Combien de temps nous reste-t-il avant l’Eurogeddon ? (1/2)

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Charles Sannat Modifié le 10 juillet 2012 à 16h07

L’Allemagne commence à en avoir assez

Ambrose Evan-Pritchard, le journaliste du quotidien anglais The Telegraph qui sait encore ce que le mot journalisme peut signifier, a signé un beau papier sur les dernières déclarations du Président allemand (si, si, en Allemagne, ils ont aussi un Président ! ).

Je cite les propos exacts en anglais dans le texte (cela fait très sérieux) : "German president Joachim Gauck has ordered Chancellor Angela Merkel to clarify exactly what she agreed behind closed doors at the EU crisis summit ten days ago, lending a powerful voice to critics dismayed by the surging costs of euro bail-outs".

"She has a duty to explain in great detail what it means, and what it means fiscally. There seems to be a lack of energy in telling the people what is really happening".

Pour ceux qui ne comprendraient pas trop l’anglais, je vous propose ma traduction « maison » (cela fait très sérieux aussi). En gros (je ne vous ai jamais dit que ma traduction serait précise), le Président allemand demande à la Chancelière Merkel de clarifier précisément ce sur quoi elle a donné son accord derrière les portes fermées du dernier Conseil Européen de l’ultime dernière chance. Il souhaite également qu’elle explique au passage au peuple allemand ce que cela va signifier pour lui en terme de conséquences et particulièrement fiscales…

J’ai comme dans l’idée que le peuple allemand risque d’arriver rapidement avec sa sagacité légendaire à la conclusion qu’il risque d’être tenu à l’abri pour de très nombreuses années de tout allègement d’impôts ou réduction de la pression fiscale, si vous voyez ce que je veux dire…

Bref, on se rapproche du moment où la tentation germanique du refus de payer pour les cigales du Sud risque de se faire beaucoup plus pressante.

D’ailleurs, le débat devient tellement vif en Allemagne que 176 économistes d’outre-Rhin ont signé un appel à rejeter l’union bancaire en demandant à chaque citoyen de se rapprocher de son député afin de refuser une solidarité financière sans limite.

Taux qui montent et taux qui baissent

Pendant ce temps, ceux qui pensaient que les taux d’intérêt d’emprunt de notre pays exploseraient avec l’arrivée de la gauche aux affaires en sont pour leur argent… En effet, pour la première fois de son histoire, la France a levé de la dette ce lundi 9 juillet à des taux d’intérêt négatifs !!

Lors de son adjudication hebdomadaire de Bons du Trésor (BTF), les taux des émissions à 3 mois et à 6 mois sont en effet ressortis à respectivement -0,005 % et -0,006 %. Le taux moyen de l’émission à 1 an est tombé, lui, à 0,013 %, un niveau historiquement bas.

Cela signifie que, face à la tempête qui s’annonce, les investisseurs se ruent sur les placements de court terme dans une logique de préservation de leur capital. Et ils sont prêts à percevoir des rendements négatifs, autrement dit à perdre un peu d’argent, pour protéger leurs avoirs plutôt que de prêter leurs avoirs à des pays sur lesquels le risque souverain de défaut augmente de manière significative. La France devient par la force des choses le deuxième choix après l’Allemagne pour placer ses avoirs.

Simultanément les taux d’emprunt espagnols et italiens grimpaient sur le marché obligataire. Le taux à 10 ans de l’Espagne est repassé au-dessus de 7 %, une première depuis le 19 juin, tandis que celui de l’Italie évolue au-delà de 6 %.

La récession en V ou en W…

Vous vous souvenez, il y a deux ou trois ans, des débats qui agitaient le landerneau économique ? Aurons-nous une reprise en V ou en W ? On s’est empressé de vous expliquer doctement que tout irait mieux que bien, que c’était extraordinaire, que grâce à l’excellent travail des grands mamamouchis de ce monde le pire était derrière nous et que, évidemment, nous allions avoir une reprise en V !! Evidemment il n’en fut rien. D’ailleurs nous sommes peu ou prou exactement dans le même rythme que la crise de 1929, où la Bourse atteignit son point bas (pour y rester environ 30 ans) 4 à 5 ans après le célèbre krach de 1929…

Donc soyons honnêtes, la reprise ne sera pas en V, pas non plus en W, puisqu’en réalité il n’y aura tout simplement pas de reprise mais une lente et grande dépression et une mort affreuse et douloureuse (j’en rajoute légèrement, mon épouse trouvant que je suis trop pessimiste).

Les marchés s’inquiètent donc toujours par ailleurs du ralentissement de l’économie mondiale. En Chine, l’inflation est tombée en juin à 2,2 % sur un an (ce qui n’est pas du tout une bonne nouvelle), avant les très attendus chiffres de la croissance en fin de semaine.

L’Union Européenne entérine le non respect des engagements

Pendant ce temps toujours, l’Union européenne s’apprête à autoriser l’Espagne à ne ramener son déficit public à 3 % du produit intérieur brut (PIB) qu’en 2014 au lieu de 2013, selon une source européenne qui s’est exprimée sous couvert d’anonymat (comme on dit dans le cadre des fuites officiellement officieuses).

La décision « devrait être approuvée » mardi au cours d’une réunion des ministres des Finances des 27 à Bruxelles. Des sources européennes avaient indiqué le 30 mai que la Commission envisageait d’accorder un an de plus à l’Espagne pour parvenir à l’objectif de réduire le déficit public à 3 % du PIB.

Tout en sachant que les objectifs de déficits budgétaires ne seraient déjà pas non plus tenus cette année. Mais rassurez-vous le Premier ministre Rajoy en Espagne comme Monti en Italie ont annoncé qu’il y aurait encore plus de rigueur, selon le raisonnement abscons suivant : « si la rigueur ne fonctionne pas, c’est que nous n’avons pas assez fait de rigueur ». Conclusion logique, la récession va s’aggraver dans ces deux pays.

Mais chez nous, aucun problème, il n’y aura ni austérité, ni rigueur ce qui est vrai, mais taxation massive des riches, c’est à dire des gens qui possèdent 4 sous puisqu’en France, on est vite statistiquement riche (salaire médian de 1 500 euros/mois).

Laissez un commentaire
Cropped Favicon Economi Matin.jpg

Charles SANNAT est diplômé de l'Ecole Supérieure du Commerce Extérieur et du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques. Il commence sa carrière en 1997 dans le secteur des nouvelles technologies comme consultant puis Manager au sein du Groupe Altran - Pôle Technologies de l’Information-(secteur banque/assurance). Il rejoint en 2006 BNP Paribas comme chargé d'affaires et intègre la Direction de la Recherche Economique d'AuCoffre.com en 2011. Il rédige quotidiennement Insolentiae, son nouveau blog disponible à l'adresse http://insolentiae.com Il enseigne l'économie dans plusieurs écoles de commerce parisiennes et écrit régulièrement des articles sur l'actualité économique.