2014: comment la France s’est privée du potentiel de ses entreprises.

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Par Guillaume Cairou Modifié le 19 décembre 2014 à 8h11

Depuis maintenant un an, pas une semaine ou presque ne passe sans une nouvelle annonce impactant l'entreprise. Nous entrepreneurs avons entre nos mains une arme redoutable. Nous pouvons renverser le climat anti-entrepreneurial actuel en parlant quotidiennement de l'esprit d'entreprise qui nous anime. Ce n'est ainsi que nous sommes susceptibles de le faire adopter au plus grand nombre. Ce n'est ainsi que notre pays retrouvera le chemin de la croissance.

Du pacte de responsabilité à la loi Macron en passant par les réformes liées au coût du travail jusqu'à la hausse de la TVA, l'année 2014 aura vu s'affronter deux visions de la société, l'une archaïque, l'autre tout simplement réaliste. Au-delà de ces débats passionnants, il y a une réalité incontestable. Les entrepreneurs français sont épuisés. Qui peut vraiment s'en étonner ? Ceux qui ne se sont pas exilés ont à affronter un quotidien : depuis six ans, notre pays est économiquement en crise. Aucune amélioration n'est perceptible. Aucune perspective rassurante n'apparaît. Facteur aggravant : les annonces politiques floues, nuisibles ou contradictoires se sont multipliées.

Le taux de marge de nos entreprises n'a ainsi cessé de se détériorer, pour atteindre son plus bas niveau au deuxième trimestre 2014. A 29,4%, c'est un niveau historiquement bas malgré la prise en compte des premiers effets du CICE... cela révèle l'état de notre tissu économique.

Oui les entrepreneurs ont souffert cette année. Bien loin ici l'idée de victimiser qui que ce soit. Bien loin ici l'idée de faire du misérabilisme. Il faut en revanche reconnaître qu'il a été compliqué pour les entrepreneurs français cette année de pouvoir prévoir ou anticiper. Le flou absolu a régné en matière de législation. Les promesses et les annonces ont été nombreuses. Souvent d'ailleurs dans le bon sens : celui du pragmatisme économique. Malheureusement, leur transcription dans les faits et les revirements ont souvent donné à ces réformes une ampleur bien moindre que celle annoncée mais...

Qui peut nier que le travail est à l'origine de toute richesse créée dans l'entreprise ? Personne. Pourquoi alors interdire le travail le dimanche ? Pourquoi alors interdire le travail en soirée ?

Qui peut être contre l'idée de donner du travail aux Français, aux jeunes, aux chômeurs ? Personne. Pourquoi alors casser l'auto-entreprise ? Pourquoi alors limiter le portage salarial ?

Qui peut être contre l'idée de donner du salaire net, du pouvoir d'achat à nos salariés ? Personne. Pourquoi alors refiscaliser les heures supplémentaires ? Pourquoi alors avoir augmenter la fiscalité et le coût du travail qui pèsent trop sur ces salaires nets ?

Qui peut être contre l'idée de cultiver, par la formation, l'employabilité permanente de nos salariés ? Personne. Pourquoi alors ne pas réorienter une partie plus importante des 33 milliards de la formation professionnelle à la reconversion des chômeurs ? Qui peut sérieusement contester l'injustice actuelle qu'il y a à financer d'abord la formation de salariés protégés de grands groupes qui en ont le moins besoin ?

Qui peut affirmer sereinement que les entreprises vont continuer à pouvoir crée de la richesse gaspillée dans la croissance continue de la sphère publique ? Comment ne pas s'apercevoir que l'augmentation de 50 milliards d'euros par an de la sphère publique a étouffé toutes nos tentatives de réformes de notre pays ? Qui peut croire que nos entreprises peuvent être compétitives si l'Etat ne l'est pas lui-même ?

Comment nos entreprises pourraient-elles continuer à embaucher alors que notre coût du travail montre en effet que, depuis 2000, nous étions à 8 % de moins en taux horaire par rapport aux Allemands, nous sommes aujourd'hui à plus 12 % ?

Comment accepter qu'alors que nous avons applaudi le pacte de responsabilité, voté en juin dernier, nous attendons encore les décrets d'application sur la baisse des charges ? Depuis la fin d'année 2012 et la publication du très bon rapport Gallois, les entrepreneurs entendent tous les jours parler de baisses d'impôt, d'un tournant proentrepreneurial. Comment accepter qu'il y ait un tel décalage entre l'annonce et son application concrète dans nos entreprises ?

Comment accepter que l'on parle de baisse de la fiscalité pour nos entreprises alors qu'en ce moment encore, il y a des augmentations de charges sur les entreprises comme le versement transports et les taxes de séjour ? Comment penser que notre pays pourrait retrouver de la croissance malgré la hausse de la TVA, la hausse de l'impôt sur les sociétés et la hausse de la fiscalité et des charges des artisans et professions libérales (l'évolution des cotisations du RSI est symptomatique) ? Comment accepter que les charges sur nos entreprises aient augmenté de 40 milliards d'euros ? Comment s'étonner que les entreprises ne créent pas d'emplois en face d'allègements d'impôts qui n'existent pas ou pas encore ?

Comment ne pas s'apercevoir que la hausse de la Tascom indique à tous les entrepreneurs qu'ils ne peuvent pas tabler sur les baisses de charges parce que cela sera compensé par la hausse d'une autre taxe sur leur activité ? Quel est le malin génie de la haute administration qui a pu avoir la bonne idée d'annuler les bienfaits du CICE par une nouvelle hausse de taxe ? Notons au passage que le CICE comme son préfinancement sont tellement compliqué que la plupart des entrepreneurs y ont renoncé. Ainsi, seuls 8 mds auraient été consommés sur les 20 prévus !

Comment ne pas s'apercevoir que le compte pénibilité est la boite de pandore de la complexité administrative ?

Enfin la réglementation du temps partiel n'est rien de moins qu'un ignominieux contresens économique.

La France s'enfonce économiquement. Cela se fait ressentir socialement. Nos entreprises souffrent. Nos entrepreneurs en ont ras le bol. Nos salariés sont inquiets. Il faut aller beaucoup plus loin dans les réformes ! La bataille du rétablissement de la compétitivité et de la croissance peut être gagnée en 2015 à condition de s'en donner les moyens. Cela passe par un traitement anti-schizophrènie et anti-complexification étatique. L'état doit être un véritable partenaire de nos entreprises plutôt que de les stigmatiser en opposant artificiellement les « vrais » et les « faux » entrepreneurs.

Nos entreprises s'en porteront mieux et c'est toute l'économie qui en bénéficiera. Comme la Suède, le Canada ou le Royaume-Uni, la France peut se redresser. Elle doit se redresser. La France est un beau pays. La France est un grand pays. Elle ne doit pas se laisser s'enfermer dans le piège de la stagnation économique et sociale ! Son destin est grand si elle mise, enfin, sur son potentiel entrepreneurial. N'oublions pas une vérité simple : l'entreprise ce n'est pas une entité abstraite. Ce sont avant tout des hommes et des femmes. C'est aussi et avant tout pour eux que nous nous battons au quotidien.

Le bilan de 2014 pour les entreprises françaises est fortement négatif

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Fils d’ouvrière d’origine serbe, autodidacte, éducateur puis enseignant en banlieue, c’est au chômage à 30 ans que Guillaume Cairou crée Didaxis, pionnier du portage salarial. Aujourd’hui 15e recruteur français, classé dans le Fast 500 européen des entreprises par Deloitte, il a permis à plus de 10 000 personnes de créer durablement leur emploi.