Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,
Il est de bon ton de dénoncer les « fake news » et autres « théories du complot » dès que l’on veut se présenter comme un « journaliste sérieux », quitte à faire quelques grosses entorses parfois… à la vérité.
Les problèmes sur l’information sont complexes et exacerbés évidemment par l’immédiateté et la rapidité d’outils liés aux échanges via Internet.
Globalement les « fausses nouvelles » se nourrissent de trois éléments
Le premier est purement technique. Les sites Internet dits indépendants ne peuvent pas reprendre les dépêches des grandes agences de presse du monde libre (le camps du bien et des gentils) comme par exemple Reuters, Associated Press ou encore bien évidemment l’Agence France Presse sans payer une redevance annuelle de plusieurs centaines de milliers d’euros !!! Et oui...
Si l’on voulait lutter contre les fausses nouvelles, on permettrait tout simplement et gratuitement aux bloggeurs de reprendre ces informations sans les jeter en prison.
Le second élément est lui « psychologique ». Les fausses nouvelles se nourrissent intrinsèquement, et c’est le point le plus important, tout simplement de l’opacité, des mensonges et des manipulations répétées des pouvoirs en place qu’ils soient politiques, économiques ou encore d’entreprises. Ce phénomène n’est pas « français ». Il est mondial.
Enfin le troisième, c’est qu’entre ce que je comprends, ce que je veux dire, ce que je dis réellement, et ce que l’autre veut comprendre ou comprend, nous avons 1000 et une raisons de ne pas nous comprendre, de nous tromper, de faire des erreurs. Bref, comme nous pouvons tous donner notre avis, nous sommes également nettement plus nombreux à pouvoir nous tromper et diffuser ainsi des avis, interprétations ou informations erronées volontairement ou non.
Les chaînes d’irresponsabilités
Nous avons laissé progressivement le monde s’organiser en ce que je nomme des chaînes d’irresponsabilités.
Plus personne n’est responsable de rien. Une société X sous-traite à une entreprise Y qui elle-même sous-traite à Z qui fera produire à son tour dans un pays asiatique. Quand il y a un problème, c’est jamais la faute de personne. Cela n’est pas le fruit du hasard mais d’une réelle volonté d’organiser l’irresponsabilité comme certains peuvent organiser leur insolvabilité.
La mise en place de l’Union Européenne est sans doute la plus grande chaîne d’irresponsabilités jamais créée.
Nous allons voter d’ici quelques semaines pour un Parlement Européen, qui n’a globalement aucun pouvoir, et le peu de pouvoir qu’il serait susceptible de pouvoir exercer est étouffé sous les divisions par pays et par groupe politique, sans oublier le poids des lobbys, de la corruption endémique à Bruxelles qui est loin de toutes juridictions et de toute surveillance aussi bien citoyennes que judiciaires.
Bref, les pouvoirs nationaux ont organisé leur impuissance avec Bruxelles et leur propre irresponsabilité pour pouvoir imposer de Bruxelles ce qu’ils ne peuvent pas faire, chacun dans leur pays respectif.
Dire cela n’est pas une « fausse nouvelle ».
Dénoncer l’opacité d’où qu’elle vienne, et dire que cette opacité par définition va nourrir tous les fantasmes, toutes les peurs, et toutes les craintes, parfois justes, souvent légitimes, quelquefois irrationnelles ou irraisonnées est une évidence.
Seule la transparence et la confiance sont capables de remporter une victoire éclatante sur les « rumeurs ».
Mais, et c’est là le point crucial, tout le système se construit et se bâtit justement sur une volonté d’opacité afin de créer des chaines d’irresponsabilités qui permettent de protéger les actions pas toujours très vertueuses (ni légales) de certains de nos grands mamamouchis qu’ils soient politiques ou dirigeants d’entreprises.
Le système génère lui-même les « fake news »
A ce point de là du raisonnement, il apparaît évident que c’est le système lui-même qui alimente et crée les conditions d’apparition des fausses nouvelles, d’abord en voulant faire payer à tous des sommes monstrueuses pour reprendre les « infos » officielles, mais ce n’est pas le point le plus crucial, l’élément clef, étant évidemment l’opacité du système qui ouvre la porte à tous les fantasmes.
Ce qui est secret est par définition suspect.
La seule façon de lutter c’est la transparence et la confiance qui sont par définition impossible à partir du moment où le système poursuit la satisfaction d’intérêts particuliers (celui du totalitarisme marchand et du bien-être financier de quelques grandes transnationales) et non pas les intérêts communs des peuples ce qui est encore plus vrai en Europe.
Enfin, à la marge, vous aurez éventuellement quelques influences extérieures, comme celles par exemple des méchants Russes, tout en sachant, qu’elles sont mineures (quoi que l’on en dise) et que le fond du problème c’est encore une fois l’opacité. Aucune rumeur ne peut prendre racine de façon importante dans un système de transparence et de confiance.
