Les prochains jours et semaines vont sans doute être chauds. Cependant l’hypothèse est plutôt élevée que, par une voie ou une autre, une sortie avec accord soit obtenue.
Brexit : des débats mais pour quel avenir ?
Au Royaume-Uni, c’est aujourd’hui que les débats reprennent à la Chambre des communes sur le texte de sortie de l’UE, proposé par le gouvernement. Le vote est prévu pour le mardi ou le mercredi de la semaine prochaine. Où en est le débat et quelles perspectives peut-on dresser ?
Le texte sur lequel Londres et Bruxelles se sont mis d’accord est un compromis. Afin d’éviter un impact trop négatif en termes de croissance, le gouvernement de Theresa May a accepté de maintenir son pays proche des structures économiques de l’UE, tout en sortant des structures politiques. Comme le plus souvent avec les compromis, l’insatisfaction est grande. La solution déplait aux « brexiteurs » purs et durs, qui aspirent à un Royaume-Uni reprenant la plénitude de ses pouvoirs en matière de frontières et de droit. Ce qui ne les empêche pas de s’empêtrer dans des objectifs contradictoires en matière de relations commerciales. Ils veulent sortir du marché unique et de l’union douanière, tout en prônant des échanges « sans frictions » entre la République d’Irlande et l’Ulster où la totalité du droit britannique doit s’appliquer (rappelons pourtant que ce n’est déjà pas le cas). Les « remaineurs » pour leur part parlent de Brexit in Name Only. Ils pointent un équilibre de relations avec le Continent, détérioré par rapport à la situation actuelle : appliquer des règles et payer son écot alors même qu’on n’a pas voix au chapitre en matière de décisions.
Pas de surprise mais des positions inconciliables
Les positions de part et d’autre sont sans surprise. Elles sont aussi et surtout largement inconciliables. Et pourtant il faut bien, si ce n’est réconcilier les deux camps (rappelons que le résultat du référendum de juin 2016 a été la suivant : 52% des voix pour quitter l’Union et 48% pour rester), créer un modus vivendi sur les voies et moyens permettant au pays de « tourner la page » et de dessiner de nouvelles perspectives d’avenir dans un monde qui change vite. Est-ce possible ?
Le dossier irlandais et les « jeux » politiques rendent les choses difficiles. Pour préserver une frontière ouverte entre l’Eire et l’Ulster, l’accord signé entre le gouvernement britannique et l’UE (non encore ratifié par le Parlement) stipule que le Royaume-Uni reste temporairement dans l’union douanière. Le pays en sortira quand un accord de libre-échange aura été signé avec le Continent. La crainte exprimée par une partie de l’opinion est que les négociations durent très longtemps et que le maintien dans l’union douanière perdure au-delà d’un délai jugé raisonnable. D’où les pressions du gouvernement de Theresa May sur Bruxelles pour obtenir une garantie sur une date de signature de cet accord de libre-échange qui ne dépasserait pas la durée de la période de transition envisagée (fin 2020, voire fin 2022 ?). Est-ce réalisable ? Disons simplement que l’expérience des discussions de ce type fait conclure à des délais qui souvent dépassent l’échéance évoquée dans le cas d’espèce. En politique intérieure, le dossier est important. Simplement parce que toute avancée un tant soit peu significative dans ce sens, obtenue par la Première ministre, renforcerait le camp des députés conservateurs enclins à voter en faveur du texte proposé par le gouvernement.
Vers des garanties de Bruxelles ?
Mais attention ; sur le front politique tout reste compliqué. Du côté du Parti conservateur, les divisions sont grandes, le soutien accordé à Theresa May est limité et les ambitions personnelles sont élevées. Du côté du Parti travailliste, l’objectif est clairement de mettre en minorité le gouvernement et de provoquer ainsi de nouvelles élections générales. Avec l’espoir de les gagner.
Alors que peut-il se passer ? La question-clé est de savoir si le Royaume-Uni sort de l’UE avec un accord ou sans. Sachant qu’il existe une probabilité, probablement très limitée, d’un maintien dans l’Union. En rappelant aussi qu’une très importante majorité du pays, qui, plus est dans la diversité de ses composantes, est en faveur d’une sortie avec accord.
Disons qu’à aujourd’hui, sauf à ce que la Première ministre obtienne une garantie de Bruxelles sur la capacité de signer à un terme pas trop éloigné un accord de libre-échange, la capacité de former dès la semaine prochaine une majorité parlementaire autour du texte proposé par le gouvernement est limitée. Le coup d’après, peut-être plus ; si tant est que des progrès significatifs aient été enregistrés sur le sujet du libre-échange.
En cas d’échec de cette procédure de ratification de l’accord de sortie négocié par le gouvernement, l’alternative n’est très vraisemblablement pas une sortie sans accord. S’enclencherait alors une étape intermédiaire qui prendrait la forme soit de nouvelles élections, soit d’un nouveau référendum. In fine, même en prenant en compte les rapports de force politique, tels qu’on les appréhende aujourd’hui, la probabilité d’arriver à une sortie avec accord paraît plutôt élevée.
Reste, et c’est le dernier point, la question du calendrier de sortie. Même s’il est à relativiser par la période de transition qui s’ouvrira derrière et qui fait que rien ne changera pendant encore un certain temps. Sous l’hypothèse d’une élection ou d’un référendum, la date effective ne pourra pas être le 29 mars prochain. Elle sera reportée.