L’influence croissante du financement des litiges par des tiers

Le concept de financement des litiges par des tiers, dans lequel des entités externes financent des litiges juridiques, a récemment gagné en importance. Ce mécanisme permet à ceux qui n’ont pas les moyens de payer les frais de justice de faire valoir leurs droits, mais il a suscité la controverse en raison de cas d’implication secrète. Par exemple, des rapports suggèrent que des oligarques russes liés au président Poutine ont secrètement financé des procès aux États-Unis, tirant parti de cet instrument financier pour contourner les sanctions internationales.

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Par Pieter Cleppe Publié le 30 août 2024 à 5h00
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6000 EUROSUn arbitrage coûte au moins 6000 euros si le litige est de moins de 50.000 euros

Inquiétudes quant au manque de transparence

Selon Bloomberg Law, le manque de transparence dans le financement des litiges est une préoccupation majeure. Des investisseurs fortunés peuvent discrètement injecter des sommes considérables dans des affaires juridiques sans les divulguer, ce qui soulève des questions quant aux véritables motivations de ces investissements. Cette opacité est considérée comme un moyen de contourner les réglementations et les sanctions internationales, ce qui a conduit les législateurs américains et européens à envisager des mesures qui exigeraient une plus grande transparence dans ce domaine.

Implications mondiales et cas notables

Le recours au financement par des tiers ne se limite pas à la Russie ; des entités chinoises ont également été impliquées. Par exemple, une société chinoise aurait financé un litige en matière de propriété intellectuelle contre Samsung, en utilisant une société technologique basée en Floride comme mandataire pour alléguer des violations de brevets.

Une autre affaire très médiatisée concerne un différend territorial entre la Malaisie et les descendants du sultan de Sulu, au sujet de l'État malaisien de Sabah. Ces demandeurs ont réclamé une indemnisation sur la base d'un traité datant de l'ère coloniale, que la Malaisie a cessé d'honorer à la suite d'un conflit armé en 2013. Un tribunal d'arbitrage espagnol a accordé 15 milliards de dollars aux plaignants, et Therium, une société de financement de litiges de premier plan, aurait investi plus de 20 millions de dollars dans l'affaire. Après leur victoire, les plaignants ont réussi à obtenir d'une cour d'arbitrage espagnole qu'elle accorde une compensation de 15 milliards de dollars à la Malaisie. Peu de temps après, les actifs de la compagnie nationale d'énergie Petronas au Luxembourg ont été gelés.

L'affaire a pris une tournure controversée lorsque le juge espagnol Gonzalo Stampa a été condamné à une peine de prison pour avoir déplacé la procédure à Paris contre l'avis du tribunal, ce qui a jeté un doute sur la légitimité de l'issue du procès. En outre, Petronas a maintenant cité à comparaître le bailleur de fonds du litige, Therium Capital Management, aux États-Unis, l'accusant d'avoir commis une faute en ignorant que l'autorité de Stampa en tant qu'arbitre avait été révoquée parce que la société avait demandé qu'il déplace l'affaire à Paris.

Appels à des réformes réglementaires

En réponse à ces problèmes, de grandes entreprises, dont les géants pharmaceutiques Bayer et Johnson & Johnson, ont demandé au Congrès américain d'imposer des exigences de transparence plus strictes en matière de financement des litiges. Elles affirment que l'absence actuelle de divulgation permet aux bailleurs de fonds de manipuler les procès à des fins d'enrichissement personnel, ce qui risque de compromettre des informations industrielles sensibles.

La Chambre de commerce des États-Unis s'est fait l'écho de ces préoccupations, avertissant que des acteurs étrangers pourraient exploiter le financement par des tiers pour accéder à des informations confidentielles, en particulier dans les affaires de propriété intellectuelle. Pour contrer ces risques, une proposition de loi américaine vise à restreindre l'implication d'entités étrangères dans les procès américains. Le représentant Mike Johnson, l'un des principaux promoteurs du projet de loi, a souligné la nécessité de protéger l'intégrité du système judiciaire américain contre les ingérences étrangères.

Initiatives législatives européennes

L'Europe envisage également des mesures similaires. Le Parlement européen a proposé que la Commission européenne élabore une directive visant à réglementer le financement des litiges par des tiers dans l'ensemble de l'UE. Cette directive imposerait une divulgation claire des sources de financement et fixerait un plafond aux rendements financiers auxquels les bailleurs de fonds peuvent prétendre, en les limitant généralement à 40 % des dommages-intérêts accordés. Elle imposerait également aux bailleurs de fonds un devoir de diligence fiduciaire afin de protéger les intérêts des parties financées.

Équilibrer la transparence et l'accès à la justice

Bien que la pression en faveur de la transparence dans le financement des litiges gagne du terrain, un équilibre délicat doit être maintenu. Il est essentiel de veiller à ce que ces réglementations n'entravent pas l'accès à la justice, en particulier pour les particuliers ou les petites entités qui pourraient compter sur ce type de financement pour obtenir gain de cause devant les tribunaux. Une approche plus souple, permettant aux juges de déterminer les exigences en matière de divulgation au cas par cas, pourrait être plus efficace qu'un cadre réglementaire unique.

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Pieter Cleppe est rédacteur en chef de BrusselsReport.eu. Avant, il était le chef Bruxellois du think tank Britannique Open Europe. Avocat de formation, Pieter a pratiqué le droit en Belgique et a travaillé en tant que conseiller de cabinet et rédacteur de discours pour le secrétaire d'État belge. Il a également été analyste à l'Itinera Institute de Belgique, qu'il a contribué à fonder. Aujourd'hui, ses écrits dans lesquels il commente la politique européennes sont relayés dans plusieurs médias européens (The Telegraph, BNR Radio aux Pays Bas, Brussels Report, etc).

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