L’exemple de Coca-Cola qui sponsorise le « Conseil de l’Union Européenne »
C’est un article du très européiste site Euractiv.fr donc, nous ne sommes pas là dans l’Europe « bashing ».
Que nous raconte cet article édifiant sur la réalité du fonctionnement des institutions de notre « belle » Europe?
Que « l’ONG foodwatch s’insurge du parrainage de la présidence roumaine de l’UE par Coca-Cola. La multinationale milite par ailleurs contre une nouvelle législation sur le sucre.
Les photos peuvent surprendre : des sigles Coca-Cola étaient partout lors d’un événement de la présidence roumaine du Conseil de l’UE. Ce n’est pourtant pas la première fois. Les entreprises peuvent sponsoriser ces événements, et Coca-Cola avait déjà conclu un accord avec la présidence polonaise en 2011. Cette fois-ci, la firme est « partenaire platine », statut réservé aux entreprises qui sponsorisent la présidence à hauteur de 40 000 euros et lui donne le droit d’exhiber son matériel promotionnel ».
… Il y a de quoi hurler mais avant d’hurler voici les réponses officielles où vous voyez évidemment d’abord la « bouillie » explicative à chaque fois déversée et poindre également cette fameuse chaîne d’irresponsabilités:
« Une réaction excessive, selon la présidence roumaine, qui souligne que ce partenariat respecte le droit national et les critères que s’est fixés Bucarest, notamment en termes d’impacts sur le marché du travail ».
« En outre, les partenariats convenus, qui facilitent l’organisation des événements, n’ont en aucune manière un impact ou une influence sur la manière dont nous remplissons notre rôle de présidence du Conseil de l’Union européenne », assure une porte-parole.
Du côté du Conseil, Donald Tusk n’a pas souhaité réagir. Son service de presse indique qu’aucune règle ne limite ce type de partenariat et que cela ne relève pas du Conseil ».
Aucune confiance n’est possible à l’égard des institutions européennes
Présence massive de lobbyistes.
Absence d’accord et de législation claire sur les conflits d’intérêts ou les registres de transparence.
Absence d’organisme de contrôle efficace doté de pouvoir d’enquête, pouvant être saisi, et pouvant sanctionner les abus et les poursuivre en justice…. Mais devant quelle juridiction? Tout le monde se protégeant.
L’ensemble de ces institutions veut se mettre à l’abri du regard des peuples, des journalistes, et de façon générale des principes fondamentaux de la démocratie.
Nous avons donc créé une société de défiance où nous laissons une entreprise comme Coca-Cola sponsoriser un Conseil de l’Europe à quelque mois « d’une révision de la législation alimentaire, qui pourrait se pencher sur l’idée de taxes sur le sucre, ainsi que de débats sur l’étiquetage nutritionnel sur les emballages des denrées alimentaires ».
Comment voulez-vous que les peuples puissent avoir confiance dans un tel système, comment voulez-vous éviter les interprétations, les rumeurs, les opinions, les interrogations, légitimes?
Une société « de la confiance » pour reprendre une terminologie à la mode cela se construit sur des bases saines de transparence, de vérité, d’intégrité et d’honnêteté, avec des garde-fous, des contrôles, des sanctions et des contre-pouvoirs.
Est-il encore utile de vous préciser, que plus l’on nous parle de la « société de la confiance », plus, nous nous situons dans le syndrome « Mac Cain », vous savez la publicité pour les frites. « Mac Cain, c’est ceux qui en parlent le moins qui en mangent le plus ».
Nous sommes dans la même situation. Plus l’on vous parle de liberté, moins vous en avez, plus l’on vous parle de démocratie, plus elle recule, plus l’on vous parle de la société de la confiance, plus vous avez d’opacité.
Ce système se nourrit et prospère uniquement dans l’opacité
Les choses sont donc très simples. Permettre de vrais espaces de débats, ne pas judiciariser ou criminaliser chaque parole, propos ou « dérapages », laisser les idées s’affronter et les informations s’échanger, permettre aux citoyens de se forger un avis éclairé, sont les éléments de la transparence et du débat démocratique. Le problème c’est que dans de tel cas, les peuples arrivent forcément à des conclusions totalement inverses aux intérêts des totalitaires marchands et des grandes multinationales.
Alors, vous savez, quoi? L’opacité, la manipulation, les mensonges ont encore de beaux jours devant eux, de même que leur corolaire, les théories du « complots », auxquelles nous ferions mieux de préférer la notion d’intérêts financiers privés partagés par une minorité…
Pour résumer le fonds de ma pensée, il n’y a pas de « fake news » dans une véritable démocratie où règne la liberté car le terme « fake news » est utilisé pour faire taire, pour dénigrer, pour dévaloriser les paroles indépendantes, ou celles, qui posent des questions auxquelles certains puissants ne veulent surtout pas avoir à répondre.
Pour le dire autrement, il n’y a aucune volonté de lutte contre les « fausses nouvelles », il y a une volonté très forte de contrôler l’information. C’est évidemment très différent!
Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
Article écrit par Charles Sannat pour Insolentiae