Depuis la fin de l’été 2021, les difficultés d’ordre économique persistent et s’aggravent même chez les indépendants. Toutes les sources concordent sur le fait que la 5ème vague du COVID a encore joué contre eux : annulation en masse des commandes, absence de reprise de l’activité, problèmes de trésorerie, perspectives atones sur le semestre qui débute… Le problème, c’est que leur situation n’émeut plus personne. Pire, le gouvernement semble sourd aux appels incessants que nous lui faisons et commet une quadruple faute.
Une réponse inadaptée à un constat partiel
Il a tort sur le constat parce que, contrairement à ce qu’il dit, les difficultés grandissantes que connaissent ces acteurs indépendants ne sont pas limitées à quelques secteurs. Certes, dans la restauration, les loisirs, le tourisme ou le monde du spectacle, les chiffres sont très mauvais. Mais dans les secteurs connexes également, car chacun sait bien que les travailleurs indépendants oeuvrent en “grappe”, faisant appel, qui à des spécialistes de la communication, qui à des techniciens informatiques ou logistiques, qui encore à des créateurs, artistes ou designers… Quand un secteur éternue, c’est toute la galaxie des indépendants qui s'enrhume, à plus forte raison sur les mois de l’année où la consommation est forte (fêtes de fin d’année, marchés de Noël, vœux festifs et soldes).
Il a tort également sur la réponse apportée en brandissant les aides au chômage partiel, le décalage du remboursement des PGE ou la prise en charge des coûts fixes. Aucun de ces dispositifs n’amène la réponse adaptée à la situation ! Les auto-entrepreneurs sont dans leur très grande majorité non employeurs, peu endettés et fonctionnant par nature en coûts variables : c’est l’essence même du régime. Leur répondre donc que ces aides sont à leur disposition revient à proposer un vélo à un marathonien qui demande de l’eau… Les auto-entrepreneurs veulent compenser un revenu qui a disparu, et qui était bien souvent le seul dont ils disposaient. En clair, il leur faut un nouveau revenu !
Une urgence économique et politique
Il a tort ensuite sur le timing : face à l’urgence de la situation, ce n’est pas à 6 ou 12 mois que les indépendants se projettent, mais à la fin du mois, quand il faut payer le loyer, remplir le frigo et solder les factures d’énergie. Face à cet état de fait, vouloir améliorer devant le parlement le dispositif de reconversion avec la refonte de l’ATI (c'est-à-dire élargir leur droit au chômage) n’est pas audible. Ce qu’il faut, ce sont des mesures urgentes pour aider les indépendants dans leur quotidien, et quel que soit le nom : fonds de relance, fonds de reprise, aide financière exceptionnelle, allocation de crise… Il en va aujourd’hui de la survie de beaucoup.
Il a tort enfin de ne pas les considérer à leur juste valeur, car le poids politique des freelances et auto-entrepreneurs n’a jamais été aussi lourd, comme le démontrent encore les chiffres insolents de la création d’entreprise en 2021 : 641 543 auto-entreprises créées cette année contre 548 114 en 2020. Ce sont près de 3,6 millions d’indépendants actifs en France qui sauront se souvenir des atermoiements inexplicables du gouvernement : les avoir soutenus pendant 20 mois avec les moyens salutaires du fonds de solidarité, pour les lâcher en rase campagne à 4 mois du scrutin, est, avouons-le, assez incompréhensible ! En prenant ces décisions aussi inexplicables qu’inconstantes, le gouvernement prend le risque de se couper de cette base.
“Pourquoi nous battons-nous ?”
Les indépendants meurent donc à petit feu, et dans le silence le plus complet. Les tentatives d’action se multiplient sur le terrain, et si les rares manifestations organisées mobilisent peu, il ne faut pas s’y tromper : la colère monte, la déception gagne les esprits, la rage de se sentir abandonné est unanime chez ceux qui se battent depuis le premier jour de cette crise pour maintenir à flot leur activité.
Les difficultés d’ordre social à venir dans cette population pèseront lourd dans le scrutin présidentiel. Gageons que le gouvernement en général, et le futur candidat Macron en particulier, sauront leur répondre avant d’avoir définitivement perdu leur confiance. Il suffit pour cela de changer de logiciel : le combat à mener est celui de la préservation d’un écosystème complet, pas d’une stricte logique budgétaire. Car sinon, et sans paraphraser Churchill, “pourquoi nous battons-nous ?