Selon la théorie de l’acte anormal de gestion, les prêts sans intérêts ou les abandons de créances accordés par une entreprise au profit d’un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d’une gestion commerciale normale, sauf s’il apparaît qu’en consentant de tels avantages, l’entreprise a agi dans son propre intérêt.
La Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt n°19NT02801 du 17 mai 2021, vient de rappeler que cette règle s’applique même si le bénéficiaire de ces avances est une filiale, hormis le cas où la situation des deux sociétés serait telle que la société mère puisse être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté.
Les faits dont la Cour a eu à connaître sont les suivants. La société civile West Invest est une société holding ayant pour objet social la détention et la gestion de participations au sein du capital de plusieurs sociétés. Elle a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre des exercices clos de 2012 à 2014. Au cours de ce contrôle, l’administration fiscale a constaté qu’elle avait accordé à une de ses filiales, la société West Promotion, des avances de trésorerie sans mettre à sa charge les intérêts dont le principe figurait dans la convention de gestion de trésorerie conclue avec celle-ci.
Elle a estimé que la société West Invest s’était ainsi privée de recettes sans contrepartie et avait, dès lors, commis un acte anormal de gestion.
Par une proposition de rectification du 18 septembre 2015, elle a informé la société de son intention de réintégrer à son résultat, au titre de chacun des exercices vérifiés, le montant des intérêts auquel elle aurait pu prétendre.
La société a demandé au Tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie. Par un jugement du 15 mai 2019, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. La société a fait appel de ce jugement.
La Cour administrative d’appel de Nantes a confirmé le jugement de première instance. Selon elle, dans la mesure où la renonciation à percevoir des intérêts est constitutive d’un acte anormal de gestion, il appartient à la société West Invest de démontrer qu’en se comportant de la sorte, elle a agi dans son propre intérêt. Pour se défendre, la société West Invest a notamment fait valoir que cette aide avait contribué à éviter le dépôt de bilan de sa filiale et lui avait ainsi permis de récupérer une avance de trésorerie de deux millions d’euros qu’elle lui avait accordée.
Toutefois, la Cour ne l’a pas suivie, soulignant « qu’à supposer même qu’en l’absence de cette aide financière, la filiale eût déposé le bilan, la société West Invest n’apporte aucun élément permettant de démontrer que la faillite de sa filiale aurait menacé sa propre survie ou aurait porté atteinte à son renom ou à son crédit. Au surplus…aucun élément ne permet d’établir que la société WP qui a, au cours de la période, dégagé un résultat net positif, ou très faiblement négatif, n’était pas en mesure de payer à la société WI les intérêts prévus par la convention de trésorerie. »
La Cour administrative d’appel de Nantes a donc jugé que la société West Invest n’avait pas apporté la preuve, qui lui incombait, de ce qu’elle avait agi dans son intérêt propre en accordant à sa filiale une avance sans intérêts.
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