Il faut réformer le CESE ou le supprimer

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Par Sophie de Menthon Publié le 8 juillet 2015 à 5h00
Reforme Cese Conseil Economique Social
wikipedia - © Economie Matin
40,9 millions ?Le budget du CESE est de 40,9 millions d'euros.

On a jamais eu autant besoin du CESE mais il faut le réformer en profondeur... ou le supprimer.

Le Conseil Economique, Social & Environnemental n'a pas malheureusement réellement fait preuve de son caractère indispensable, ni même de sa réelle utilité aux yeux de nos concitoyens. Il pourrait être donné en gage d'un grand "coup de balai" d'économies à réaliser par des candidats politiques, ce qui serait populaire ! Or, paradoxalement il n'a jamais autant existé un tel besoin de cette assemblée dont le rôle est de représenter la société civile ainsi que les corps intermédiaires et qui souffre d’un quintuple déficit : légitimité, représentativité, utilité, efficacité et visibilité !

Il y règne un certain déséquilibre politique et économique compensé par l'obligation d’un "consensus" dans ses rapports et ses avis. Le patronat et les professions libérales notamment y sont peu représentés et le nouveau souffle entrepreneurial que connait le pays n'est pas présent. L’esprit d’entreprise est le grand absent de l’institution. La répartition des membres du CESE en "collèges" et leur poids respectif devraient être redéfinis pour mieux refléter la société française. Les diverses parties prenantes s'accordent à déplorer le caractère très artificiel du découpage en "groupes" et la division en "sections". Il serait judicieux que ces sections soient transformées en commissions de travail. On doit aussi se poser la question de conserver le principe des CESER (instances régionales) ?

Le bureau du CESE règle la dynamique de l'Institution gérée par une technocratie rassurante : les "règles" sont invoquées en permanence pour ne pas innover. De même, le mode de représentativité consistant pour les associations et syndicats à désigner leurs membres qui prennent les ordres chez ceux qui les ont nommés, pose question. Le Président du CESE n’a que peu de marges de manœuvre et doit se "couler dans le moule" ; aucune séance d’actualité n'existe pour dialoguer et laisser les Membres s’exprimer.

Personne ne semble souhaiter l'influence et l'efficacité du CESE, compromises par la règle de ne pas travailler sur les dossiers d'actualité des deux autres assemblées. Pour éviter l'écueil de ce consensus mou, il conviendrait de prendre fermement en compte dans les rapports les dissensus qui constituent une richesse. La France est le pays des rapports enterrés et de la multiplication des commissions. Le CESE en est l’illustration malgré, en son sein, des personnalités d’une grande compétence qui permettent que l’on traite légitimement de tous les sujets. Il est même insultant pour le travail effectué, de constater le peu de cas qui est fait des travaux, l'Assemblée n'ayant aucun droit de suivi sur ce qu’elle produit et qui laisse généralement indifférents le Sénat et l’Assemblée Nationale. Quant à la médiatisation qui pourrait intéresser l’opinion publique, c’est au rapporteur, s’il en a les moyens, de s’exprimer dans la presse...

En principe, le CESE peut être saisi par les citoyens et il est clair que nous avons "raté" l’occasion de montrer ses capacités lors de la première interpellation par voie de pétition citoyenne (le mariage pour tous). Peu importe les bonnes ou mauvaises raisons de cet échec… Le CESE n'a pas osé se montrer indépendant du pouvoir en place, se couvrant par l'invocation de procédures et de clauses obscures. Il s’est d'abord contenté de recompter les signatures et de les vérifier… pour ensuite déclarer que c'était hors de ses compétences.

Pourtant aujourd’hui l’opinion publique souhaite être d'autant plus représentée que le discrédit de la classe politique augmente. L'état d'esprit est tel que le CESE pourrait être le réceptacle de référendums d’initiatives populaires quipermettraient aux citoyens de faire avancer des réformes dont le pouvoir politique n’a pas le courage. Dans beaucoup de domaines, l’opinion publique est en avance sur l’idéologie politique.

Le CESE devrait être le forum non seulement des corps intermédiaires constitués mais également de plus de représentants de la société civile (rôle que jouent aujourd’hui les Personnalités Qualifiées). Il faut un relais entre un Etat écrasant et des individus qui se retrouvent dans le concept de "majorités d'idées". Il faut instaurer un nouveau dialogue entre le citoyen et l'Etat puisque le peuple se défie de plus en plus de ses "élites" et permettre des actions collectives : le CESE favoriserait une démocratie d'opinion canalisée. Sur le fond, le CESE devrait systématiquement procéder – avant d'élaborer ses rapports, avis, études ou évaluations - à une consultation générale et ouverte à tous, via Internet. La question étudiée par cette Assemblée serait soumise à l'opinion publique et les suggestions prises en compte, avant tous travaux.

Dans l’intérêt général, le CESE devrait absolument être chargé, en amont des lois, de procéder à une étude prospective et pré-évaluative qui serait communiquée au Conseil d'Etat quand celui-ci doit donner son avis sur un projet de loi. Un rôle novateur car, hélas ! Il n’existe pas d’institution en France dont la fonction est d’évaluer l’impact des lois avant de les "fabriquer". Il serait nécessaire aussi d'imposer d'enrichir tous les travaux d’une projection à 10 ou 20 ans des propositions émises. Une anticipation d'autant plus incontournable que les décisions politiques sont forcément conjoncturelles…

Sur le plan financier, saluons la mandature actuelle qui a assaini le budget, réformé le système de retraites (y compris pour ceux qui verront leur mandat renouvelé) et ouvert le Palais d’Iéna à des manifestations publiques judicieuses. Pour exister efficacement (à moins qu'on ne veuille le supprimer ?), une réforme constitutionnelle semble nécessaire. Elle doit être étudiée sous plusieurs aspects : répartition et représentation, économies, pouvoir et devoir d’influence (actuellement le CESE n’est que consultatif) et enfin se poser la vraie question : quelle est la promesse d’amélioration réelle pour accompagner notre pays vers un monde en pleine mutation ?

Article publié initialement sur Magistro

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Sophie de Menthon est la présidente du mouvement patronal Ethic. Elle est également membre du conseil économique et social (CESE), et auteur de nombreux ouvrages pédagogiques ou de vulgarisation pour la jeunesse.    http://www.sophiedementhon.fr/

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