Airbnb et l’immobilier à Paris

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Par Nicolas Tarnaud Publié le 31 mai 2016 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
60 millionsAirbnb rassemble plus de 60 millions de voyageurs dans le monde.

« L’immobilier ne peut pas être perdu ou volé, et il ne peut pas être emporté. Acheté avec bon sens, payé en totalité, et géré avec raison, il est le placement le plus sûr du monde », Franklin D. Roosevelt

La nouvelle économie ou l’économie du partage est en train de redéfinir notre usage de l’immobilier et la manière dont nous investissons dans un bien immobilier. Le logement est en train de s’ubériser. De nombreuses plateformes ont vu le jour afin de mettre en relation des propriétaires et des hôtes cherchant une location meublée pour quelques jours. La plus connue est Airbnb qui a réuni plus de 60 millions de voyageurs dans 34 000 villes et 191 pays, depuis sa création en 2008. L’entreprise américaine propose aujourd’hui plus de 2 000 000 de logements et 1400 châteaux dans le monde. Paris est devenue la ville star du site.

Le marché locatif à Paris

La ville de Paris a accueilli plus de 15 millions de touristes étrangers en 2013. La région parisienne occupe la première place économique européenne avec un PIB de 649 milliards d’euros (2014). Plus de 60% des habitants à Paris sont locataires de leur résidence principale. Paris est donc une ville de locataires. Elle compte 1 353 000 logements dont 1 159 952 résidences principales. Nous trouvons également 87 364 résidences secondaires et 105 720 logements vacants. La mutation du marché locatif touristique peut avoir, à moyen terme, un impact sur les prix des locations nues (non-meublées) comme sur les prix de vente. S’il y a de moins en moins d’offre de location « nue », le loyer suivra in fine une courbe haussière. Cette hausse devra intégrer la solvabilité des locataires. Si les impayés augmentent, les propriétaires opteront pour la location meublée (avec des baux d’un an pour les bailleurs ou 4 mois par an pour les propriétaires occupants). Dans un contexte économique et fiscal incertain, le marché locatif parisien est aujourd’hui particulièrement tendu au niveau des prix. La demande reste bien supérieure à l’offre quels que soient les quartiers recherchés et l’encadrement des loyers dans le secteur privé n’a rien changé, par ailleurs.

La plateforme Airbnb

Le site Airbnb connait un succès qui se confirme, année après année, dans les métropoles touristiques mondiales. Le secteur de l’hôtellerie a dû réagir et s’adapter rapidement face à cette nouvelle concurrence. Ainsi, en 2015, le site référençant plus de 40 000 appartements contre 110 000 chambres d’hôtels à New York, aurait réalisé un chiffre d’affaire de plus de 450 millions de dollars et espère atteindre 805 millions de dollars en 2018. De septembre 2014 à août 2015, plus de 3,9 millions de voyageurs ont séjourné en France via Airbnb. Aujourd’hui, 60 000 appartements sont localisés à Paris et en Ile-de-France et 200 000 sont disponibles au total, en France sur le site américain. Paris a pris la première place du podium mondial grâce au nombre de logements proposés sur la plateforme américaine. Pourquoi un tel engouement depuis la création en 2008 de cette intermédiation locative ? Les logements sur Airbnb sont souvent plus spacieux, mieux équipés et plus récents que les chambres d’hôtels de standing équivalent, pour un budget deux à trois fois moins élevé. Aujourd’hui, Airbnb concurrence même l’hôtellerie de luxe à Paris et dans toutes les villes attractives. Ainsi, on peut louer un appartement à Paris 16e avec 5 chambres doubles, au mois d’août 2016 pour un budget de 430 euros par nuit. Il faudrait compter un budget 3 fois plus élevé pour louer autant de chambres doubles dans un hôtel au standing similaire.

Le rendement locatif d’un bien meublé

Pour une nuit, une semaine ou un mois, le loyer moyen d’un appartement en centre-ville est 30 à 50 % supérieur à celui d'un logement nu (non-meublé). Durant certaines périodes estivales ou lors d’événements (Euro 2016), ce pourcentage peut être encore plus élevé. Prenons un propriétaire qui vient d’acheter un 2 pièces de 50 m2, rénové, à 3 minutes des Champs-Elysées (Paris 8e) pour un montant de 600 000 euros. Quatre possibilités s’offrent à lui. La première option est de louer ce bien nu, avec un bail de trois ans. Il pourra le louer 1 600 euros par mois, charges comprises. La deuxième option est de le louer meublé, pour 2 personnes, avec un bail d’un an. Par rapport à la location nue, ce bien lui rapportera 2 000 euros par mois, charges comprises. La troisième option est de l’occuper comme résidence principale et de le mettre en location 4 mois par an, maximum. Selon la loi, il n’y a pas changement d’affectation lorsque la location saisonnière est inférieure à 4 mois (consécutifs ou non) dans l’année, et donc réservée à la jouissance du propriétaire les mois restants.

Le propriétaire pourra ainsi louer son deux-pièces meublé, à raison de 120 euros la nuit, soit un loyer maximal de 3 600 euros par mois. La quatrième option est d’acheter la commercialité. Une fois acquise la destination commerciale du bien, le propriétaire pourra faire de la location de tourisme toute l’année et le louer au prix de 120 euros la nuit. Il devra débourser 2 000 euros du m2 pour acheter cette commercialité à Paris. Dans le cadre d’une expertise, l’achat de la commercialité est intégré dans le calcul de la valeur vénale du bien. La rentabilité locative finale sera différente selon l’option retenue et le taux d’occupation du logement loué. La rentabilité locative brute est plus élevée pour la location meublée sur le court terme que sur le long terme. La rentabilité locative finale variera en fonction du taux d’occupation et des frais occasionnés par la location (détérioration, remplacement des meubles, etc.).

Location meublée et prix immobilier

La valeur d’un appartement ou d’une maison varie selon plusieurs paramètres comme l’inflation, le niveau des taux d’intérêt et la politique du crédit bancaire. Le marché de l’offre et de la demande impacte également le prix d’un actif immobilier. La plus belle maison de Saint-Jean-Cap-Ferrat ne trouvera pas preneur (au prix exigé) si la clientèle, française et étrangère, demeure absente. La liquidité d’un marché local joue un rôle primordial dans la formation du prix final d’une transaction immobilière. L’immobilier, bien hétérogène par essence, peut générer des différences de prix en fonction de sa localisation et des revenus qu’il peut engendrer. Le rendement locatif que procure un actif résidentiel donne la valeur vénale du bien. Plus le taux sera faible par rapport aux revenus générés, plus la valeur vénale sera élevée. Le logement est à la fois un bien que l’on utilise et un actif qui se valorise.

Contrairement à l’immobilier de bureau, un appartement vendu libre de toute occupation se vendra plus cher (loué nu ou meublé). Dans tous les cas, plus la rentabilité locative nette sera élevée par rapport à un rendement sécurisé (OAT 10 ans) et plus la valeur de l’actif immobilier le sera. Reprenons l’exemple avec notre deux-pièces de 50 m2 à proximité des Champs-Élysées que nous destinons à la location. Première option, nous louons cet appartement nu, pour 1 600 euros par mois. En appliquant un taux de rendement de 3,5% par rapport à la valeur locative, cet appartement parisien vaut 548 000 euros. S’il est loué 2 000 euros par mois, en appliquant un taux de rendement de 3,5%, il vaudrait 685 000 euros. Si le propriétaire occupant le loue 4 mois maximum au prix de 120 euros la nuit, ce logement lui rapporterait 14 400 euros brut. En appliquant un taux de rendement de 3,5%, la valeur de son logement vaudrait 411 000 euros. Une somme moins élevée, puisqu’elle ne procure que 4 mois de revenus locatifs par an.

Dernière option, le propriétaire achète la commercialité de son bien au prix de 2 000 euros du mètre carré, soit 100 000 euros. Une fois le changement de destination du local (commercial), il pourra louer le bien comme un logement meublé de tourisme, 365 jours par an. S’il le loue 120 euros la nuit sur 365 jours, avec un taux d’occupation de 70%, les revenus locatifs bruts seraient de 30 000 euros par an. Avec un taux de rendement de 3,5%, la valeur vénale serait de 850 000 euros. Toutes choses égales par ailleurs, l’évaluation par le rendement donne une indication sur la valeur d’un actif immobilier mais ne représente en aucun cas le prix de transaction du dit bien.

Les revenus locatifs d’un logement meublé avec un bail d’un an sont supérieurs s’il est loué nu. La location d’un meublé de tourisme dans un quartier recherché augmente encore la valeur locative, donc la valeur vénale d’un bien. Plus le différentiel de rendement sera important entre les deux formules, et moins nous trouverons de locations nues.

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.