Les agriculteurs et l’écologie font-ils bon ménage ?

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Par Daniel Moinier Modifié le 13 décembre 2022 à 20h38
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@shutter - © Economie Matin
10%Le salaire des agriculteurs a baissé de 10% en 2019.

Un article m’a particulièrement interpelé, écrit par une géographe et économiste : « Les agriculteurs n’ont pas besoin de « leçons de nature ». Cet article me rappelle d’agréables souvenirs de mon enfance à la campagne, alors que les paysans et nous-mêmes étions loin de parler d’écologie et d’environnement.

La première question posée : A quoi sert le monde agricole : A nous nourrir et même s’il va y avoir une révolution agricole, il va falloir nourrir de plus en plus de personnes dans ce monde en expansion. D’ici à 2050, ce devrait-être 10 milliards de bouches à nourrir !

C’est là que nous allons trouver rapidement les limites du circuit court. L’agriculture doit évoluée, c’est certain, les circuits de distributions doivent se rapprocher des consommateurs, c’est un fait, mais il ne faut pas oublier que cette nouvelle agriculture devra suffisamment produire, pour que la planète ne soit pas affamée. Nous avons déjà 800 millions d’individus qui souffrent de manière chronique de malnutrition. Les écologistes et certains mythes bobos ; « bourgeois bohêmes » parce que c’est dans l’air du temps, voudraient tout transformer en circuits fermés. Ce qui peut se comprendre lorsque l’on veut diminuer les polluants, mais ce ne sera pas un modèle économiquement fiable pour pouvoir répondre aux besoins alimentaires de l’ensemble des peuples du monde. Ce sont aussi des productions aléatoires, pas toujours régulières pour l’ensemble des produits. Prenons l’exemple d’un camion qui livre 40 tonnes de marchandises en un seul trajet et un seul lieu ; le super marché. A la différence pour les marchés si la voiture du producteur transporte 40 kilos, il faudra 1000 voitures. Si l’on passe à 80 kilos, ce sera 500 voyages et même à 400 kilos, il en faudra encore 100 !

Il est certain que pour une ferme, créer sa propre boutique de vente directe peut être un apport non négligeable. Mais cela demande un investissement en matériel et du temps de travail supplémentaires, mais ensuite de la main d’œuvre en plus. Sans compter que les acheteurs seront obligés de venir en voiture, moins grave si elles sont électriques ce qui est encore loin d’être le cas. De plus, il sera nécessaire pour ces produits locaux de monter en gamme avec des prix plus élevés. Cela ne pourra être un business model florissant qui ne touchera qu’une clientèle relativement aisée, tels que restaurateurs haut de gamme, acheteurs militants qui ne représenteront qu’une part minime des consommateurs. Sauf sur les marchés, où ils peuvent trouver une clientèle très locale venant à pieds, à conditions toutefois que les prix restent abordables. Combien d’agriculteurs auront suffisamment de temps à consacrer à la vente et sa préparation, mais aussi capables de produire et fournir toute l’année pour remplir leur étalage ? Sinon il sera nécessaire de créer une organisation maraichère collective, sachant que de base, les agriculteurs sont des gens très indépendants et disséminés sur le territoire !

Compte tenu du nombre d’habitants sur terre, l’agriculture de proximité ou agroécologie ou agriculture alternative, nous ferait faire un véritable bond en arrière et ne pourrait être la panacée annoncée par certains.

L’ensemble de ses trois composants : La qualité gustative, la sécurité alimentaire et la durabilité environnementale ont un coût que beaucoup de monde ne pourront jamais s’offrir.

Revenir à d’anciennes pratiques et environnements voudrait dire que l’on réinstalle par exemple de plus en plus de petites parcelles bordées de haies, bosquets pour faire revenir oiseaux, insectes, de rétablir des fossés pour évacuer plus d’eau lors de périodes pluvieuses. C’est très louable, mais cela demande beaucoup de temps et d’investissements. Ce serait surtout la perte de 5% de la surface agricole avec plus de difficultés d’exploitation. Qui serait d’accord que l’on ampute 5% de ses biens pour le sacrifier au collectif ?

