Les chiffres du chômage donnent souvent l’illusion d’un flux constant très général de chômeurs, aux contours difficiles à cerner. En réalité, derrière les chiffres du chômage se cachent des évolutions de fond de la société française tout entière, qu’il n’est pas inutile de suivre de façon rapprochée.
L’évolution de la population active et du taux d’emploi permettent par exemple de donner une meilleure vision de la réalité du chômage en France. Ainsi, de 2001 à 2010, la France, selon l’INSEE, aurait vu sa population augmenter d’environ 3 millions de personnes. Selon les dernières estimations, le chiffre exact avoisinerait les 3,250 millions de Français nouveaux sur une période de 9 ans.
Or, en 2001, la population active de la France au sens du BIT (soit la population occupée et les chômeurs) était de 26,5 millions de Français. Elle dépasse à peine les 28 millions aujourd’hui. Autrement dit, pendant que la population globale augmentait significativement, le nombre d’actifs (y compris les personnes en recherche d’emploi) augmentait d’1,5 million de personnes, soit moins que le flux de nouveaux Français.
Ce chiffre est particulièrement brutal pour les hommes : à peine 500.000 nouveaux actifs masculins ont gonflé la population active pendant cette période, alors qu’environ 1,2 million de femmes y accédaient. Dans ce contexte, la création d’emploi apparaît comme fortement marquée par le développement de l’activité féminine. L’activité masculine stagne dangereusement.
Cette inégalité entre les sexes dans la recherche d’emploi est un phénomène marquant de la décennie qui s’achève. Près de 70 % des femmes entre 15 et 64 ans travaillent, alors qu’elles étaient à peine 60 % en 1992. Inversement, le taux d’emploi chez les hommes a reculé d’environ 1 point durant cette période.
Pris sous cet angle, le chômage en France peut être analysé comme une crise durable de l’emploi masculin, dont le volume global stagne et la part dans la société française diminue peu à peu. En ce sens, les politiques de l’emploi gagneraient à reconnaître la spécificité du chômage masculin, et devraient sans doute s’appuyer sur des logiques nouvelles pour prendre en compte cette évolution.
Les projections de l’INSEE laissent en effet penser que cette tendance devrait se prolonger jusqu’en 2020, année où les femmes représenteront 48,1 % des actifs (contre 47,7 % aujourd’hui). D’une certaine façon, il existe un coût social à l’égalité des sexes, dont les effets mériteraient d’être pris en compte pour être mieux acceptés...