J'ai vu beaucoup de vidéos, beaucoup. Sur ce qui se passe en Syrie, sur ce qui se passe en Irak, sur les fous de Dieu tirant sur les fils de Dieu, ses filles ou ses enfants, plus de 90 % des victimes étant elles-mêmes musulmanes. J'ai vu ces images où les « contractors » américains liquidaient de sang-froid des civils, hommes, femmes et enfants, j'ai vu ces images de drones et de dommages collatéraux. J'ai vu ma dose de massacre et à chaque fois, c'est une immense envie de vomir, c'est une immense envie de pleurer face à ces haines qui dévorent l'humanité.
J'ai vu cette vidéo où un policier est abattu d'une rafale de kalach en plein Paris. J'ai vu ces images où l'homme en treillis noir de commando se rapproche. J'ai entendu ce policier dire « c'est bon chef » au terroriste qui allait l'achever. Les derniers mots d'un mort. Aucun amour là-dedans. Aucune pitié. Aucune piété. La haine à l'état pur. Pourtant ce policier était avant tout un homme. Un homme au service de ses concitoyens.
Alors aujourd'hui je pleure.
Je pleure pour cet homme.
Je pleure pour sa famille.
Je pleure pour ses enfants.
Je pleure pour notre pays, notre nation et son peuple.
Je pleure pour tout ce sang qui sera versé et qui, quel que soit la couleur des victimes, coule toujours rouge et sèche de la même manière sur les routes.
Aujourd'hui je pleure, mais je suis aussi en colère.
En colère contre des dirigeants qui nous mentent aussi bien économiquement, politiquement que socialement.
En colère car leur incurie nous rapproche chaque jour un peu plus de l'abîme et cet abîme, ne vous y trompez pas, sera collectif là encore quelle que soit votre couleur de peau, votre origine, votre religion ou votre « communauté » d'appartenance.
En colère contre l'euthanasie généralisée de la pensée étouffée par un politiquement correct devenu aussi fou qu'à la belle époque de l'Union soviétique.
En colère contre notre incapacité collective à poser les mots sur nos maux non pas pour stigmatiser tel ou tel mais pour apporter des solutions à nos problèmes avant que nos problèmes nous apportent les plus grands malheurs. D'ailleurs, en économie, il n'y a personne à stigmatiser à part peut-être les banquiers... Et dans ce domaine, pas plus qu'ailleurs, nous ne sommes capables de poser les mots.
Nous préférons l'humiliation en imaginant éviter les haines. Nous aurons l'humiliation et les haines.
J'ai toujours averti de l'immense montée de ces tensions. Averti et mis en garde sur les dangers que cela fait peser sur l'unité de notre pays. Je pleure d'avoir raison. Je pleure mes amis, je pleure de voir aujourd'hui ce que j'ai vu, et je pleure encore plus de savoir que ce n'est que le début de la fin et le crépuscule de la paix.
Je pleure pour cet homme, je pleure pour toutes les autres victimes, massacrées, exécutées. Je pleure de voir les Français tuer les Français car c'est sans doute cela qu'il s'est passé pour la première fois en ce 7 janvier 2015.
Souvenez-vous du 7 janvier 2015. Date funeste d'un destin que beaucoup ne veulent plus commun. Souvenez-vous et pleurez.
Je pleure le temps du sang et le temps des larmes qui vient.
Mais je vais rire, rire en pleurant bien évidemment.
Cabu, illustrateur de mon enfance, est décédé ainsi que d'autres dessinateurs. Je n'ai pas votre talent, loin de là. J'écris mais je ne sais pas dessiner. J'aimerais vous rendre hommage, hommage à ma manière, hommage en riant, et je suis sûr que vous auriez ri car vous aimiez l'humour noir. Vous auriez ri car la liberté c'est pouvoir rire de tout même si ce n'est pas avec tout le monde et même si certains dessins ne m'ont pas fait rire. L'humour c'est le dernier rempart de la liberté. Le dernier droit à penser librement. La liberté ne se négocie pas.
« Charlie Hebdo recrute dessinateurs caricaturistes aimant l'humour noir. 4 postes à pouvoir. » Hélas, vous n'êtes plus là pour illustrer de tels propos...
J'en pleure, j'en pleure et, finalement, même en essayant très fort je n'arrive plus à rire...