Dans un monde sans cesse plus transparent et scruté, les entreprises sont amenées à gérer les risques d’image de façon de plus en plus proactive. Une course à la vertu à laquelle le pricing power apporte une avance certaine.
C’était il y a 30 ans. Un laboratoire américain constatait des traces de benzène, un gaz cancérigène, dans 13 bouteilles de Perrier. Une goutte d’eau sur les 280 millions de bouteilles alors commercialisées dans le monde. Mais une goutte qui aura valu au groupe une chute vertigineuse de ses ventes et jusqu’à la perte de son indépendance. Depuis ce cas d’école de controverse incontrôlée, la fréquence de ce type de scandale s’est largement accélérée. Parmi les derniers en date, l’implication via leurs sous-traitants de plusieurs dizaines de sociétés occidentales dans l’exploitation forcée des populations ouïgours, dans un contexte d’oppression systématique par le pouvoir chinois.
Les moyens de rémunérer les autres parties prenantes
Plusieurs raisons expliquent ce phénomène : transparence accrue, essor de l’activisme associatif, protection des lanceurs d’alerte, baisse du seuil d’acceptabilité par le grand public, essor des réseaux sociaux… Conséquence de ce nouveau paradigme, les entreprises ne peuvent plus ignorer ces risques, qu’il serait trop dangereux de gérer a posteriori. Il leur faut désormais une gestion proactive. Si ce constat concerne a priori toutes les entreprises, celles qui sont parvenues à construire un pricing power solide paraissent toutefois comparativement moins sujettes aux controverses. Pourquoi ? Parce qu’elles le peuvent, mais aussi parce qu’elles le doivent.
Explications. Dans un monde ouvert, concurrentiel et déflationniste, le principal défi pour les entreprises est de conserver pour elles-mêmes la valeur économique si difficilement créée. En ne cédant pas tout aux seuls clients via des baisses de prix, le pricing power donne aux entreprises concernées les moyens de rémunérer leurs autres parties prenantes, et pas seulement leurs actionnaires. Avec à la clé, un climat social souvent plus apaisé, une intégration plus réussie dans les territoires via des politiques environnementales plus ambitieuses… A l’inverse, un modèle de type low cost repose certes sur une combinaison novatrice et optimisée de ressources données, mais aussi sur une certaine moins-disance en matière de RSE, seul moyen de proposer aux clients des tarifications aussi agressives. Les pratiques sociales parfois brutales dans les compagnies aériennes à bas prix et le sort des ouvriers sous-traitants dans le secteur de la fast fashion montrent à quel point ces pratiques peu vertueuses font partie du modèle même de ces entreprises.
Un capital immatériel facile à détruire
Une autre raison tient à la nature même du pricing power. Quel qu’en soit le moteur intrinsèque (savoir-faire discriminant, avance technologique…), celui-ci se construit sur la perception par les clients finaux d’une supériorité, d’une exception. La capacité à maîtriser une politique de prix repose dès lors sur la construction d’une image distinctive à travers une marque forte, haut de gamme. Or ce capital immatériel est aussi facile à détruire (à travers une controverse, un scandale) qu’il est compliqué à construire. Les entreprises disposant d’un pricing power élevé ont donc trop à perdre à ne pas prendre en considération les dimensions ESG de leur activité. A scandale égal, un client serait logiquement beaucoup plus indulgent à l’égard de H&M qu’elles le seraient vis-à-vis d’Hermès.