Alors que la rénovation énergétique des logements est devenue un enjeu clé de la transition écologique, une nouvelle proposition de loi suscite l’inquiétude du secteur du bricolage. En première ligne, des enseignes majeures pourraient se retrouver privées d’un dispositif financier largement plébiscité par les ménages.
MaPrimeRénov’ : mauvaise nouvelle à venir pour les enseignes de bricolage ?

Adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale et passée devant le Sénat le mercredi 19 mars 2025, une proposition de loi visant à lutter contre les fraudes aux aides publiques sur le dispositif MaPrimeRénov suscite de vives inquiétudes de la part des enseignes de bricolage, des artisans, mais aussi des ménages français.
Un amendement pour réformer MaPrimeRénov'
La réforme repose sur une exigence stricte : seules les entreprises labellisées RGE (Reconnu Garant de l’Environnement) pourront désormais permettre à leurs clients de bénéficier des aides MaPrimeRénov’. Cette certification, qui garantit le sérieux et les compétences des professionnels dans le domaine de la rénovation énergétique, est actuellement réservée aux artisans et entreprises spécialisées dans les travaux d’amélioration énergétique.
En l’état actuel de la législation, les grandes enseignes de bricolage, telles que Leroy Merlin, Castorama ou Brico Dépôt, ne peuvent prétendre à cette certification. Non pas parce qu'elles ne respectent pas les critères de qualité, mais parce que leur modèle économique est fondamentalement différent. Elles ne réalisent pas directement les travaux, mais jouent plutôt un rôle d'intermédiaire, en conseillant les ménages et en les mettant en relation avec des artisans partenaires labellisés RGE.
Cette distinction technique, bien que légitime sur le plan administratif, suscite la colère des enseignes et de la Fédération des Magasins de Bricolage (FMB). « Cette mesure priverait des millions de Français d’un accompagnement essentiel pour rénover leur logement », alerte la FMB dans un communiqué. L’organisation rappelle que les grandes surfaces de bricolage apportent bien plus qu’un simple point de vente : elles offrent des services complets pour guider les particuliers dans leurs démarches administratives, la planification des travaux et le choix des artisans.
Un risque pour la démocratisation de la rénovation énergétique
En plus de fournir les équipements nécessaires aux travaux, les enseignes ont progressivement développé des services d'accompagnement personnalisé. Leroy Merlin, par exemple, a mis en place une équipe de conseillers spécialisés en rénovation énergétique pour guider les clients à chaque étape de leur projet.
Cet accompagnement joue un rôle clé dans un contexte où les démarches administratives liées à MaPrimeRénov’ sont souvent jugées complexes et décourageantes par les ménages français. De fait, la FMB met en garde contre les risques accrus de fraudes si les grandes enseignes ne peuvent plus jouer ce rôle d’intermédiaire de confiance.
Quel impact économique ?
L’impact économique de cette exclusion inquiète particulièrement les acteurs du secteur. Leroy Merlin, par exemple, a réalisé en 2024 un chiffre d’affaires de 700 millions d’euros lié aux travaux de rénovation énergétique. L’enseigne prévoyait d’atteindre 1 milliard d’euros en 2025, un objectif désormais compromis si l’exclusion devient effective.
Au-delà des enseignes elles-mêmes, cette réforme pourrait aussi pénaliser les consommateurs. La FMB insiste sur le rôle essentiel des grandes surfaces dans l'accompagnement des ménages, souvent perdus face à la complexité des démarches administratives et aux risques de fraudes. « Beaucoup voient la rénovation énergétique comme un parcours du combattant », souligne la fédération, qui alerte sur les difficultés que pourraient rencontrer les foyers en l'absence de ce soutien. Le secteur du bricolage, déjà fragilisé par la crise immobilière et une baisse des ventes de 7,5 % en 2024, fait face à des vagues de suppressions d’emplois chez certains distributeurs et craint, de fait, que cette réforme ne vienne aggraver encore davantage leur situation économique.
Un frein à la transition énergétique ?
Le secteur du bricolage représente pourtant un levier important pour atteindre les objectifs nationaux en matière de rénovation énergétique. En 2023, les grandes enseignes de bricolage ont enregistré plus de 350 millions de passages en caisse et 800 millions de visites sur leurs sites internet. Cette fréquentation massive leur permet d’avoir un impact significatif dans la sensibilisation des ménages et la promotion des équipements performants et écologiques.
Exclure ces acteurs du dispositif MaPrimeRénov’ pourrait ralentir considérablement les efforts de rénovation énergétique en France. La FMB exhorte par conséquent les pouvoirs publics à revenir sur cette mesure, insistant sur la nécessité de « mobiliser tous les acteurs fiables et reconnus pour accompagner les Français dans leurs démarches ».