Berlin, ses 70 milliards de dettes, son aéroport fantôme

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Par Jean-Paul Picaper Modifié le 8 septembre 2012 à 10h20

"Vol au-dessus d'un nid de coucou". Ce titre du film de Milos Forman (1975) relatif à un asile d’aliénés ( "a cuckoo" désigne en anglais un aliéné), vient aux lèvres des Berlinois quand il est question de leur futur grand aéroport de Berlin-Schönefeld, le BBI (Berlin-Brandebourg-International), code AITA [code délivré par l'Agence internationale des transports aériens NDLR] : BER, au Sud-Est de la capitale allemande.

La tragi-comédie avait commencé par la fermeture en septembre 2008 de l’aéroport de Berlin-Tempelhof au cœur de la ville, troisième plus grand bâtiment du monde après le Pentagone et le Palais du Parlement de Budapest, construit en 1936, vestige de l’architecture nazie.
Il était dit que l’aéroport de Berlin-Tegel au Nord-Ouest de la ville fermerait en juin 2012, après la mise en service de Schönefeld en 2011.

Mais le BBI est encore en souffrance, utilisé partiellement comme au temps de la RDA. L’enveloppe de 350 millions d’euros consentie par un consortium bancaire pour construire le BBI a été très largement dépassée et le sera encore, des erreurs gravissimes de construction, d’aménagement et de sécurité empêchant sa mise en service.

Le maire de Berlin, Klaus Wowereit, président depuis 2001 de la Société de l’aéroport, a dû promettre ces jours-ci l’ouverture de "son" aéroport pour mars 2013. Mais le 1er septembre, le journal Die Welt a fait savoir que la faillite de la Société de l’aéroport serait être à l’ordre du jour en novembre prochain. Officieusement l’inauguration serait alors reportée à octobre 2013. Mais d’aucuns affirment que d’octobre 2013, il n’y a pas loin jusqu’en mars 2014 ni de là à octobre 2014… Si l’argent n’est pas au rendez-vous !

Tegel continue à accueillir les avions à la satisfaction générale. Tempelhof est devenu en 2010 un immense local et un parc quasi-vides, faute d’investisseurs, et dont on ne sait maintenant que faire. La municipalité envisage ces jours-ci d’y implanter la future grande bibliothèque régionale, coût officiel : 270 millions d’euros. Pour une ville dont l’endettement approche les 70 milliards d’euros, le projet est risqué.

Wowereit s’en tire par une pirouette : "Nous sommes pauvres, mais sexy". Mais sa tête est désormais - politiquement - sur le billot du BBI. Tempelhof et Tegel avaient sauvé Berlin de la strangulation par Staline lors du blocus de 1948-49, Tegel ayant été construit en un temps record en secteur français. La majorité municipale sociale-démocrate, associée aux communistes jusqu’en septembre 2011, a décidé de les fermer : décision politique, sans considérations de rentabilité.

Toutes les grandes capitales ont plusieurs aéroports, mais à Berlin qui accueille plus de 10 millions de touristes par an, venant en grande partie par avion, ce sera différent. Il n’y aura qu’un site aérien, Schönefeld en ex-RDA, bien loin du centre-ville. A moins que…

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Jean-Paul Picaper est politologue, essayiste et journaliste. Correspondant du Figaro à Berlin entre 1977 et 2003, ainsi que des magazines Valeurs Actuelles et Politique internationale. Depuis 2005, il écrit également pour la Preußische Allgemeine Zeitung. Il est l’auteur de nombreux livres sur l’Allemagne et les relations franco-allemandes. Son dernier ouvrage, coécrit avec Gilles Dubois, "2012 : Quitte ou double !" est disponible depuis le 24 avril.