Dans le brouillard, en plein été…

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Par Nathalie Benatia Modifié le 29 novembre 2022 à 9h22
Marches Financiers Annee 2020 Actions
@shutter - © Economie Matin
2,3%Le FMI prévoit 2,3% de croissance pour la France en 2022.

Ces derniers jours, le comportement des marchés financiers apparaît de plus en plus déroutant : variations erratiques des actions, forte correction des marchés obligataires, passage de la parité EUR/USD sous 1. La probabilité accrue d'une récession à brève échéance dans la zone euro du fait de la crise énergétique peut expliquer les difficultés des actions et de l'euro. La remontée significative des taux longs cadre mal avec la dégradation des perspectives économiques. Les banques centrales parviendront-elles dans les prochaines semaines à lever les incertitudes et à faire refluer la volatilité ?

Enquêtes d'activité en berne

Comme en juillet, l'estimation préliminaire des résultats des enquêtes auprès des directeurs des achats en août 2022 (publiée le 23) a déçu les attentes, tout particulièrement dans le secteur des services aux Etats-Unis. L'indice est tombé à son plus bas niveau depuis mai 2020 à 44,1 (après 47,3 en juillet).

La dégradation a été moindre dans la zone euro en raison de la résistance meilleure que prévu de l'activité dans le secteur manufacturier (cf. chiffres en vert dans le tableau ci-dessous). Les indices composites (manufacturier et services) ont baissé en France, en Allemagne et pour la zone euro dans son ensemble et se situent désormais sous 50.

Pourtant, contrairement à ce qui avait pu être observé en juillet, les rendements obligataires ont terminé la séance du 23 août légèrement au-dessus de leurs niveaux de clôture de la veille et ont continué à se tendre par la suite pour s'inscrire le 24 août à 3,10 % pour le taux à 10 ans américain et 1,37 % pour le taux à 10 ans allemand respectivement).

Ces niveaux n'avaient plus été traités depuis fin juin et correspondent à un retracement de plus de 50 % de la détente observée entre le 14 juin et le 1er août.

Des messages contrastés malgré tout

Les enquêtes nationales de conjoncture publiées les jours suivants ont surpris à la hausse, avec une stabilisation du climat des affaires en France (où l'indice publié par l'INSEE est parvenu à se maintenir au-dessus de sa moyenne de long terme malgré une détérioration de la situation conjoncturelle dans l'industrie) et une baisse moins importante que prévu de l'indice IFO en Allemagne. Toutefois, à 80,3 en août, l'indice mesurant les attentes des chefs d'entreprise est au plus bas depuis avril 2020 du fait, notamment de la hausse des coûts de production.

L'institut IFO souligne l'incertitude très élevée sur leur activité dont témoignent les entreprises et anticipe une contraction du PIB au 3etrimestre.

Enfin, pour l'ensemble de la zone euro, le modeste rebond de la confiance des consommateurs en août par rapport au point bas historique laisse l'indice à un niveau inférieur à son point bas de 2020, atteint lors du confinement.

L'euro pâtit des doutes sur la croissance..

La parité EUR/USD est passée sous le seuil de 1 le 22 août, dans un mouvement baissier qui paraît plus durable que le passage ponctuel survenu à la mi-juillet.

Le risque sur la croissance de la zone euro, le positionnement des investisseurs sur la devise, les interrogations sur la politique de la Banque centrale européenne (BCE) sont autant d'éléments qui laissent envisager une poursuite de la dépréciation.

… renforcés par l'envolée des prix du gaz

La hausse du prix du gaz naturel fait en effet peser un risque sur la croissance qui, au 1er semestre, est restée satisfaisante. La reconstitution des stocks avant l'hiver est plus rapide que prévu mais les nombreuses incertitudes qui demeurent (conditions climatiques dans les prochains mois, menace d'une interruption totale des livraisons russes, disponibilité des produits de substitution moindre du fait de la canicule qui réduit la production) ont envoyé le contrat à terme du TTF néerlandais à plus de 300 euros/MWh le 25 août, un seuil qui n'avait plus été dépassé depuis début mars dans les jours qui ont suivi l'invasion de l'Ukraine.

Parallèlement, après avoir connu une baisse pratiquement ininterrompue depuis début juin, les cours du pétrole sont repartis à la hausse cette semaine suite aux commentaires du ministre saoudien de l'Energie évoquant une éventuelle baisse de la production de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et de ses partenaires.

Retour de l'inflation au premier plan ?

Les récents mouvements des cours des matières premières énergétiques se sont accompagnés d'une légère hausse des anticipations inflationnistes reflétées par les taux swap inflation 5 ans dans 5 ans.

Cette évolution n'est peut-être pas pour déplaire aux banques centrales. Elle est en tout cas préférable au scénario du « pivot » qui avait dominé les échanges en juillet entraînant une remontée des actions ainsi qu'une détente des taux et des conditions financières depuis mi-juin.

Contrairement à ce qu'implique ce scénario, les banques centrales entendent en effet continuer à privilégier leur objectif d'inflation. Elles n'ont d'ailleurs pas vraiment le choix puisque, pour la plupart d'entre elles, il s'agit du seul objectif qui leur est assigné. Bien sûr, la Réserve fédérale américaine (Fed) a un double mandat, favoriser la croissance et le plein emploi s'ajoutant à la recherche de la stabilité des prix, mais elle considère manifestement que le principal risque à l'heure actuelle est une inflation durablement plus élevée.
Convaincre les investisseurs, par des paroles dans les prochaines semaines mais, surtout par des actes lors des prochaines réunions de politique monétaire paraît être le seul moyen de dissiper le brouillard qui complique l'analyse et limite l'efficacité de la remontée des taux directeurs.

Ajustements tactiques de notre exposition obligataire

La brusque remontée des taux longs aux Etats-Unis comme dans la zone euro nous incite à procéder à un nouvel ajustement tactique de la sous-exposition de nos portefeuilles pour des considérations de valorisation et de prises de bénéfices.

Nous avons ainsi réduit l'ampleur de la sous-sensibilité obligataire, en particulier sur les titres européens, dans un mouvement symétrique de celui décidé début août.
La volatilité des marchés offre des opportunités que nous tenons à saisir mais notre analyse fondamentale n'a pas changé et plaide pour une sous-exposition à moyen terme.

Nous restons convaincus que les banques centrales vont porter leurs taux directeurs plus hauts qu'anticipé par les marchés ou les maintenir plus longtemps que prévu avant d'envisager une inflexion de leur politique monétaire face au ralentissement de l'activité.

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Nathalie Benatia est macroéconomiste, BNP Paribas Asset Management