Contre les maladies en mieux comprendre les effets de l’environnement

Des chercheurs étudient les différents effets de l’environnement sur la santé tout au long de la vie.

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Par Horizon Publié le 9 novembre 2023 à 5h30
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Contre les maladies en mieux comprendre les effets de l’environnement - © Economie Matin
87%87% des consommateurs français désirent investir dans des modes de livraisons plus soucieux de l’environnement.

Il y a trente ans, dans le cadre de ses travaux de doctorat, Martine Vrijheid, professeure, a étudié la prévalence des malformations congénitales à proximité de sites de déchets dangereux situés en Europe. Elle a constaté que le risque étant effectivement plus important à proximité des décharges.

Son étude, menée à la London School of Hygiene and Tropical Medicine au Royaume-Uni, a soulevé d’autres questions.

L’enfant au cœur de l’étude

Lorsque nous avons publié ces résultats, une des principales questions que l’on m’a posées était la suivante: «Que feriez-vous si vous étiez enceinte?», a indiqué Mme Vrijheid, une Néerlandaise qui donne aujourd’hui des cours sur l’environnement et la santé de l’enfant à l’Institute for Global Health, à Barcelone, en Espagne. «Je n’arrivais pas vraiment à apporter de réponse à cette question alors je me suis dit que nous avions vraiment besoin de données plus pertinentes pour adresser de meilleures recommandations aux femmes pendant leur grossesse.»

Depuis ce moment-là, Mme Vrijheid étudie en particulier la manière dont l’environnement dans lequel les enfants grandissent peut nuire à leur santé.

On appelle exposome la combinaison des influences de l’environnement et de la façon dont le corps y réagit. Cela comprend ce que les gens mangent et font, l’endroit où ils vivent et travaillent et la façon dont ils interagissent avec leur environnement physique.

Tout y est pris en compte, de l’exposition aux produits chimiques toxiques jusqu’aux changements météorologiques. L’environnement est à l’origine de 70 % des maladies chroniques qui touchent la population, leurs principales causes étant la pollution de l’air générée par les combustibles fossiles brûlés par les usines, les centrales électriques, les voitures et les bâtiments.

À titre d’exemple, un tiers des cas d’asthme infantile en Europe peuvent être attribués à la pollution présente dans l’air, d’après l’Institute for Global Health de Barcelone, également appelé ISGlobal.

«Nous savons que pour une grande partie de nos maladies non transmissibles ou chroniques, il existe des causes évitables dans l’environnement», a expliqué Mme Vrijheid.

Elle coordonne un projet de recherche financé par l’UE ayant pour objectif de quantifier l’impact de l’exposome sur la santé des Européens au cours de leurs 20 premières années de vie. Baptisé ATHLETE, ce projet de cinq ans s’achèvera fin 2024.

Premiers signaux

Le projet ATHLÈTE étudie en particulier le cas des jeunes afin de réduire leurs risques de tomber malade.

«Il est beaucoup plus efficace de commencer à faire de la prévention chez les enfants ou pendant la grossesse que de prendre en charge les facteurs de risque lorsque les personnes sont plus âgées et déjà sur le point de tomber malades», a déclaré Mme Vrijheid. «Tout ce qui arrive au cours des toutes premières années de vie peut avoir des conséquences plus tard.»

Prenons le cas de la croissance des organes d’un fœtus. L’exposition à certaines substances chimiques pendant la grossesse peut perturber le développement des organes.

Les chercheurs utilisent des échantillons de sang, d’urine et de selles pour détecter des marqueurs biologiques tels que les métabolites, des molécules nécessaires au fonctionnement normal des cellules. L’objectif est d’établir la corrélation entre les influences environnementales et la santé des enfants.

Le projet a déjà révélé que l’exposition à des polluants au début de la vie peut provoquer des changements dans les marqueurs biologiques d’enfants par ailleurs en bonne santé, selon Mme Vrijheid.

L’exposition des enfants au cuivre a ainsi été associée à un marqueur d’inflammation. Des mécanismes plausibles de maladie ont également été découverts pour d’autres polluants, notamment dans la fumée de cigarette et les parabènes, des substances chimiques utilisées comme conservateurs dans les produits de beauté.

«Même si les enfants ne présentent encore aucun symptôme, si l’on constate des changements dans leur génétique quotidienne, ou dans leur profil protéique, cela peut nous donner des indications sur le risque qu’ils développent un jour une maladie», a déclaré Mme Vrijheid.

La mission du projet ATHLETE est de réunir des données et de mettre les informations à la disposition des chercheurs.

À travers différentes études, le projet préconisera les actions à mener en priorité pour surveiller et limiter l’exposition aux polluants. Ce travail comprend, entre autres, l’élaboration d’une «boîte à outils» destinée aux décideurs et aux communautés.

