Nos banques vont mal, la preuve par la FED

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Par Charles Sannat Publié le 25 février 2014 à 13h30

Voilà ce que j’écrivais il y a quelques jours dans l’édition du 21 février à propos de la décision de la FED d’appliquer de nouvelles règles de solvabilité aux banques étrangères.

C’est une information du début de la semaine sur laquelle je voulais revenir. En effet, "la Banque centrale des États-Unis, la FED, a publié mardi une réglementation définitive imposant aux très grandes banques étrangères présentes aux États-Unis des normes financières plus strictes à partir du 1er juillet 2016.

Le directoire de la FED devait adopter définitivement mardi cette réglementation qui prévoit des normes financières durcies pour quelque 17 grandes banques étrangères disposant d’actifs aux États-Unis équivalant à 50 milliards de dollars ou plus. "

Ces établissements seront également soumis aux mêmes tests de résistance…
Ils devront aussi nommer un « chef de la gestion des risques » aux États-Unis.

En clair, il est très vraisemblable que certaines grandes banques françaises ayant des activités significatives aux USA soient obligées de renforcer à nouveau leurs fonds propres afin de satisfaire à ces nouvelles normes prudentielles. Certaines pourraient faire le choix de cesser toute activité significative sur le territoire américain.

Il faut donc continuer à surveiller le secteur bancaire car beaucoup de choses s’y passent actuellement.

Quelle est la logique de cette information et quels indices pouvait-elle nous donner ?

L’idée que j’avançais dans cet article était que les banques étrangères, et en l’occurrence celles qui nous concernent directement à savoir les banques françaises, auraient deux possibilités. Soit réduire ou clore leurs activités aux USA, soit renforcer les fonds propres de leurs filiales. Dans ce dernier cas, pour le faire à nouveau, deux possibilités (en économie les choses sont globalement simples, même si les mots peuvent être compliqués). Soit les banques ont suffisamment d’argent et de fonds propres pour recapitaliser directement leur filiale américaine, soit elles sont obligées d’augmenter leur capital… ce qui est toujours un aveu de faiblesse et fait baisser les cours… puisque pour augmenter le capital d’une entreprise, il faut émettre et vendre de nouvelles actions.

Logiquement, il est essentiel de suivre l’évolution de la situation car en fonction de ce que fait chaque banque européenne de ses activités aux États-Unis, cela nous renseignera sur leur état de santé respectif… c’est-à-dire sur leur solidité réelle en dehors de tout angélisme « moscovicien ».

Deutsche Bank transfère 100 milliards de dollars hors des États-Unis pour obéir à la FED

Or aujourd’hui, à peine quelques jours après que nous ayons appris la décision de la FED, c’est comme par hasard la Deutsche Bank, la plus grande banque allemande et qui ne va pas bien du tout, qui fait parler d’elle en ayant décidé de réduire considérablement ses opérations aux USA.

On apprend par un article de La Tribune relayant une dépêche Reuters que, alors que « le montant total des opérations de la Deutsche Bank aux États-Unis est d’environ 400 milliards de dollars, la banque allemande aurait décidé de réduire le bilan de ses opérations outre-Atlantique pour répondre aux nouvelles exigences de la Réserve fédérale américaine avec les banques étrangères ».

« Pendant que Bruxelles temporise, la Deutsche Bank a décidé d’agir. Face à la décision de la FED de mettre en place des règles plus strictes pour les banques étrangères, l’établissement allemand a décidé de réduire le bilan de ses opérations aux États-Unis d’une centaine de milliards de dollars, écrit le Financial Times.

Le montant total des opérations de la banque aux États-Unis serait ainsi ramené à 300 milliards de dollars alors que certaines d’entre elles seraient relocalisées en Europe ou en Asie.

Le directeur financier Stefan Krause a expliqué au « FT » que la banque pensait ainsi être capable de respecter les nouvelles règles de solvabilité et d’endettement imposées par la Réserve fédérale et que cette réduction du bilan n’équivalait pas à un départ des États-Unis. »

Bruxelles temporise avant des mesures de rétorsion ?

