Jeux vidéo dématérialisés : la revente est interdite selon la justice française

Après près d’une décennie de batailles judiciaires, la Cour de cassation vient de rendre un arrêt historique qui met fin à l’espoir d’un marché de l’occasion pour les jeux vidéo dématérialisés. La plateforme Steam et d’autres grands acteurs du secteur voient ainsi leur modèle commercial conforté, tandis que les joueurs, eux, devront renoncer à la revente de leurs jeux numériques.

Grégoire Hernandez
Par Grégoire Hernandez Publié le 27 octobre 2024 à 15h00
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Jeux vidéo dématérialisés : la revente est interdite selon la justice française - © Economie Matin

La revente des jeux vidéo dématérialisés : un rêve qui s'envole

En 2015, l’association UFC-Que Choisir initie une procédure judiciaire contre Valve, l’entreprise derrière Steam, pour contester une clause interdisant la revente des jeux téléchargés. Si le Tribunal de grande instance de Paris lui donne raison en 2019, la Cour d’appel renverse cette décision en 2022. Et cette saga judiciaire vient de prendre fin le 23 octobre 2024 lorsque la Cour de cassation tranche en faveur de Valve. Selon les magistrats, la revente des biens culturels dématérialisés ne relève pas du même régime juridique que celle des supports physiques. La directive européenne sur le droit d’auteur de 2001 ne couvre pas les services numériques, réservant le « droit de revente » aux biens physiques. Les magistrats ont d'ailleurs estimé inutile un pourvoi à la Cour de justice de l’Union européenne, signe de la conclusion définitive du dossier.

Les jeux vidéo dématérialisés sont juridiquement considérés comme des « œuvres complexes », un statut qui englobe le logiciel ainsi que des éléments audiovisuels et narratifs uniques. Cela les distingue des simples logiciels informatiques, pour lesquels la revente est autorisée, comme le stipule une directive européenne de 2009. C'est sur cet argument que l'UFC-Que Choisir s'est appuyé, mais selon la Cour, la complexité d’un jeu vidéo, avec ses graphismes, sa musique et son scénario, justifie que le droit de revente ne s’y applique pas. Les juges soulignent également qu’à la différence des logiciels qui deviennent obsolètes, un jeu vidéo peut encore être utilisé des années après son achat, justifiant ainsi la décision.

La victoire des géants du jeu vidéo

Cette décision consacre la victoire des grands noms de l’industrie vidéoludique. Sony, Microsoft, Nintendo et même Apple, bien qu’indirectement concernée, voient leur modèle économique basé sur le contrôle de la distribution des jeux dématérialisés renforcé. Un marché de l’occasion numérique aurait impacté les ventes de jeux neufs, un scénario que ces entreprises redoutaient. Désormais, elles conservent une maîtrise totale sur la distribution, s’assurant ainsi que chaque copie vendue leur rapporte un revenu.

Pour les joueurs, la fin de ce combat juridique signifie la perte d’un droit que les consommateurs de biens physiques prennent pour acquis : la possibilité de revendre un produit après usage. Avec l’évolution vers le tout numérique, cette décision creuse encore l’écart entre jeux physiques et jeux dématérialisés. Les joueurs qui terminent un titre n’auront d’autre choix que de le garder, ou de recourir au système de partage familial proposé par certaines plateformes, comme Steam. L’UFC-Que Choisir, qui s’est battue près d'une décennie pour cette cause, déplore une grande déception pour le pouvoir d’achat des consommateurs de biens culturels numériques.

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Grégoire Hernandez

Étudiant en école de journalisme. Journaliste chez Économie Matin depuis septembre 2023.

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