Selon les résultats de l’étude, Mme Vrijheid a indiqué que des recommandations politiques pourraient aussi être formulées.

Ensembles de risques

Le projet ATHLETE fait partie de neuf projets de recherche ayant pour but de faire progresser la recherche dans ce domaine, dans le cadre de l’European Human Exposome Network, ou EHEN, la plus importante initiative de ce type au monde, qui réunit 24 pays.

L’approche fondée sur l’exposome ne se contente pas de lutter contre les polluants environnementaux un par un. Elle cherche plutôt à les gérer comme un tout grâce à l’obtention d’une vision plus claire de leurs interconnexions.

Dans le cadre du projet ATHLETE, une étude française cherche à déterminer si des modifications apportées aux produits de soins personnels des femmes pourraient affecter leur exposition à des produits chimiques tels que les phtalates, des perturbateurs endocriniens, qui interfèrent avec le système hormonal.

Au total, 90 femmes volontaires âgées de 18 à 30 ans remplacent pendant cinq jours les produits cosmétiques qu’elles utilisent habituellement par des alternatives. À travers le prélèvement d’échantillons d’urine avant et après l’essai, l’étude vise à montrer que réduire ou modifier l’utilisation d’articles de soins personnels peut réduire la présence de substances chimiques dans le corps.

Dans un autre exemple, le projet ATHLETE examine le nombre de substances chimiques présentes dans les pesticides, les emballages alimentaires et d’autres produits utilisés au quotidien en Europe.

«Nous espérons que l’étude de l’exposome contribuera à fournir des preuves concernant plusieurs ensembles de facteurs de risque susceptibles d’être combattus en même temps. On pourrait, par exemple, s’attaquer à une combinaison de produits chimiques plutôt que d’essayer de les réglementer un par un», a déclaré Mme Vrijheid.

Indices urbains

Un autre projet du réseau EHEN, EXPANSE, lui aussi financé par l’UE, se concentre sur les environnements urbains car ce sont eux qui accueillent la plupart des Européens.

D’après le projet, d’ici la fin de la décennie, plus de 80 % de la population européenne vivra et interagira avec un environnement urbain.

«Les villes ou les milieux urbains sont extrêmement importants pour la santé humaine», a déclaré Roel Vermeulen, à la tête du projet EXPANSE et professeur d’épidémiologie environnementale à l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas.

Comme ATHLETE, le projet de M. Vermeulen a débuté en janvier 2020 et devrait se poursuivre jusqu’à fin 2024.

Son équipe a cartographié l’ensemble de l’environnement urbain européen pour avoir une meilleure idée des multiples facteurs auxquels la population est exposée, de la pollution de l’air jusqu’à l’alimentation.

Les chercheurs se basent sur des données médicales provenant de toute l’UE, sur les informations de recensement d’environ 55 millions de personnes et sur les données d’environ 2 millions d’adultes et enfants appartenant à des groupes spécifiques.

Parallèlement, l’équipe fournit des capteurs aux participants afin de mesurer leur exposition aux polluants environnementaux et de suivre leur activité physique.

Au total, 4 000 personnes ont été sélectionnées pour prendre part à ces «laboratoires urbains» en Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne et Suisse.

Le projet «EXPANSE pourra formuler des conseils sur la façon de rendre les quartiers plus sains», a expliqué M. Vermeulen.

Baromètres corporels

L’étude de l’exposome interne fait partie des activités du projet à travers la mesure dans le corps de certaines substances chimiques comme les retardateurs de flamme, les pesticides et les polluants persistants.

L’équipe peut ainsi étudier le cas de personnes qui ont développé une maladie comme le diabète plus tard au cours de leur vie et comparer leurs données avec celles de personnes en bonne santé pour identifier des différences sur le plan chimique.

«Nous sommes en possession de leurs échantillons de sang 10 ans avant qu’ils ne développent la maladie et nous examinons les différences entre ces deux populations au niveau sanguin», a déclaré M. Vermeulen.

Le fait que M. Vermeulen vive lui-même à Utrecht, au milieu de ses rues pavées et de ses canaux, explique en partie pourquoi il s’intéresse au sujet, et en particulier aux différences au niveau de l’état de santé des habitants en fonction du quartier où ils habitent.

M. Vermeulen a déclaré que les habitants du quartier le plus sain restent en bonne santé jusqu’à 12 ans de plus que les habitants du reste de la ville.

Comprendre l’exposome permettra d’éliminer plus facilement ce type de décalage.

Pour M. Vermeulen, «le code postal est plus important que le code génétique». «Nous avons vraiment besoin de mener un effort mondial pour comprendre les expositions environnementales et proposer des interventions efficaces pour mettre fin aux maladies non transmissibles.»

Les recherches présentées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE.

Plus d’infos

Cet article a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation. 

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