Les évènements récents outre-Atlantique donnent un avantage à Joe Biden et aux Démocrates. Une raison pour se ré-intéresser au programme économique proposé : est-il Wall Street – compatible ? En Europe, les premières discussions autour de la proposition de de plan de relance de la Commission ont débuté. Le « tour de chauffe » envoie plutôt un signal constructif. Mais attention, le versement des fonds se fera de façon graduelle et seule une petite portion serait distribuée en 2021.
Au double choc subi par le Président Trump et, plus indirectement, par le Parti républicain, au cours des derniers mois (l'épidémie et ses implications négatives sur l'économie) est venu s'ajouter plus récemment deux évènements adverses : le retour de la question des droits civiques pour les Noirs américains et la publication des mémoires de John Bolton, son ancien Conseiller à la sécurité nationale, au contenu très dur sur celui qui fût son patron entre 2018 et 2019. Tant et si bien que les chances, accordées au premier de se maintenir à la Maison Blanche et au second de conserver la majorité au Sénat, sont en train de baisser, pour se positionner significativement sous la barre des 50% (pour ce qui est de la Chambre des représentants, le maintien du contrôle par les Démocrates semble être l'hypothèse la plus probable).
Si les « astres sont favorables » au Parti démocrate, il faut alors se pencher sur son programme économique et plus précisément sur celui de Joe Biden, son candidat pour l'élection présidentielle. En sachant toutefois que des amendements devraient normalement être présentées d'ici peu. Pour ce qui est des prélèvements, une augmentation de l'ordre de 400 milliards d'USD par an (sur 10 ans) est proposée. Comparée aux recettes fédérales pour 2019 (3500 milliards), la proposition est de taille. Les entreprises (dont les multinationales aux pratiques d'optimisation fiscale un peu « voyantes ») et les ménages aisés seraient, directement ou indirectement) les principaux contributeurs. En termes de dépenses, l'augmentation annuelle prévue atteindrait 600 milliards (4400 milliards en 2019). La santé, l'éducation et la retraite représenteraient 70% du total ; le solde se partageant entre les infrastructures et l'environnement. Selon un calcul proposé par la société de recherche indépendante Cornerstone Macro, le coût pour les entreprises atteindrait quelque 350 milliards par an, mais celles présentes dans les travaux d'infrastructure ou dans l'environnement engrangeraient pour 180 milliards de commandes annuelles. Des chiffres qu'il faudra affiner ; mais surtout des ordres de grandeur à conserver à l'esprit.
Le Conseil Européen de vendredi a ouvert les discussions au niveau des Chefs d'Etat et de gouvernement sur la proposition de plan de relance, portée par la Commission et soutenu par nombre d'Etats-Membres. Les institutions bruxelloises ont été chacune dans leur rôle : la présidence de la Commission dans la proposition et l'explication, celle de la BCE dans le rappel qu'il y a nécessité à agir et celle du Conseil dans la recherche du compromis et dans la gestion du temps. Deux points positifs sont apparus : une volonté de dialogue et une tentative d'aller plutôt vite. On évoque l'éventualité d'un accord pour la mi-juillet. Dans ce cas, une ratification complète avant le milieu de l'automne pourrait être envisagée. Ce qui permettrait un calendrier d'utilisation des fonds peut-être plus court que prévu. A l'heure actuelle, le séquençage envisagé est le suivant : 10% en 2021, 21% en 2022, 24% en 2023 et en 2024 et le solde de façon dégressive sur les trois années suivantes. On le voit ; on est dans une logique de temps long.
A quoi faut-il être attentif à l'horizon des toutes prochaines semaines :
- La capacité de blocage de certains pays ; le risque semble limité car le rapport de force est trop nettement en faveur de ceux qui veulent aller de l'avant ;
- Beaucoup de questions ne sont pas réglées : le montant du plan (750 milliards d'euros comme c'est proposé ou moins ?), l'équilibre entre prêts et dons (actuellement 1/3 – 2/3) et la hiérarchie des bénéficiaires et des montants à recevoir.
Faisons deux autres commentaires. D'abord, même si ce surcroît de dépenses n'a pas vocation à être pérenne, il est probable que le budget européen ne reviendra pas à son niveau initial de 1% du PIB. Ensuite, le plan de relance, discuté actuellement, implique une diversification des ressources (nouveaux impôts européens et dette levée au niveau de l'UE) ; il n'y aura sans doute pas là non plus de retour au statu quo ante.
On s'intéressera cette semaine au tempo de la reprise, avec la publication demain de la première estimation des indices PMI de juin pour toute une série de pays (dont Etats-Unis, Allemagne, France et Zone Euro). Un rebond est attendu ; quel en sera l'ampleur ? Et puis, la BCE publiera le compte-rendu de son Conseil des gouverneurs du 4 juin. Comment va-t-elle expliquer la décision d'acheter davantage de titres en s'inscrivant dans la logique du principe de proportionnalité, pointé dans le verdict de la Cour constitutionnelle allemande, rendu le mois dernier ?