Baisse du PIB : l’Allemagne et le Royaume-Uni ouvrent le bal?

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Par Marc Touati Publié le 17 août 2019 à 6h52
Croissance Pib Banque De France Deuxieme Trimestre 1
@shutter - © Economie Matin
0,2%Au deuxième trimestre 2019, le PIB du Royaume-Uni a reculé de 0,2 %.

Les partisans de la décroissance ont de quoi être satisfaits : les deux premières économiques d’Europe ont mis en pratique leur « théorie » en subissant une baisse brutale de leur Produit Intérieur Brut. Ainsi, au deuxième trimestre 2019, le PIB du Royaume-Uni a reculé de 0,2% et celui de l’Allemagne de 0,1%.

Diamétralement opposés sur le front du projet européen, les Britanniques et les Allemands se sont donc néanmoins retrouvés sur le terrain économique ou plutôt sur celui de la récession. Certes, la définition technique d’une récession requiert deux trimestres consécutifs de baisse du PIB. Cependant, dans la mesure où les indicateurs avancés du troisième trimestre 2019 sont encore plus mauvais que ceux du deuxième tant outre-Manche qu’outre-Rhin, il est clair qu’un nouveau recul du PIB est inévitable pour le troisième trimestre.

Et ce pour de multiples et diverses raisons. Deux des origines de cette « descente aux enfers » sont toutefois communes. La première est relative à l’effondrement de l’activité industrielle, en particulier dans le secteur automobile. La seconde, qui est d’ailleurs aussi l’une des causes de la première, tient à la baisse du commerce mondial, elle-même liée à l’exacerbation des tensions protectionnistes à travers la planète.

Au-delà de ces deux points communs déterminants, les autres facteurs explicatifs de la baisse des PIB germano-britanniques divergent. Au Royaume-Uni, l’autre grande série de raisons découlent des incertitudes et des atermoiements autour des conditions du Brexit. Malheureusement, les évolutions récentes indiquent que ces déboires sont loin d’être terminés. Autrement dit, le PIB pourrait encore chuter davantage au cours des prochains trimestres. N’oublions pas qu’un « Hard Brexit » (c’est-à-dire sans accord précis et avec instauration de visas et de barrières douanières contraignantes) pourrait coûter au bas mot 1 point de PIB par an.

En Allemagne, même si ce flou artistique sur l’avenir de l’Union européenne a et aura aussi des conséquences indirectes sur l’activité, c’est surtout le ralentissement chinois et celui du monde émergent au sens large qui pèse sur la dynamique de croissance. Les Allemands ont effectivement basé cette dernière sur leur suprématie industrielle et leurs avantages compétitifs à l’international. Dès lors que le commerce mondial et les pays émergents souffrent, l’économie allemande peine encore plus que ses consœurs occidentales.

D’ailleurs, la baisse du PIB allemand du deuxième trimestre s’est produite malgré une belle résistance de l’activité dans les services. L’Allemagne ne peut pas non plus gagner à tous les coups : les atouts qui lui ont permis d’être plus forte que les autres en 2010-2017, en l’occurrence son industrie et ses échanges internationaux, sont désormais devenus des handicaps.

De là à penser que la baisse du PIB restera l’apanage de l’Allemagne et du Royaume-Uni, il y a néanmoins un pas à ne pas franchir. Certes, de nombreux observateurs « bien-pensants » font remarquer que l’économie française se porte beaucoup mieux que celle de l’Allemagne et que cela devrait durer… A ceux-là nous disons : Attention au manque de modestie et aux excès de triomphalisme !

D’ores et déjà, ce n’est pas parce que le glissement annuel du PIB français est de 1,3 % au deuxième trimestre 2019, contre 0,4 % en Allemagne qu’il faut s’enorgueillir. N’oublions effectivement pas que depuis le point bas de 2009, le PIB allemand a progressé de 21,3 % alors que celui de la France a augmenté de 14,4 %.

Mais surtout, il serait vain de croire qu’à l’image du nuage de Tchernobyl qui devait s’arrêter à la frontière française, la baisse du PIB ne passera pas le Rhin. En effet, l’Allemagne demeure notre premier partenaire commercial et représente plus de 30 % du PIB de la zone euro. Dès lors, un mouvement de contagion est inévitable.

D’ailleurs, les indicateurs avancés de la zone euro et de la France ont fortement reculé ces derniers mois et montrent que le glissement annuel du PIB devrait rapidement se rapprocher du zéro pointé tant dans l’UEM que dans l’Hexagone.

De plus, un Hard Brexit ne sera pas seulement coûteux pour nos voisins britanniques, il pèsera également négativement sur l’économie française et sur celle de la zone euro dans son ensemble. A ce sujet, il faut souligner que depuis la victoire du Brexit lors du référendum du 23 juin 2016, la forte dépréciation de la livre sterling a déjà nettement réduit les exportations françaises vers le Royaume-Uni, qui est, rappelons-le, le sixième partenaire commercial de la France avec près de 7 % de ses exportations. Parallèlement, les investissements britanniques vers la France se sont également réduits.

Nous estimons que le coût de ces « désagréments » a déjà atteint 0,7 point de croissance en moins pour la France en 2017-2018. En cas de « Hard Brexit », le manque à gagner pourrait avoisiner 1 point de croissance par an pendant deux à trois ans.

Autrement dit, il serait vraiment déplacé de se réjouir des déboires de nos voisins allemands et britanniques, qui ne vont malheureusement pas tarder à réduire la croissance de notre « douce France » et de celle de la zone euro dans son ensemble.

En conclusion, si l’Allemagne et le Royaume-Uni ont ouvert le bal de la baisse du PIB, les participants européens à cette triste fête risquent d’arriver rapidement en nombre. Avec, comme d’habitude, une surréaction et une très forte volatilité des marchés financiers. Alors, Take care and Viel glück !

Article écrit par Marc Touati ici

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Marc Touati est économiste, auteur du "dictionnaire terrifant de la dette", paru aux Editions du Moment, Président du cabinet ACDEFI, Maître de conférences à Sciences Po Paris.  

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