en biens ont augmenté de 3.7% par rapport au mois de septembre. Cette hausse permet d'effacer une partie de la diminution de la consommation observée en septembre (-4.4%). Néanmoins, cette hausse est due principalement à une forte augmentation des achats de biens alimentaires (+7.1% en un mois), ainsi qu'à des dépenses en énergie beaucoup plus élevés (+6.4% en un mois) en raison des températures fraiches au mois d'octobre. Pour toutes les autres catégories de biens, on observe soit une faible hausse soit une baisse des dépenses. Cela implique que la dynamique de la consommation n'a pas été forte avant l'entrée dans le deuxième confinement (hors alimentation) et qu'il n'y a pas eu une vraie volonté de la part des ménages de réaliser rapidement des achats avant la fermeture imposée des magasins non-essentiels à la fin du mois d'octobre. Pour le mois de novembre, compte tenu du confinement, les dépenses de consommation des ménages risquent de diminuer fortement.

Moral des ménages en berne

Une diminution de la consommation des ménages est à prévoir en novembre non seulement en raison du confinement, mais aussi en raison de la forte détérioration de leur confiance. A 90 en novembre, l'indicateur de confiance des consommateurs se trouve désormais inférieur à son niveau du mois d'avril lors du premier confinement, et a atteint son plus bas niveau depuis décembre 2018 et la crise des gilets jaunes. Les ménages estiment que les perspectives pour leur situation financière personnelle, pour le niveau de vie en France et pour le chômage se détériorent fortement. Malgré les politiques de soutien au marché du travail mises en place par le gouvernement français (dont le chômage partiel), les craintes des ménages concernant l'évolution future du chômage ne cessent d'augmenter. En novembre, l'indicateur a atteint son plus haut niveau depuis juin 2013. Dans le même temps, les ménages estiment que ce n'est pas le moment pour réaliser des achats importants, et veulent épargner encore plus dans les 12 prochains mois. Les intentions d'épargne se situent également à leur plus haut niveau depuis 2013.

Le relâchement des mesures devrait permettre une amélioration

Si ces données pour le mois de novembre ne sont pas réjouissantes, la bonne nouvelle est que la situation devrait s'améliorer au mois de décembre. En effet, l'assouplissements du confinement annoncé cette semaine devrait permettre de relancer doucement certains secteurs au mois de décembre et conduire à une amélioration de la confiance des ménages. En particulier, le secteur du commerce, qui représente 10% du PIB, devrait mieux se porter en décembre grâce à la réouverture prévue le 29 novembre. Néanmoins, le maintien du confinement puis le couvre-feu, ainsi que la décision de laisser les bars, restaurants et remontées mécaniques dans les stations de sports d'hiver fermés jusqu'en janvier, risquent de peser davantage que prévu précédemment sur l'activité économique en décembre, ne permettant pas de retourner au niveau d'activité économique qui prévalait en septembre et octobre. Nous tablons dès lors toujours sur une contraction de l'ordre de 5% en glissement trimestriel du PIB au quatrième trimestre 2020. Compte tenu du fait que le chiffre de croissance du PIB au troisième trimestre a été revu à la hausse par l'INSEE ce 27 novembre (+18.7 au lieu de +18.3 en glissement trimestre), la contraction du PIB s'élèverait à 9.3% sur l'ensemble de l'année 2020.

Une reprise prudente attendue en 2021

Après une chute du PIB de l'ordre de 9.3% en 2020, l'année 2021 devra être synonyme de reprise économique prudente. En effet, avec les annonces du Président Macron, on sait déjà que le mois de janvier continuera d'être impacté négativement par les restrictions sanitaires. Mais la question demeure ouverte sur la suite de 2021. Tout dépendra de l'évolution de la maladie, et en particulier, si les mesures de restrictions couplées à la campagne de vaccination, permettront d'éviter une troisième vague. Tant que ni les ménages, ni les entreprises ne peuvent exclure complètement la possibilité d'un troisième confinement, il est probable qu'ils adoptent un comportement beaucoup plus prudent lors du deuxième déconfinement que lors du premier, freinant la reprise.

La question de la consommation des ménages et de l'épargne de ceux-ci demeure cruciale pour 2021. Il faudra voir si le rebond attendu de la confiance sera suffisant pour pousser les ménages à utiliser l'épargne accumulée en 2020. A ce stade-ci, et compte tenu des enquêtes, il n'est pas sûr ça sera rapidement le cas. Dès lors, il faudra probablement attendre la deuxième moitié de l'année 2021 pour commencer à voir une véritable désaccumulation de l'épargne et donc un rattrapage complet de la consommation.

Dans l'ensemble, nous prévoyons une croissance du PIB de l'ordre de 5% en 2021. Le reste de la reprise économique s'effectuera probablement en 2022, avec un retour au niveau d'activité qui prévalait avant la crise prévu pour la toute fin de 2022.

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En tant que macroéconomiste chez ING depuis février 2018 dans le département belge de Recherches Économiques, Charlotte de Montpellier travaille à comprendre, analyser et prévoir les évolutions économiques (croissance, inflation, taux, marché du travail, banques centrales...) dans le monde, la zone euro, la France et la Belgique.