On apprend également dans cet article qu’en octobre, « le commissaire européen Michel Barnier avait déjà menacé d’appliquer la même règle en Europe si la FED allait jusqu’au bout. « La façon dont cette importante réforme réglementaire a été introduite nous préoccupe beaucoup », reconnaissait mercredi la Commission, qui compte tout d’abord prendre le temps d’évaluer son impact sur les marchés bancaires et sur l’équilibre de la concurrence. « Puis nous communiquerons notre analyse en temps opportun. »

Il faut bien comprendre qu’en l’espèce les ratios de solvabilité et les normes sont désormais très différentes d’un côté et de l’autre de l’Atlantique.


Si les banques US ont pu bénéficier massivement des politiques de création monétaire et de rachat d’actifs pourris de la Banque centrale américaine pour consolider leur bilan, les banques européennes restent, elles, profondément fragilisées par les 7 années de crise que nous venons de traverser et les choses sont même en train de s’aggraver notamment pour les établissements de l’Europe du Sud. Les banques grecques évidemment sont exsangues. Les banques chypriotes sont mortes. Les banques espagnoles n’ont jamais eu dans leurs comptes autant de créances douteuses, au Portugal c’est la même chose. Enfin, en Italie et en France, cela tient pour le moment et le système bancaire semble solide, mais il ne s’agit là avant tout que d’une impression et des conséquences de communications rassurantes, les bilans des banques françaises comme italiennes étant en réalité explosifs. Notre système bancaire danse sur un volcan.

Pour le moment donc, les autres banques ne bougent pas en attendant l’avancée des négociations entre européens et américains et évidemment espèrent un assouplissement de ces nouvelles règles que la FED souhaite imposer. Rien n’est moins sûr et la Banque centrale américaine semble assez déterminée à « foutre le bazar » dans le monde entier et a déjà commencé à le faire avec les réductions de son QE qui entraîne un effondrement des monnaies des pays émergents.

La Deutsche Bank n’est même pas en capacité d’attendre tant sa situation est précaire…

Voilà la conclusion que l’on serait tenté de tirer de cette décision de la plus grande banque allemande qui n’a même pas souhaité attendre, comme l’ensemble des autres grands établissements bancaires, l’aboutissement des négociations actuellement en cours. Trop risqué, trop compliqué. Du coup, réduction immédiate de l’activité américaine de la banque allemande.

En soit, cela est certainement une excellente décision, tel n’est pas le débat. Le débat c’est que ce retrait en dit long, très long sur l’état réel des banques européennes qui sont dans une situation d’extrême fragilité, ce qui veut dire que votre épargne n’est pas aussi bien assurée que ce que l’on veut bien vous faire croire.

Les USA sont-ils en train de couper les ponts entre les systèmes bancaires ?

La FED savait encore une fois pertinemment l’impact de sa décision et que cela allait mettre en difficulté un nombre important de banques européennes. Alors pourquoi le faire puisque nous sommes de « si grands zamis » ?

La FED cherche-t-elle à couper les liens entre les deux systèmes bancaires, ou tout au moins réduire les risques potentiels de contagion ? Est-ce seulement possible lorsque l’on voit le marché des dérivés ayant atteint le volume extraordinaire de plus de 700 000 milliards de dollars ?

Bref, quelle peut-être la logique d’une telle décision ? Car cette dernière doit s’apprécier dans un contexte, or la FED actuellement est active notamment par sa politique de réduction de son aide… Tout cela est donc cohérent dans le sens d’une bien moindre stimulation monétaire.

Or les économies mondiales toutes confondues sont beaucoup trop fragiles pour se passer de l’afflux de cet argent gratuit. Le risque des actions actuelles de la FED est donc de laisser l’économie replonger en récession, en déflation et certainement dans une immense dépression économique. Si les QE n’ont pas fonctionné pour réellement relancer les économies, ils ont tout de même marché pour éviter l’effondrement économique.

Je dois vous avouer que je ne comprends pas trop où veut en venir la FED. Elle voudrait créer un effondrement mondial qu’elle ne s’y prendrait pas autrement, alors qu’au même moment elle semble de surcroît vouloir couper certains liens… Tout cela est assez inquiétant. Au moins, nous saurons bientôt avec certitude quelles sont les banques européennes les plus fragiles et cela sera certainement plus efficace que les stress tests (tests de résistance).

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

AuCOFFRE.com

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Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.