Thilo Sarrazin, ancien membre du directoire de la Banque Centrale allemande a publié le 29 mai dernier un ouvrage intitulé «L’Europe n’a pas besoin de l’euro». L’intéressé, qui avait en 2011 fait polémique en dénonçant les inégalités biologiques entre musulmans et Européens, nous explique cette fois que les Allemands qui soutiennent le principe des euro-bonds sont en réalité prisonniers de leur mauvaise conscience d’après-Holocauste.
En elle-même, l’argumentation économique du livre mérite réflexion. Selon Sarrazin, l’euro est un facteur de risque pour l’économie allemande, ce qui justifie son abandon. Cette affirmation relève d’un cynisme compréhensible. La surévaluation de l’euro a en effet beaucoup profité à l’Allemagne. Rappelons que, à sa création, l’euro ne valait pas un dollar. Assez rapidement, son cours a atteint les 1,3 ou 1,4 dollar, soit une augmentation automatique de nos prix à l’exportation en dollar de près de 50% en quelques années. À ce tarif-là, seule l’Allemagne, dont la compétitivité n’est pas fondée sur les prix, mais sur la qualité et la spécialisation, a pu engranger des excédents commerciaux colossaux.
Pour un pays comme la France, habitué à dévaluer pour vendre à l’étranger, la politique de l’euro fort s’est traduite par une désindustrialisation massive et une détérioration continue de la balance commerciale. Proposer l’abandon de l’euro aujourd’hui revient, pour l’Allemagne, à mener une stratégie de prédation : après avoir neutralisé la concurrence industrielle de ses voisins européens par une politique de l’euro fort, Thilo Sarrazin voudrait que son pays reprenne ses billes sans payer les dégâts d’une politique monétaire égoïste.
Le mérite de Thilo Sarrazin est de nous rappeler que la politique monétaire est une affaire politique avant d’être une affaire monétaire. Prononce-t-il tout haut les mots qu’un nombre grandissant d’Allemands prononcent tout bas: celui d’un retour à une Allemagne bien décidée à profiter coûte-que-coûte de l’Europe, sans payer son prix?