Citéco, le nouveau musée de l’économie : de l’ambition et des carences

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Par Philippe Herlin Publié le 14 juin 2019 à 5h45
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Citéco, le nouveau musée de l’économie : de l’ambition et des carences - © Economie Matin
50 MILLIONS €La rénovation complète et la construction du musée a coûté 50 millions d'euros

Voici un nouveau musée à Paris, et il est consacré à l’économie ! Il a pour nom Citéco, «la cité de l’économie». Relevons l’audace du pari et souhaitons-lui bonne chance, même si le parcours muséographique peine à nous convaincre.

Citéco ouvre le 14 juin, au 1 place du Général-Catroux (Paris 17e), et prend place dans un magnifique hôtel particulier qui n’avait jamais été ouvert au public depuis sa construction. L’Hôtel Gaillard est inauguré en 1885 par un grand bal donné par le maître des lieux, Emile Gaillard (1821-1902), un riche banquier amateur d’art, collectionneur mais aussi élève de Frédéric Chopin, qui lui dédia une mazurka. Le style néo-Renaissance du bâtiment est du plus bel effet, et le premier mérite du musée est de permettre au grand public de pouvoir l’admirer. La rénovation de la façade comme des intérieurs est splendide.

50 millions d’euros de budget

L’hôtel est mis en vente en 1904 et acquis par la Banque de France, qui en fera une succursale : la cour intérieure est creusée pour y loger une imposante salle des coffres, que l’on peut visiter, et, au-dessus, le hall du public, pour les grandes fortunes d’alors qui souhaitent stocker leur or. La Banque de France lance le projet Citéco en 2010. La rénovation complète et la construction du musée a coûté 50 millions d’euros tandis que le budget annuel de fonctionnement se monte à environ 5 millions d’euros, avec le souhait de parvenir à 20% de ressources propres (l’entrée est à 12 euros, ce qui n’est tout de même pas donné).

Le parcours muséographique s’attache à faire comprendre le fonctionnement de l’économie de façon pédagogique. Le sujet est vaste et il se structure autour de six thèmes : échanges, acteurs, marchés, instabilités, régulations, trésors. Le dernier thème regroupe une collection de monnaies et d’objets dans la salle des coffres, tandis que les cinq premiers présentent des installations pédagogiques et des vidéos. On sent que le public attendu sera surtout scolaire, on ne sort pas des clous, c’est de l’économie mainstream qui est présentée ici.

Frédéric Bastiat et Maurice Allais même pas cités !

Ainsi, il n’y a pas de confrontation des différentes écoles de pensée autour des grandes problématiques et c’est regrettable, hormis une vidéo opposant Keynes à Friedman. Les grandes écoles sont seulement présentées sur un grand panneau, mais on relève l’absence de Frédéric Bastiat et de grands économistes français classiques, le point de vue est très anglo-saxon. Si, tout de même, Jean Tirole est cité, mais pas notre autre Prix Nobel, Maurice Allais, moins «économiquement correct» il est vrai… Jean Fourastié non plus n’est pas mentionné, alors qu’il a tant fait pour populariser l’économie.

Un exemple de la pensée préformatée qui règne en maître : sur un module pédagogique concernant le financement des retraites, il est proposé d’augmenter les cotisations ou de reculer l’âge de la retraite, mais aucunement de mettre en place une dose de capitalisation, un gros mot en France où le régime par répartition semble inscrit dans les Tables de la Loi. De même, notre imposante dette publique n’est jamais abordée frontalement, alors que le sujet inquiète légitimement les Français, c’est dommage.

Le bitcoin totalement absent !

Mais l’oubli le plus scandaleux est le bitcoin, totalement absent, jamais cité. « La Banque de France ne souhaite pas s’exprimer sur le sujet » nous répond un responsable lors de la visite de presse… C’est regrettable, le sujet passionne, il fait régulièrement l’actualité, mais tant pis. Citéco est une belle et ambitieuse idée, mais le parrainage de la Banque de France l’étouffe. Le gouverneur de l’institution monétaire, François Villeroy de Galhau, est aussi le président du musée, quel intérêt ? Il faut que Citéco bénéficie d’une vraie autonomie pour devenir plus ouvert, plus impertinent, plus captivant, et soit ainsi à la hauteur de son ambition.

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Philippe Herlin est économiste, Docteur en économie du Conservatoire National des Arts et Métiers, il a publié plusieurs ouvrages chez Eyrolles et rédige des chroniques hebdomadaires pour Goldbroker. Il écrit tous les vendredis un article sur l'art et la culture vus à travers l'économie, et intervient ponctuellement sur d'autres sujets. Son site : philippeherlin.com.

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