C’est un paradoxe français : les ménages les plus modestes ne sont pas ceux qui bénéficient le plus d’attribution de logements sociaux, dénoncent dans une étude les associations Solidarités Nouvelles pour le Logement, le Secours Catholique-Caritas France, la Fondation Abbé Pierre, ATD Quart Monde, Habitat et Humanisme et l’Association DALO.
À Paris, seuls 7,8% du parc social sont occupés par les ménages du premier quartile de revenu, alors que la loi exige 25%
C’est un constat glaçant que dressent six associations œuvrant dans le domaine du logement social : contre toute logique, les chances pour un ménage d’obtenir un logement social sont d’autant plus faibles que ses ressources sont basses. Les ménages dont le revenu mensuel par personne est compris entre 342 et 513 euros ont environ 30% de chance de moins d’obtenir un logement social dans l’année que ceux dont le revenu mensuel par personne est compris entre 1.026 et 1.368 euros. Autres chiffres : à Paris, en 2018, les attributions HLM aux ménages du premier quartile de revenu (soit les ménages les plus pauvres) ont représenté 7,8%, tandis que celles au quatrième quartile pesaient 47%.
Pourquoi donc cet état des choses ? La réponse tient à la doctrine même d’attribution de logements sociaux. En effet, la sélection des futurs locataires se structure autour des deux principes d’action publique que sont le droit au logement et la mixité sociale. La loi affirme donc à la fois la nécessité d’accueillir dans le parc social des individus aux ressources modestes et en situation précaire, voire de grande précarité, et la nécessité de maintenir une certaine diversité des profils afin d’éviter les concentrations susceptibles d’aboutir à des situations de ségrégation résidentielle.
Le dysfonctionnement de l’attribution des logements sociaux est dû à la manière même dont le système est conçu
Autre constat : les candidats au logement social sont présentés à la Commission d’attribution de logement social (CAL) par ce qu’on appelle les « réservataires », soit des collectivités et des acteurs du logement social qui, en contrepartie des financements publics ou des garanties d’emprunts accordés dans les programmes immobiliers, disposent d’un droit de désignation de demandeurs à présenter à la CAL sur le contingent de logements qui leur est réservé. Pour éviter les rejets de la CAL, les réservataires opèrent donc un « pré-filtrage ». Un salarié du service logement de la Ville de Paris avouait ainsi : « on ne va pas proposer certains candidats car on sait que le bailleur ne les acceptera pas. Certains dossiers sont trop précaires, comme un chômeur en fin de droits par exemple ».
Les associations dénoncent en effet les agissements de certains réservataires, notamment Action Logement, qui contournent les règles de fonctionnement des CAL en contraignant leur choix, ou même en ne leur laissant aucune possibilité de choix. Il s’agit notamment du fait de ne positionner qu’un seul candidat sur un logement libéré au lieu d’en positionner trois (comme l’exige la loi), faute d’autres candidatures (qui n’auraient en fait volontairement pas été instruites). Or, la loi dispose que seule la préfecture a la possibilité de ne présenter qu’un seul candidat.