La vraie fausse liste d’exilés fiscaux politiques de Pierre Condamin Gerbier

Photo Jean Baptiste Giraud
Par Jean-Baptiste Giraud Modifié le 22 août 2013 à 7h19

On se pince à lire l’article de Mediapart paru mercredi 21 août tentant désespérément de se justifier en expliquant que Pierre Condamin Gerbier n’avait jamais promis de « liste » de 15 hommes politiques français accusés par lui de posséder des avoirs en Suisse, et de facto, de se rendre coupables d’évasion fiscale.

Dans un long papier, Mediapart, à l’origine de l’affaire, se justifie « Car de « liste », Pierre Condamin-Gerbier n’a en vérité jamais parlé ! Voici ce qu’il déclarait le 3 juillet devant les députés de la commission Cahuzac : « En vingt ans d’expérience, j’ai été le témoin direct ou indirect d’un certain nombre de dossiers. J’aime peu la terminologie de liste car s’il s’agit de sortir une feuille A4 avec quinze noms dessus, cela ne vaut que le papier sur lequel c’est imprimé ». Cette “liste” n’est rien d’autre qu’une bulle médiatique, qui explose aujourd’hui à la face de ceux qui l’ont créée. »

Une liste? Quelle liste?

Ah bon ? Ce seraient donc les médias qui seraient coupables d’avoir imaginé une liste qui n’existe pas et dont Pierre Condamin Gerbier ne se serait jamais vanté d’être en possession ? Pourtant à reprendre ses interviews dans la presse, avant d’être incarcéré à son retour en Suisse mi-août, « pour avoir trahi le secret bancaire suisse » dixit Médiapart, mais bien en fait pour vol de documents et divulgation d’informations confidentielles chez ses anciens employeurs, « PCG » ne chipotait pas avec les mots.

Dans une interview au JDD, le 16 juin dernier, Pierre Condamin Gerbier semblait bien la posséder, cette liste : « Je peux simplement dire aujourd'hui qu'il y a dans cette liste de très grands noms de la politique française, des gens que l'on est habitué à voir sur les écrans de télévision. Il s'agit de personnages beaucoup plus familiers du grand public que ne l'était Jérôme Cahuzac… J'ai été entendu une fois dans le dossier Cahuzac, où j'ai expliqué des pratiques en général. Pour l'instant, je n'ai pas encore décidé de la façon dont je rendrai publique cette liste. J'attends que des conditions soient réunies, notamment en termes de protection et de sécurité pour ma famille. Je n'ai rien à gagner dans cette histoire. Au contraire.»

Même chose à la Tribune de Genève, quelques jours plus tard, le 22 juin « « Quand on avance des choses, il faut des éléments de preuve. Il y a une telle sophistication du fait de la multiplication de structures et des mouvements financiers que donner des bribes ne sert à rien. Sur les 15 noms qui figurent sur la liste, il y en a pour qui il y a déjà suffisamment d'éléments exploitables. Pour d'autres, j'attends encore des choses ».

Le lendemain, le 23 juin, au « Matin Dimanche », PCG en rajoutait une couche : « Ma liste d’élus français, je la dévoilerai lorsque je me sentirai en sécurité et que les filières judiciaires par lesquelles je les ferai passer seront sûres. (…) Je n’ai jamais croisé ni eu écho d’un compte de Jérôme Cahuzac chez Reyl. La liste de noms que j’espère pouvoir produire devant la justice française n’a aucun lien avec ce cas particulier. Il a à voir avec un système d’évasion fiscale qu’on me demande de décrire. Et des noms, en vingt ans de carrière, je peux en révéler, preuves à l’appui. » Le Matin Dimanche, 23/06/2013

Circulez, y'a rien à voir

Aujourd’hui, son avocat s’agite dans la presse, expliquant dans une longue interview à l’Agefi suisse (après avoir accusé l’Agefi d’être lié à son ancien employeur, la banque Reyl, car elle serait un gros annonceur du journal) que « cette liste n’a jamais existé » parlant de « moyen de pression maladroit » et relatant justement des pressions dont il aurait fait l’objet à l’époque. Curieux ! Faire état de l’existence d’une « liste » pour faire taire les pressions est assez cocasse. On dirait plutôt que la liste a fait « Pschitt » justement parce que des… pressions se sont manifestées mais après l’annonce de l’existence d’une telle liste…

Car il ne fait aucun doute que parmi les hommes politiques, les capitaines d’industrie et même les « simples citoyens » français pourvus d’un minimum de patrimoine et d’une once de jugeote, plus d’un se rend coupable d’évasion fiscale en le sachant, et en ayant mauvaise conscience, mais probablement bien plus souvent, en se considérant dans son bon droit.

Après, tout est une question de proportion : Les 650 000 euros (connus) de Cahuzac représentent un 3 pièces à Paris dans le 18 e arrondissement. Mais si certains politiques français jouent double jeu, et planquent des millions en Suisse ou ailleurs en ayant bonne conscience, c’est un autre problème. N’est ce pas Pierre Moscovici qui parlait mardi 20 août, sur Europe 1, de « matraquage fiscal », le reconnaissant formellement et annonçant son « ralentissement » en 2014 et l’inversion de la tendance en 2015 ? Il n’y aurait pas d’évasion fiscale sans matraquage du même nom. CQFD.

Photo Jean Baptiste Giraud

Jean-Baptiste Giraud est le fondateur et directeur de la rédaction d'Economie Matin.  Jean-Baptiste Giraud a commencé sa carrière comme journaliste reporter à Radio France, puis a passé neuf ans à BFM comme reporter, matinalier, chroniqueur et intervieweur. En parallèle, il était également journaliste pour TF1, où il réalisait des reportages et des programmes courts diffusés en prime-time.  En 2004, il fonde Economie Matin, qui devient le premier hebdomadaire économique français. Celui-ci atteint une diffusion de 600.000 exemplaires (OJD) en juin 2006. Un fonds economique espagnol prendra le contrôle de l'hebdomadaire en 2007. Après avoir créé dans la foulée plusieurs entreprises (Versailles Events, Versailles+, Les Editions Digitales), Jean-Baptiste Giraud a participé en 2010/2011 au lancement du pure player Atlantico, dont il est resté rédacteur en chef pendant un an. En 2012, soliicité par un investisseur pour créer un pure-player économique,  il décide de relancer EconomieMatin sur Internet  avec les investisseurs historiques du premier tour de Economie Matin, version papier.  Éditorialiste économique sur Sud Radio de 2016 à 2018, Il a également présenté le « Mag de l’Eco » sur RTL de 2016 à 2019, et « Questions au saut du lit » toujours sur RTL, jusqu’en septembre 2021.  Jean-Baptiste Giraud est également l'auteur de nombreux ouvrages, dont « Dernière crise avant l’Apocalypse », paru chez Ring en 2021, mais aussi de "Combien ça coute, combien ça rapporte" (Eyrolles), "Les grands esprits ont toujours tort", "Pourquoi les rayures ont-elles des zèbres", "Pourquoi les bois ont-ils des cerfs", "Histoires bêtes" (Editions du Moment) ou encore du " Guide des bécébranchés" (L'Archipel).

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