La Chine relève ses ambitions économiques

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Par Stéphane Monier Publié le 8 décembre 2020 à 13h19
Chine Wuhan Vide
@shutter - © Economie Matin
6%La croissance de la Chine pourrait atteindre 6% sur un an au quatrième trimestre 2020.

2021 assistera à un nouveau changement dans les relations entre la Chine et le reste du monde. La deuxième économie de la planète se profile avec un objectif zéro carbone en 2060 et ambitionne de doubler la taille de son économie d'ici quinze ans. Ces changements modifieront les choix et les opportunités qui s'offrent aux investisseurs.

À première vue, les ambitions de la Chine en matière de produit intérieur brut d'ici 2035 n'ont rien d'extraordinaire. Son économie a connu une croissance de 6,7% par an en moyenne depuis 2015, et la Chine déclare qu'elle nécessitera une croissance moyenne de 4,7% au cours de la présente décennie afin de doubler son PIB. Mais ainsi que l'a récemment écrit Michael Pettis, professeur de finance auprès de l'Université de Pékin, c'est un énorme défi que le pays se lance en raison du vieillissement de la population active chinoise et d'une croissance historique étroitement tributaire de l'augmentation de la dette.

Les Nations unies prévoient que la population chinoise diminuera de quelque 7% d'ici 2035. La poursuite d'une telle surperformance nécessitera un boom massif de l'industrie et des exportations alimenté par l'investissement. Ce qui générera une augmentation de l'endettement. Alors que le PIB a doublé durant la dernière décennie, le ratio dette/PIB du pays est passé de 34% en 2010 à plus de 63% au troisième trimestre de 2019, selon les données de l'Institut de la finance internationale. Si l'on y ajoute la dette privée des ménages et des entreprises non financières, ce ratio passe de 178% à 289% pour la même période.

A la pointe de la reprise

Durant la crise du COVID-19, l'expérience de la Chine a été très différente de celle de la plupart des économies hors Asie. Après avoir rapidement imposé des confinements régionaux stricts et être sortie de la crise avant ses voisins et les autres grandes économies, la croissance chinoise devrait atteindre 2% cette année. Nous estimons que la Chine enregistrera une croissance du PIB de 8.4% en 2021, supérieure aux prévisions du consensus de 8.1%, avant qu'elle ne retombe à 5.2% en 2022, un niveau plus conforme à sa tendance à long terme.

Cela fait de l'économie chinoise la plus rapide parmi toutes les grandes économies à renouer avec son PIB tendanciel, même sans les bénéfices d'une campagne de vaccination généralisée.

Cash et COVID

L'impact plus restreint de la pandémie de COVID-19 sur l'économie de la Chine s'est traduit par une réponse budgétaire d'une moindre ampleur que dans les autres pays, avec des mesures équivalant à 4,6% du PIB, contre 11,8% aux États-Unis, 5,5% en France et 8,5% en Allemagne.

De la même manière, la Banque populaire de Chine (BPdC) a évité les mesures monétaires extraordinaires mises en œuvre par les autres banques centrales. La relative stabilité de l'économie chinoise laisse penser qu'elle pourra poursuivre sa politique de taux directeurs tout au long de 2021. Nous pensons que le principal risque pour cette économie est une augmentation importante de l'endettement des entreprises. La BPdC devrait gérer les inquiétudes concernant les niveaux d'endettement liés au secteur immobilieret tout signe de déséquilibre en matière de crédit aux entreprises, par des mesures ciblées telles que des restrictions imposées aux promoteurs immobiliers émettant des obligations libellées en dollars américains.

En outre, les pressions inflationnistes devraient rester limitées. Les prix des denrées alimentaires, qui représentent un cinquième environ des dépenses des ménages, devraient continuer à baisser l'année prochaine. La sécurité alimentaire en Chine suscite des inquiétudes car le prix de la viande de porc a augmenté depuis 2018, lorsque le pays a connu une épidémie de peste porcine africaine. La maladie étant désormais en régression, le prix baisse. De surcroît, les prix des services, qui représentent plus de la moitié de l'économie, devraient se stabiliser et se refléter dans les chiffres de l'inflation.

Stabilité politique, tensions politiques

L'expérience unique de la Chine lors de la crise du COVID ayant renforcé sa position, le président chinois Xi Jinping a intensifié son contrôle sur le Parti communiste. En 2018, le Congrès national du peuple a supprimé la limite constitutionnelle de deux mandats présidentiels de cinq ans, ce qui laisse entendre que M. Xi pourrait conserver le pouvoir au-delà de la décennie traditionnelle.

Entre-temps, le pays fait preuve d'une moindre tolérance à l'égard des dissidents hongkongais et, la semaine dernière, il a mis en prison des militants pour des manifestations qui ont eu lieu en 2019. De plus, les tensions avec les États-Unis sur les questions stratégiques et la concurrence avec les entreprises technologiques américaines et européennes s'intensifient.

« La Chine représente aujourd'hui la principale menace pour l'Amérique et pour la démocratie et la liberté dans le monde depuis la Seconde Guerre mondiale, a écrit John Ratcliffe, actuel directeur du renseignement national américain, la semaine dernière dans le Wall Street Journal. Pékin a l'intention de dominer les États-Unis et le reste de la planète sur le plan économique, militaire et technologique », a-t-il déclaré. Bien que l'administration Biden soit censée se montrer plus ouverte au dialogue avec la Chine, les tensions économiques et géopolitiques qui sous-tendent les relations entre les deux superpuissances mondiales ne vont pas disparaître.

Les interrogations concernant la source de la pandémie de COVID-19 sont également de plus en plus politisées. L'Organisation mondiale de la santé et la revue médicale The Lancet enquêtent toutes deux sur les origines du virus.

Selon la Banque mondiale, la Chine représente 16% du PIB mondial et devrait devenir la plus grande économie de la planète d'ici une décennie. Pour les investisseurs, il est crucial de refléter son importance économique et géopolitique croissante dans leurs portefeuilles. La concrétisation des récentes ambitions de la Chine importe moins que la direction que prend l'évolution du pays.

C'est pourquoi nous considérons la Chine comme une allocation de portefeuille à part entière. Nous détenons ainsi des obligations chinoises, qui offrent des vertus de diversification, ainsi que des actions chinoises qui permettent d'ajouter une exposition à la croissance de qualité et maintenons une position longue sur le renminbi vis-à-vis du dollar américain.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.