Déficit extérieur : les exportations n’ont pas vocation à renflouer les caisses de l’Etat

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Par Thomas Orliac Publié le 15 août 2013 à 4h08

Il y a quelques jours, les chiffres du commerce extérieur ont été publiés et la réduction du déficit a été interprétée comme un signe précurseur d'une reprise économique qui n'en finit plus de se faire désirer. Avec 4,4 milliards d'euros de déficit en juin, la balance commerciale enregistre ainsi une « performance » remarquable dans un contexte d'accroissement continu du déficit depuis le début des années 2000. Ainsi, pour la première fois depuis 2010, le déficit cumulé du premier semestre est repassé sous la barre des 30 milliards d'euros.

Le déficit, une longue histoire

Un solde déficitaire n'est pas nouveau puisque, depuis 30 ans, ce solde n'a été positif que quelques années. La nouveauté vient de son explosion durant la dernière décennie. L'importance des volumes considérés s'explique notamment par l'accroissement exponentiel des flux échangés depuis trois décennies qui sont passés de quelques dizaines de milliards dans les années 70, à près de 1000 milliards d'euros en 2012, symbolisant la « mondialisation » de l'économie dans laquelle la France s'est inscrite. La France n'est pas le seul pays à connaitre de tels déficits chroniques, les Etats-Unis, par exemple, naviguant entre 400 et 800 milliards de dollars de déficit depuis le début des années 2000.

Un déficit de long terme peut s'avérer problématique

Pour beaucoup, ce creusement du déficit commercial serait à la fois la cause et le symptôme de nos difficultés. Mais la croissance - atone - de la France ne saurait se résumer à son déficit commercial. Pour reprendre l'exemple des Etats-Unis, ces déficits ne les ont pas empêchés de connaitre des périodes de croissance économique forte car ils ont pu s'appuyer sur une croissance interne. En réalité, un tel déséquilibre reflète une mauvaise allocation entre d'autres grandeurs macroéconomiques, l'épargne et l'investissement, ainsi que des problèmes de spécialisation et de compétitivité.

La réduction du déficit commercial ne doit pas être comprise comme une course aux exportations au détriment des importations. Ce prisme est entretenu par l'idée qu'un solde excédentaire, comme en Allemagne, serait l'unique moteur de croissance d'un pays et s'accompagnerait d'une réduction automatique du déficit budgétaire. Les exportations seraient alors le seul intérêt aux échanges et un solde positif, la justification d'une politique commerciale ouverte. Hors, les exportations n'ont ni vocation à renflouer l'Etat, ni à être une source intrinsèque de croissance, mais à financer nos importations. Car ce sont bien les importations qui sont sources de gains aux échanges et non l'inverse. L'explication tient aux gains consécutifs à la baisse des prix des biens importés et à la variété de biens accessibles. Nous en sommes bien conscients lorsque nous achetons du textile chinois pour son prix ou des fruits exotiques pour leur inexistence naturelle en métropole.

De la réalité de la balance commerciale ?

Tout comme les tentatives de création d'indicateurs alternatifs au PIB, prenant en compte le « bien être » par exemple, l'interprétation de la balance commerciale est de plus en plus discutée. Ainsi, les économistes développent de nouvelles mesures prenant en compte la chaine de valeur ajoutée. Les dernières études menées par l'OCDE et l'OMC montrent une redistribution des soldes bilatéraux, relativisant certains déséquilibres établis (comme avec la Chine par exemple) et font également apparaître l'importance croissante du secteur des services, au détriment de certains secteurs historiques. Cependant, cette approche ne change pas le solde agrégé et donc les déficits totaux.

Le frémissement d'une reprise ?

L'existence de flux importants est plutôt un signe de vitalité de l'économie et une baisse des importations, comme enregistrée ce mois-ci, doit être interprétée avec prudence, quand bien même le solde commercial en bénéficie. Bien qu'encourageantes, les perspectives d'un infléchissement de tendance doivent tenir compte de l'évolution de la situation économique de nos partenaires (pour 60% européens), du taux de change mais aussi de notre propre compétitivité et sérieux budgétaire.

Si l'impact d'une évolution du taux de change reste ambigu (baisse des prix à l'export mais hausse à l'import, notamment de l'énergie) et en dehors de notre ressort (la Banque Centrale Européenne est indépendante et le taux de change flexible), les perspectives d'un retour de la croissance mondiale restent limitées et certains de nos partenaires ont « profité » de la crise pour faire des efforts structurels améliorant leur compétitivité. Dans ce contexte, l'objectif affiché d'un équilibre en 2017 peut paraître ambitieux.

Pour y arriver, l'Etat doit mettre en place un environnement propice à des hausses de compétitivité et poursuivre ses efforts d'assainissement budgétaire. En effet, si l'on se place dans le cadre de la comptabilité nationale, le déficit de la balance commerciale doit être le reflet du déficit de l'épargne nationale par rapport à l'investissement. Toutefois, il convient de privilégier le travail sur la compétitivité, car l'effort d'épargne devrait être important pour surpasser les effets négatifs induits sur l'activité et l'épargne privée. Et ce ne sont pas les difficultés récurrentes pour réduire le déficit budgétaire qui vont favoriser cette voie.

Le développement du patriotisme économique, comme le concept de la « marque France » et la lutte contre les délocalisations, de bonnes orientations stratégiques d'investissement d'avenir, les initiatives de simplification administrative, et même l'accompagnement - méconnu par le grand public - des services douaniers auprès des entreprises, sont autant d'éléments contribuant à une inflexion de tendance. L'attractivité de la France se trouve également renforcée par les efforts - reconnus par les professionnels - de la douane pour fluidifier ses procédures et appréhender les tenants et aboutissants de l'ensemble de la chaine logistique.

Attention cependant au poids croissant des charges sur nos entreprises et le pouvoir d'achat des français, grevant les efforts de compétitivité et favorisant une course aux biens les moins chers, soit souvent des biens importés, tout en réduisant la consommation, autre moteur de la croissance. Une plus grande transparence et lisibilité fiscale est également nécessaire afin de relancer les investissements. Enfin, l'effort envers les PME doit être accentué afin de favoriser leur développement à l'international. Toutefois, si le cadre réglementaire peut influer sur la compétitivité, le secteur privé doit aussi y contribuer en révisant le cas échéant ses processus et son approche des marchés internationaux, voire également en se réorientant vers des secteurs à plus fort avantage comparatif.

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Thomas Orliac est Docteur en Economie, spécialisé sur les questions de commerce international et de facilitation des échanges. Diplômé de Sciences-Po Paris et de l'Université Paris IX – Dauphine, enseignant et consultant, il a notamment travaillé pour l'OCDE sur les questions de facilitation des échanges et est actuellement à la Direction Générale des Douanes. Il compte également plusieurs collaborations avec différentes institutions internationales, comme la Banque Mondiale.Les propos de ses articles n'engagent que M. Orliac.