Assurance-chômage: l’art d’annoncer les mauvaises nouvelles en catimini

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 23 mars 2023 à 9h53
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@shutter - © Economie Matin
50Edouard Philippe a d?abord annoncé une cinquantaine de réunions bilatérales avec les partenaires sociaux.

Diminuer en catimini l'indemnisation des chômeurs, par exemple en instaurant le dégressivité ou en réduisant les périodes d’indemnisation ? C’est à peu près ce qu'a annoncé Edouard Philippe hier. Le débat ne porte pas sur le fond des décisions, mais sur la méthode retenue: prendre les décrets les moins populaires à la faveur de l’été, quand tout le monde est en vacances.

La présentation à la presse hier, par Edouard Philippe, des mesures proposées par le gouvernement pour remplacer l'actuelle convention d’assurance-chômage (arrivée à son terme), alors que les partenaires sociaux ont échoué à se mettre d’accord pour mettre en place les mesures souhaitées par le pouvoir exécutif, n'a pas manqué de stupéfier, tant le calendrier et la méthode annoncées laissent perplexes sur les leçons que le gouvernement a retenues de l’épisode Gilets Jaunes.

Une cinquantaine de réunions bilatérales

Fidèle à sa méthode de cloisonnement des organisations, Edouard Philippe a d’abord annoncé une cinquantaine de réunions bilatérales avec les partenaires sociaux, qui se séquenceront entre diagnostic et propositions. Ces séances sur un sujet maintes fois rebattu entre les parties en présence éviteront ce que souhaitaient le MEDEF et la CFDT : une réunion collégiale pour confronter les points de vue.

L'intérêt de la méthode retenue par Edouard Philippe est de faire gagner du temps, ou d’en perdre selon le point de vue où l’on se place. Pendant qu’on reprend les palabres, au moins, on ne décide pas. C’est une façon commode (à défaut d’être habile) de se donner du temps là où Muriel Pénicaud avait annoncé des pistes rapides.

Des solutions au printemps, des décrets à l’été

Après cette phase de discussions opaques et saucissonnées, le gouvernement se donnera à nouveau du temps pour décider. On mesure en creux la peur de voir surgir, dans les semaines à venir, une nouvelle vague de contestation sociale.

D’où les idées baroques évoquées par Edouard Philippe. En particulier, le Premier Ministre n’a pas caché son intention de procéder par voie réglementaire au cœur de l’été. C’est évidemment le meilleur moment pour faire passer des pilules amères. Le choix de ce calendrier en dit long sur les mesures qui se préparent : bonus-malus pour les contrats courts qui accableront des secteurs en difficulté comme la restauration, dégressivité plausible des allocations et diminution des indemnités des cadres.

Edouard Philippe n’a manifestement pas trouvé mieux pour concilier ses objectifs de finances publiques et la grogne que ces mesures devrait causer.

Détricotage du Conseil National de la Résistance

Sur le fond, les mesures gouvernementales ne sont pourtant pas anodines. Elles accélèrent un détricotage de l’héritage du Conseil National de la Résistance, qui couve depuis plusieurs années. Si ce phénomène est inéluctable et à de nombreux égards salutaires, on s’étonnera du silence craintif que le gouvernement entend faire régner sur la question et sur le procédé.

Cette façon de gouverner sans expliquer a déjà joué de nombreux tours à l’équipe en place, à commencer par le mouvement des Gilets Jaunes, qui conteste la verticalité des décisions. Manifestement, la leçon n’a pas été retenue. Et expose le gouvernement à un risque de contestation très radicale.

Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "