Chez les agriculteurs français, c’est la saignée : en 40 ans, l’emploi a été divisé par 3, avec la destruction dans ce secteur d’1,3 million d’emplois. Aujourd’hui en France, un tiers des agriculteurs gagne moins de 350€ par mois. L’agriculture subit de plein fouet la transformation structurelle des économies modernes et la France n’échappe pas à ce rouleau compresseur. Nos hommes politiques peuvent toujours verser une larme « au chevet des agriculteurs », selon l’expression consacrée, en promettant une augmentation des aides, le remède peut s’avérer pire que le mal. Ce n’est pas de perfusions d’aides supplémentaires dont ont besoin les agriculteurs, mais de mesures fortes.
Des handicaps à court terme
L’agriculture souffre d’une mauvaise image auprès des jeunes générations, qui se détournent de ce secteur. Et ce ne sont pas les subventions qui changeront quoi que ce soit. La preuve : chaque année, 5000 agriculteurs quittent la profession ! Même s’il est souvent difficile de dépasser les clichés, les tâches agricoles sont généralement vues comme ingrates. En outre, dans une société où la valeur travail tend à disparaître, certains redoutent de sacrifier leur vie sociale. Une crainte par tout à fait infondée : un quart des agriculteurs est aujourd’hui célibataire.
À cette réalité sociale s’ajoute une tendance générale de fond qui touche tout le secteur primaire : la mécanisation des tâches. Face au développement de la robotique, certains agriculteurs finissent par s’interroger sur le sens de leur métier.
Des raisons d’espérer
Le tableau est sombre, mais la situation n’est pas désespérée. Tout d’abord parce que la France reste une grande puissance agricole : 1er producteur et 3e exportateur européen, elle se place au 5e rang des exportateurs au niveau mondial. Ensuite, parce que la mécanisation des tâches agricoles, si elle a eu pour corollaire d’entrainer une diminution drastique du nombre d’emplois manuels, a néanmoins permis à l’agriculture française de conserver son rang.
Pourtant, les difficultés auxquelles font face les agriculteurs demeureront tant que des réformes structurelles ne seront pas mises en place. Sans faire du passé table rase, les acteurs de la filière agricole avancent au moins deux pistes de réforme.
Rééquilibrer les relations avec l’industrie agro-alimentaire
Un nombre croissant d’agriculteurs se sent dépossédé du fruit de son labeur. Selon la FNSEA, « sur 100€ d’achat alimentaire, seuls 8€ reviennent au producteur ». Les principaux acteurs du secteur agricole appellent donc à un assainissement des relations avec l’industrie agro-alimentaire. Dans le jargon administratif, on parle d’assurer « une meilleure répartition de la valeur au sein de la filière ». C’est en tout cas l’un des objectifs de la Loi Sapin 2, votée à l’automne 2016.
Comme l’indiquait, le 9 juin 2016, un communiqué du ministère de l’Agriculture, la nouvelle loi prévoit « de rendre obligatoire l’indication, dans les contrats commerciaux entre industriels et distributeurs, du prix prévisionnel moyen payé au producteur pour les filières soumises à contractualisation obligatoire ». Objectif : rendre plus « transparentes » les relations commerciales aboutissant à une « contractualisation rénovée entre les producteurs agricoles et les entreprises agro-alimentaires ».
Revoir les réglementations environnementales en vigueur
Certaines représentations agricoles, à l’instar de la FNSEA et la Confédération Paysanne, dénoncent une accumulation des réglementations environnementales et souhaitent assouplir, en particulier, le sacro-saint « principe de précaution ». Sur ce thème, la question du glyphosate, un herbicide présent dans près de 150 produits, divise aujourd’hui encore les acteurs publics. Si pour le Centre International de Recherche sur le Cancer, agence controversée dépendant de l’OMS, cet herbicide est cancérigène probable, pour l’immense majorité des agences (notamment l’Agence Européenne de Sécurité Alimentaire, la Food and Drug Administration et… l’OMS) le glyphosate n’est un cancérigène ni possible, ni avéré. Mais quand bien même la Commission européenne a autorisé en juin 2016 la prolongation, pour 18 mois au maximum, de l’autorisation sur le marché européen de cet herbicide, rien ne garantit que sa commercialisation sera maintenue au-delà.
D’autant que l’exécutif européen vient d’enregistrer, le 10 janvier dernier, une initiative citoyenne européenne, l’invitant notamment « à proposer aux Etats membres [l’]interdiction » de ce produit. Cette perspective, sans solution de remplacement, serait une catastrophe pour le secteur agricole, car elle baisserait considérablement les rendements agricoles ; la FNSEA évaluant les pertes annuelles « en centaines de millions d’euros ».
Une telle mesure pénaliserait en premier lieu les agriculteurs, qui n’en demandent pas tant, mais plomberait aussi plus globalement la compétitivité agricole française. Sans doute est-il temps de lever enfin, une bonne fois pour toutes, le spectre d’une interdiction, pour redonner un peu de confiance en l'avenir aux agriculteurs n'ayant pas encore pris la clé des champs !