Il est certain que la campagne peut avoir plus de charme lors d’une ballade lorsque le paysage environnant est couvert par des haies ou bosquets, mais les paysans sont de plus en plus irrités ou agacés par les leçons de nature qui leur sont faites. Une remarque de l’auteur à ce sujet est très intéressante : « Imaginons que le paysan se rende dans les (ou nos) bureaux, jugeant-à raisons d’ailleurs-que les open spaces sont totalement invivables et nous intime l’ordre de remettre des cloisons, des espaces privatifs, de l’intimité... »

Les agriculteurs ne s’estiment pas paysagistes. Si nous voulons que les agriculteurs deviennent écologistes et participent aux bouleversements souhaités, il faudra y mettre le prix.

Il ne faut pas oublier que les agriculteurs connaissent mieux que quiconque les cycles naturels, les exigences des différentes cultures. Ils se sont adaptés aux grands changements, matériels, à la pression démographique, pour pouvoir produire plus avec de moins en moins d’exploitations. Ils continueront à le faire, sachant toutefois que la permaculture ne pourra jamais nourrir toute l’humanité. Tous les modèles ont leur place et peuvent vivre en bonne intelligence, mais il ne faut pas que certains imposent par la force leur idéologie à tous. On attend de « nos » paysans qu’ils nourrissent le monde dans de bonnes conditions, à chacun de réfléchir à la meilleure formule pour tous.

Toutefois une autre analyse et réflexion s’imposent

De plus en plus d’élus, de groupes, partis, associations prônent pour un repli identitaire, mais aussi pour des produits français pour les français. Depuis de nombreuses années, presque toutes les grandes entreprises françaises ne sont rentables que grâce à l’international. Il en est presque de même pour l’agriculture qui produit 73 Mds d’euros mais qui exporte pour 59,5 Milliards alors que l’on importe 50 Milliards de produits agricoles ! Les excédents sont en voie de disparition. La production a été de plus en plus freinée par les charges, prélèvements, impôts en constante augmentation et des réglementations de plus en plus contraignantes et nouvelles. Celles en cours et à venir liées à l’écologie n’arrangeront en rien le porte-monnaie ! La concurrence est vive avec des prix 1,7 fois moins chers en Espagne et 2 fois moins en Pologne ! Du 3ème rang mondial en 2015, nous venons de passer au 6ème en 2019.

Ci-dessous 4 tableaux résumant en partie l’évolution du monde agricole et de sa production.

Pour conclure :

Depuis la fin des années 1990, tous les indicateurs de la puissance agricole française sont alarmants : stagnation de la production, réduction du nombre d'agriculteurs et de la surface agricole utile, perte massive de parts de marché au niveau mondial.

Dernier avatar de ce préoccupant recul français sur les marchés agricoles mondiaux, l'excédent commercial agricole français a été divisé par deux en moins de cinq années. Alors que les exportations stagnent, les importations, elles, ont bondi. Depuis 2000, elles ont quasiment doublé (+ 87 %), notamment celles de beurre et de fromages, et atteignent désormais des niveaux impressionnants pour certains produits : actuellement, près d'un fruit et légume consommé sur deux est importé. « Et en 2017, les importations représentaient 34 % de la consommation de volailles, et même 70 % pour la restauration hors foyer.

Il faudrait donc absolument diminuer les coûts de production mais surtout renchérir les prix des produits pour augmenter les marges du secteur, une part pourra être réalisée par l’économie circulaire. Pour cela il sera nécessaire de passer par l’augmentation du pouvoir d’achat des tranches inférieures de la population, pour pouvoir acheter mieux, plus écologique, donc plus cher. Ce qui pourrait permettre aussi de reconquérir des marchés à l’export.

Un résultat qui pourrait réconforter certains : Comme chaque année le magazine britannique « The Economist » a publié l’indice de durabilité des modèles agricoles et alimentaires dans le monde. Pour la 3ème année consécutive la France est première au palmarès : Réconfortant.

https://www.danielmoinier.com/

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Daniel Moinier a travaillé 11 années chez Pechiney International, 16 années en recrutement chez BIS en France et Belgique, puis 28 ans comme chasseur de têtes, dont 17 années à son compte, au sein de son Cabinet D.M.C. Il est aussi l'auteur de six ouvrages, dont "En finir avec ce chômage", "La Crise, une Chance pour la Croissance et le Pouvoir d'achat", "L'Europe et surtout la France, malades de leurs "Vieux"". Et le dernier “Pourquoi la France est en déficit depuis 1975, Analyse-Solutions” chez Edilivre.

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