Quand le change s’invite dans les discussions sino-américaines

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Par Hervé Goulletquer Modifié le 20 février 2019 à 10h49
Chine Fete Celibataires 2
@shutter - © Economie Matin
0,4En 2018, l'excédent courant n'a été que de 0,4 point de PIB, contre près de 3 points en 2015.

Les Américains veulent s’assurer que la parité USD-CNY ne sera pas un dommage collatéral de l’accord à trouver. On peut le comprendre. Mais à eux de savoir ne pas créer les conditions d’un trop fort déséquilibre de l’économie chinoise.

Les écarts de taux d’intérêt entre les Etats-Unis et la Chine se réduisent

Le Vice-premier ministre chinois Liu He sera à nouveau à Washington jeudi et vendredi, pour rencontrer à nouveau les ministres américains Mnuchin et Lighthizer. Il y a de l’accélération des négociations commerciales dans l’air ! On sait qu’il y a deux dimensions dans les discussions en cours : l’une, plus conjoncturelle, qui vise à réduire le déséquilibre commercial bilatéral et l’autre, plus structurelle, qui ambitionne de faire évoluer les pratiques chinoises en matière de politique économique. Un élément nouveau a été apporté au dossier tout récemment : la stabilité du CNY, la monnaie chinoise. Pourquoi cela ?

Commençons par faire un quadruple constat, qui ne fait pas conclure en faveur d’un affaiblissement du CNY. Premièrement, les écarts de taux d’intérêt entre les Etats-Unis et la Chine se réduisent ; ce qui ne plaide pas pour une appréciation du dollar face à la devise de la Chine. Deuxièmement, les autorités chinoises paraissent être revenues sur la période récente à un pilotage assez précis de leur monnaie en fonction des évolutions du taux de change effectif du dollar. Celui-ci est plutôt stable à l’heure actuelle et donc celui-là n’a pas de raison de bouger beaucoup. C’est peut-être dans les périodes de renforcement de la monnaie américaine qua la tentation de faire glisser le CNY est plus marquée. Troisièmement, il faut rappeler que le régime chinois aspire avant tout à la stabilité, dans ses dimensions politique, sociale et économique. C’est dans les périodes de forte inflation que la nécessité de dévaluer la devise se fait sentir. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Quatrièmement, l’un des enjeux de la politique étrangère de Pékin est de tisser des liens économiques et financiers plus étroits avec les pays géographiquement proches. A ce titre, être un pôle de stabilité monétaire est un objectif intermédiaire important.

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Fort de ce rappel, pourquoi cette insistance nouvelle des officiels américains à rechercher une garantie de stabilité du CNY ? Sans doute au titre de là où les discussions sont les plus avancées entre les deux pays. On sait que l’excédent courant bilatéral de la Chine sur les Etats-Unis est d’à-peu-près 380 milliards de dollars à l’heure actuelle. Il pourrait atteindre 500 milliards à un horizon de 5 ans. Eh bien, l’idée sur laquelle les deux partenaires seraient d’accord est de ramener d’ici à 2024 les échanges de biens et services à l’équilibre. Comment faire et avec quelles implications ?

On doit probablement comprendre que la Chine va dépenser plus et donc épargner moins. Sans doute au travers d’une politique économique volontariste incitant les administrations, les entreprises et les ménages à investir et consommer davantage. Il faudra aussi « s’arranger » pour que le surcroît de demande se porte sur une offre étrangère et plus spécialement américaine. Laissons de côté le questionnement sur un déroulé qui sent bon les règles de l’économie administrée, au moment même où l’administration américaine reproche aux officiels chinois de ne pas suivre suffisamment lecredo des règles de marché partagées par les autres grands acteurs de l’économie mondiale. Insistons plus sur les implications au niveau de la balance des paiements.

Celle-ci a deux caractéristiques principales à l’heure actuelle. D’abord, l’excédent courant a peu ou prou disparu. En 2018 il n’a été que de 0,4 point de PIB, contre près de 3 points en 2015. Ensuite, la libéralisation du compte de capital à partir de 2014 et sans doute aussi la crainte d’une baisse de la devise se sont traduites par d’importantes sorties nettes de capitaux jusqu’en 2017.

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Que se passerait-il demain ? Une balance des opérations courantes « solidement » positionnée en territoire négatif semble être une perspective pratiquement incontournable. Ce qui pourrait réveiller ou aviver les anticipations d’affaiblissement de la devise. Avec le risque de plus abondantes sorties nettes de capitaux. Et alors en conséquence des pressions baissières plus marquées sur le CNY par rapport au dollar.

On peut donc comprendre l’introduction, semble-t-il récente, de la question du taux de change dans les discussions par la partie américaine. Mais « que dire » (comment objecter ?) si c’est du fait de mécanismes de marché ? Ce qui n’empêche pas de poser la question du « que faire ». Les Chinois pourraient défendre leur devise. Ne disposent-ils pas de plus de 3000 milliards de dollars de réserves officielles ? Certes ; mais il faudrait sans doute vendre une partie du portefeuille de titres d’Etat américains. La perspective est-elle envisageable par Washington ? En fait, le besoin de stabilité des autorités chinoises est sans doute la meilleure assurance pour les Américains. A ces derniers de comprendre que forcer la Chine à se réformer ne doit pas passer par une déstabilisation insupportable aux yeux des autorités de Pékin.

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Hervé Goulletquer est stratégiste de la Direction de la gestion de La Banque Postale Asset Management depuis 2014. Ses champs d’expertises couvrent l’économie mondiale, les marchés de capitaux et l’arbitrage entre classe d’actifs. Il produit une recherche quotidienne et hebdomadaire, et communique sur ces thèmes auprès des investisseurs français et internationaux. Après des débuts chez Framatome, il a effectué toute sa carrière dans le secteur financier. Il était en dernier poste responsable mondial de la recherche marchés du Crédit Agricole CIB, où il gérait et animait un réseau d’une trentaine d’économistes et de stratégistes situés à Londres, Paris, New York, Hong Kong et Tokyo. Il est titulaire d’une maîtrise d’économétrie, d’un DEA de conjoncture et politique économique et diplômé de l’Institut d’Administration des Entreprises de Paris.