C'est Noël avant l'heure ! Pour tenter de dissiper les inquiétudes et de calmer les esprits qui s'échauffent depuis l'annonce mardi de bénéfices en baisse pour la première fois depuis dix ans, Apple a annoncé hier qu'elle allait reverser 100 milliards de dollars d'ici 2015 à ses actionnaires, soit 45 milliards de plus que prévu initialement. Soit tout de même les deux-tiers de l'argent qu'elle possède en réserve ! En tout, 60 milliards vont être consacrés au rachat d'actions –Apple devrait dès lors contrôler près d'un septième de son capital-, et le reste sera versé sous forme de dividendes, lequel a été augmenté de 15%, à hauteur de 3,05 dollars par action et par trimestre.
Qui va percevoir cette manne tombée des coffres de la firme à la pomme ?! Ses actionnaires, donc : or 71% des actions d'Apple sont détenues par des fonds d'investissements et des acteurs institutionnels (banques, compagnies d'assurance, caisses de retraite, etc) et 29% sont détenues par des petits porteurs, c'est-à-dire des actionnaires individuels, dont quelques milliardaires américains –comme George Soros, qui possède 100 millions d'action Apple- et environ 30 000 petits actionnaires. Heureux ceux qui ont cru en le succès d'Apple !
Plutôt que de rapatrier ce cash dispersé dans ses filières aux quatre coins du monde, et donc de devoir payer à terme beaucoup plus de taxes aux Etats-Unis, Apple préfère emprunter pour mieux donner, alors même qu'à l'heure actuelle, elle n'a pas de dettes. C'est ni plus ni moins l'une des plus grosses opérations de redistribution de cash de l'histoire de Wall Street !
C'est un sacré revirement de stratégie aussi, car du temps de Steve Jobs, tous les bénéfices étaient réinvestis pour financer le développement des produits et la poursuite de la croissance de l'entreprise, au lieu d'être distribués ainsi.
Mardi soir, Apple a publié ses résultats trimestriels : ils sont, comme toujours, bons et feraient pâlir de jalousie n'importe quelle entreprise à l'heure actuelle, mais voilà, ils sont moins bons que l'an dernier, et du coup, ils déçoivent les marchés. C'est d'ailleurs justement pour s'extraire un peu de la pression des marchés qu'Apple veut récupérer une partie plus importante de son capital en rachetant des actions à tour de bras. Les résultats, donc : ventes en hausse de 11% (contre jusqu'à +50% l'an dernier) mais bénéfice net en baisse pour la première fois en dix ans de 18% par rapport à la même période de l'an dernier. Et surtout, une rentabilité en perte de vitesse, à 22% (contre 30% l'an dernier). Comme l'explique Time to sign off, cela est notamment dû au fait qu'Apple a choisi un modèle "fabless" (la fabrication est sous-traitée), au contraire de Samsung qui fabrique ses produits. résultat, Apple ne maîtrise pas ses coûts, lesquels augmentent plus vite que son chiffre d'affaires.
Cette générosité a étonnamment eu un effet tout à fait mineur à Wall Street : l'action, qui a perdu 27% depuis le 1er janvier (alors même que le S&P 500, l'indice de référence des grandes valeurs américaines, a progressé de 9 % !), n'a clôturé qu'à +1,84%. La confiance ne s'achèterait-elle pas à coups de milliards ?!