Point de vue du CIO : Un cabinet Biden profilé pour la reprise post-pandémique

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Par Stéphane Monier Publié le 1 décembre 2020 à 12h49
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3,8%Selon l'OCDE, les Etats-Unis connaîtront une récession de 3,8% en 2020.

La semaine dernière, le président élu Joe Biden a procédé à une série de nominations signalant le retour à une politique américaine multilatérale et indiquant la voie à la reconstruction économique. La nomination attendue de l'ancienne présidente de la Réserve fédérale Janet Yellen au Trésor promet une meilleure coordination entre les politiques budgétaire et monétaire.

Les choix de cabinet de M. Biden confirment nos attentes d'un retournement de la politique économique et étrangère américaine. Le 46eprésident aura ainsi l'opportunité de redéfinir la politique étrangère américaine au moment où la pandémie permettra d'injecter dans la politique sociale et les infrastructures nationales des dépenses d'une ampleur impensable il y a quatre ans encore.

« L'Amérique est plus forte quand elle travaille avec ses alliés », a déclaré le président élu la semaine dernière, quelques heures après que Donald Trump ait répété son mantra « l'Amérique d'abord ». Un mois après les élections américaines, il apparaît que le président sortant et certaines voix de son parti pourraient ne jamais admettre la défaite. La preuve du retournement politique à venir est visible dans les choix du personnel de la nouvelle administration. Les candidats, dont la nomination doit encore être confirmée par le Sénat, sont tous des experts aguerris et bien connus. Le cabinet de la Maison Blanche sera également le plus diversifié de l'histoire des États-Unis.

L'équipe de M. Biden s'appuie fortement sur l'expérience des différentes administrations de Barack Obama qui ont gouverné entre 2011 et 2015 avec un Sénat contrôlé par les républicains, puis tout au long de 2016 sans majorité dans aucune des deux chambres du Congrès. La capacité de l'administration Biden à faire adopter des lois dépendra de son aptitude à négocier avec les républicains afin de parvenir à un consensus politique. Cela sera particulièrement vrai si, comme nous l'anticipons, le Congrès reste divisé avec un Sénat toujours aux mains des républicains après le second tour de scrutin de l'État de Géorgie le 5 janvier 2021.

Parmi les choix de M. Biden figure John Kerry, ancien secrétaire d'État de l'administration Obama et vétéran de la diplomatie climatique. M. Kerry sera le fer de lance des ambitieux projets de M. Biden en la matière, à commencer par la promesse de réintégrer l'accord de Paris sur le changement climatique. M. Biden a nommé au poste d'ambassadrice auprès des Nations unies Linda Thomas-Greenfield dont la fonction sera promue au sein du cabinet. Le choix en tant que secrétaire d'État de l'ancien adjoint de M. Kerry au département d'État, Antony Blinken, souligne la volonté de travailler avec les alliés afin de nouer un dialogue avec la Chine sur les règles internationales, plutôt que de laisser une « vacance » de pouvoir. M. Blinken, l'europhile qui a décrit Brexit comme « un chaos total », est susceptible de se montrer critique à l'égard de tout échec de l'Union européenne et du Royaume-Uni à parvenir à un accord commercial. La nomination de M. Blinken suggère résolument une relation de travail plus constructive avec l'UE et les alliés.

Coordination monétaire et fiscale

La nomination de Janet Yellen au poste de secrétaire au Trésor pourrait s'avérer cruciale pour les marchés car elle déterminera la trajectoire vers une reprise économique intégrale. En effet, dans un environnement de taux bas, le soutien budgétaire pourrait avoir plus d'impact que la politique monétaire. Mme Yellen est évidemment bien équipée pour coordonner le déploiement des mesures de soutien avec la Réserve fédérale (Fed) une fois que le plan de relance, qui pourrait atteindre quelque 500 milliards de dollars, sera approuvé par le Congrès. En tant qu'universitaire, Mme Yellen est également une spécialiste du marché du travail ; elle insiste notamment sur le fait que la politique monétaire doit agir par le biais des marchés financiers pour bénéficier à l'économie réelle.
Ce n'est pas la première fois que des experts en politique monétaire et budgétaire changent de poste. Christine Lagarde a mis l'expérience en matière de politique budgétaire qu'elle a acquise lorsqu'elle était ministre française des Finances, au service du Fonds monétaire international (FMI), et dorénavant de la Banque centrale européenne.

