Certains commentateurs aiment à jouer les Cassandre et annoncer des faillites ici et là, en parlant de la fin du monde, d’apocalypse et après moi le déluge. On mesure à quel point la science économique est prise par l’émotion. Aujourd’hui, l’idéologie a pris le pas sur l’objectivité. Pris de panique devant la faillite d’un système politique, parfois déconnecté de la réalité culturelle et socio-économique des différents peuples européens, nombreux sont ceux qui en viennent à penser qu’hors de l’euro, hors de l’Union Européenne, point de salut !
Pourtant, cette même zone euro fait pâle figure face aux autres régions du monde, c’est même la région la moins dynamique du monde et face à l’aptitude des américains et des anglais à rebondir, les européens de l’eurogroupe débattent. Ils continuent de débattre sans fin alors que la Chine et le Brésil rattrapent leur retard à vitesse grand V. La question de la sortie de la Grèce de la zone euro n’est pas nouvelle. Elle existait déjà il y a 5 ans au début de la crise. La Grèce doit-elle sortir de la zone euro ? Devons nous mutualiser les dettes ? La réponse nous apparaît idéologique et souvent caricaturale : il faut rester calme et pragmatique comme les pays émergents et le monde anglo-saxon. Etre pragmatique c’est ne pas fermer la porte de la fin possible de l’euro par pure idéologie, mais au contraire étudier calmement cette hypothèse.
Prédire la fin de l’euro est un pari fort risqué. En fait, dans un premier temps, tout dépend de ce qui pourrait se passer en Grèce. Il faut donc comparer le coût pour la Grèce puis pour le reste de la zone euro d’une sortie de la Grèce. Ensuite on calcule les mêmes coûts en cas de maintien de la Grèce dans la zone euro. Ces coûts doivent intégrer les coûts d’opportunité.
Dans le cas du maintien de la Grèce dans la zone euro cela suppose des plans de sauvetage permanents et colossaux aux frais des autres Etats membres de l’Eurogroupe qui doivent déjà soutenir leur propre économie. C’est ce que nous vivons actuellement : la Grèce présente un défaut déguisé, un puits sans fond qu’il faudra continuer de renflouer.
Dans le cas d’une sortie de la Grèce de la zone euro, et si la Grèce fait défaut, la France verrait partir en fumée près de 45 milliards d’euros de prêts et diverses garanties. Il s’agirait alors du coût de la sortie de la Grèce de la zone euro pour la France, mais il faut garder à l’esprit que rien ne dit que la Grèce se retrouverait en cessation de paiement dans ce cas, surtout si elle effectue des dévaluations compétitives qui, comme en Argentine en 2001, auraient certes des effets négatifs à court terme mais très positifs au bout de 6 mois. Ajoutons que 90% de la dette privée est de droit national. Parallèlement, la France pourrait réorienter ses efforts vers ses propres besoins ou les autres pays en difficulté...
Pascal de Lima et Gwenaël Le Sausse