Litiges liés aux heures supplémentaires : la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur

Quand les employeurs ont recours aux heures supplémentaires, en cas de litige, ils doivent faire preuve d’une extrême vigilance, pour respecter la loi et, au-delà, être en capacité d’apporter des preuves

Lba Hd @guillaume Chueca 6
By Estelle Trichet Published on 15 octobre 2024 5h30
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Litiges liés aux heures supplémentaires : la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur - © Economie Matin
10%LEs heures supplémentaires sont majorées d'au moins 10%.

Les dispositions légales donnent la possibilité d’adapter le rythme de travail aux besoins des entreprises. C’est le cas des heures supplémentaires. Mais attention au respect des obligations en matière de suivi de la charge de travail et aux bonnes pratiques à mettre en œuvre pour limiter le risque financier en cas de contentieux judiciaire.

Pour rappel, les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail, soit au-delà de 35 heures par semaine, ou en cas d’aménagement du temps de travail, au-delà de la durée afférente à la période de référence (1607 heures annuelles par exemple).

> Attention à la demande tacite de l’employeur

Les heures supplémentaires sont effectuées à la demande (écrite ou orale) de l’employeur. Mais la demande de l’employeur peut parfois être implicite :

-  lorsque l’employeur a tacitement admis la réalisation des heures supplémentaires ;

-  lorsque les heures supplémentaires sont le résultat de la quantité du travail ou de la nature du travail demandé au salarié.

Obligation et précaution de l’employeur

- Lorsque les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur est tenu d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Dans l’hypothèse où les heures supplémentaires n’ont pas été expressément demandées par l’employeur, ce dernier doit soit prouver qu’il a refusé l’accomplissement de ces heures, soit que ces heures supplémentaires n’étaient pas indispensables à la réalisation des tâches confiées.

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter à l’appui de sa demande des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre de manière pertinente en produisant ses propres éléments.

> Un tableau pourtant non détaillé a suffi pour donner raison au salarié

Dans une récente affaire*, un salarié licencié a demandé le paiement d’heures supplémentaires.

Dans un premier temps, la Cour d’appel a débouté le salarié, au motif que celui-ci produisait un tableau correspondant à une addition des heures supplémentaires qu'il prétendait avoir effectuées hebdomadairement, durant trois ans, sans décompte quotidien, et sans aucune amplitude horaire de ses journées ou même de ses semaines. Selon la Cour, le salarié ne produisait pas d'éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétendait avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Toujours selon elle, la liasse de mails produite ne pouvait pallier cette insuffisance.

Mais dans un deuxième temps, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel et a donné raison au salarié. Selon la Cour de cassation, le salarié présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre ; elle estime que la Cour d’appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, n’a pas respecté la loi.

La simple fourniture d’un tableau sans détail et d’une liasse d’e-mails est donc un commencement de preuves suffisant pour la Cour de cassation.

L’employeur doit veiller à prendre toutes les dispositions lui permettant d’établir les documents nécessaires au décompte de la durée du travail. Ce sera pour lui le seul moyen de se défendre !

* Arrêt de la Cour de cassation du 10 janvier 2024 n° 22-17917 qui a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 20 avril 2022

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Lba Hd @guillaume Chueca 6

co-responsable du groupe de travail Social de Walter France

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