Enfin, Jake Sullivan, nommé conseiller à la sécurité nationale de l'administration Biden, a participé à la négociation de l'accord sur le nucléaire iranien en 2015, que Donald Trump a abandonné. M. Sullivan va désormais jouer un rôle dans la reprise du dialogue avec l'Iran, ce qui pourrait s'avérer un facteur important pour la stabilisation du marché pétrolier. La gestion par l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et la Russie (OPEP+) demeure toutefois essentielle dans ce processus et nous tablons sur un cours du baril de Brent se situant aux alentours de 50 USD en 2021.

Des portefeuilles résilients en phase de reprise

Cette vision radicalement différente du leadership américain confirme nos attentes d'une embellie du commerce mondial en 2021. Dans ce contexte, nous nous attendons à une faiblesse continue du dollar américain compte tenu du déclin de la demande pour la devise américaine et à une amélioration des perspectives pour les économies émergentes grâce à l'atténuation des frictions commerciales.

Ces derniers mois, nous avons adapté notre positionnement de portefeuille à l'amélioration conjoncturelle en ajoutant des expositions aux actifs cycliques tels que les actions européennes, les marchés émergents et les petites capitalisations. Ces allocations devraient toutes bénéficier de l'évolution attendue en matière de politique américaine.

Au cours de l'année à venir, la distribution des vaccins contre le Covid-19 aidera les économies à renouer avec leur niveau d'activité pré-pandémique, bien qu'à des rythmes différents.

En 2021, il sera vital de maintenir des portefeuilles bien diversifiés afin de bénéficier de la reprise économique à venir.

Les nominations de M. Biden à des postes clés de l'administration

Janet Yellen - Secrétaire au Trésor
Première femme à la tête de la Fed, elle devrait devenir la première femme à diriger le Trésor américain ; spécialiste du marché du travail et professeur émérite à l'université californienne de Berkeley. Elle a été présidente de la Fed durant un mandat, M. Trump ne l'ayant pas reconduite dans ses fonctions en 2017.
Antony Blinken - Secrétaire d'État
Ancien rédacteur des discours du président Bill Clinton et conseiller adjoint à la sécurité nationale sous la présidence Obama.
John Kerry - Envoyé spécial pour le climat
Ancien secrétaire d'État de l'administration Obama, qui a négocié et signé l'Accord de Paris pour les États-Unis.
Ron Klain - Chef de cabinet
Chef de cabinet du vice-président Al Gore sous l'administration Clinton avant d'occuper le même poste pour le vice-président Biden.
Avril Haines - Directrice du renseignement national
Ancienne directrice adjointe de la CIA (Agence centrale de renseignement) et conseillère juridique adjointe des démocrates au Sénat.
Jake Sullivan - Conseiller à la sécurité nationale
Conseiller de M. Biden à la sécurité nationale sous l'administration Obama et ancien chef de cabinet adjoint d'Hillary Clinton alors qu'elle était secrétaire d'État.
Linda Thomas-Greenfield - Ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies
Ancienne ambassadrice des États-Unis au Liberia, avant de devenir secrétaire d'État adjointe aux affaires africaines sous l'administration Obama, puis Trump.
Alejandro Mayorkas- Secrétaire à la sécurité intérieure
Ex-député dans cette même fonction pendant trois ans sous l'administration Obama.

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Stéphane Monier est Chief investment officer chez Lombard Odier.