Devant l’incapacité des dirigeants d’Arkéa de présenter un projet d’indépendance viable, la Confédération du Crédit Mutuel a manifesté sa volonté de « clore » le dossier, symbole de son enlisement.
Fin décembre, estimant avoir proposé une « solution de désaffiliation », mais n’avoir obtenu aucune réponse valable de la part des dirigeants d’Arkéa, Nicolas Thery, le président de la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, indiquait, dans un courrier adressé aux pouvoirs publics français et à la Banque centrale européenne (BCE), vouloir « cesser de perdre un temps précieux sur un dossier qui ne repose aujourd’hui sur aucune demande sérieuse ».
Report du vote
Il s’agit là du dernier épisode d’un conflit qui n’a que trop duré et qui — surtout — n’a jamais réellement évolué. En 2018, la direction de la banque Arkéa avait promis que les administrateurs de ses caisses locales se prononceraient de manière définitive et irrévocable au cours de l’automne sur son projet d’indépendance. Mais si un premier vote de principe a bien eu lieu au printemps de la même année, le second, devant acter le projet, n’a toujours pas eu lieu.
Dans une note publiée début décembre 2018, l’agence de notation Moody’s révélait que ce nouveau vote n’interviendra que « courant 2019 » : « nous ne nous attendons pas à ce que le document final soit soumis aux conseils d’administration des banques locales avant encore quelques mois », complètent les analystes de l’agence.
Raison invoquée : la banque doit encore élaborer et transmettre aux autorités bancaires françaises et européennes un « document qui décrira en détail les conditions et implications d’un scénario de sortie ». Moody’s, qui a placé Arkéa sous « revue négative » en novembre 2017, met également en avant dans sa note les « nombreux obstacles » qui se dressent devant la banque mutualiste, tout en relevant à nouveau la complexité de son projet.
Des risques reconnus par Arkéa
Cet énième avertissement s’ajoute à ceux déjà formulés par l’ensemble des autorités de contrôle, de la Banque de France à la Banque centrale européenne (BCE), en passant par l’Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF). Dans un rapport publié le 29 août 2018 à la requête de cette dernière, la propre direction d’Arkéa admet les « risques relatifs à la complexité du contexte et (ceux) liés à la désaffiliation » de la CNCM. Un projet « inédit et particulièrement complexe à réaliser », reconnaît le document, les « incertitudes et les risques associés » perdurant.
Dans ce même rapport, la banque consent que « sa désaffiliation (…) a des conséquences qui peuvent être difficiles à appréhender » et qu’elle « ne peut garantir que le projet sera conduit à son terme », tout en concédant la possibilité d’éventuelles « modifications majeures » et de « difficultés nouvelles », parmi lesquelles « la perte du bénéfice de l’agrément bancaire collectif » pour ses caisses locales, ou encore les risques liés « aux calculs prudentiels » et « à l’accord des autorités de contrôle ».
Employés, clients et sociétaires dans l’incertitude
Le projet d’indépendance est également lourd de conséquences pour les 9 000 salariés d’Arkéa et ses 2,2 millions de clients. S’il parvient à faire sécession, le Crédit Mutuel Arkéa devra abandonner la marque Crédit Mutuel — la préférée des Français — et se rebaptiser, tout en subissant la concurrence frontale de nouvelles agences Crédit Mutuel. « La confusion serait totale pour nos sociétaires et clients », s’alarment les syndicats de la banque.
Les syndicalistes d’Arkéa soulèvent également les « lourdes incertitudes » du projet : « l’avenir des parts sociales, constituante majeure de nos fonds propres, est flou, l’accord d’un agrément bancaire si nous devenions indépendants n’est à ce jour pas garanti, notre notation sur la place financière serait révisée de manière négative », s’inquiètent-ils également. À raison, puisque l’agence de notation Standard & Poor’s a, elle aussi, annoncé qu’elle envisageait de rétrograder la note d’Arkéa en cas de désaffiliation.
Enfin, la question de l’emploi reste en suspens, ainsi que le sort de la filiale d’Arkéa, Suravenir, spécialisée dans les contrats d’assurance-vie, de prévoyance et d’épargne. Gérant 40 milliards d’euros d’encours en assurance-vie et 43 milliards d’euros de capitaux sous risques pour le compte de près de 3 millions de clients, Suravenir pourrait également subir les conséquences d’un projet auquel seule la direction d’Arkéa semble encore croire.