De l’importance de penser et fabriquer la souveraineté numérique

Notre nation se trouve dans une position de vulnérabilité en matière de sécurité numérique. Ainsi, si l’IA et ses effets sur les dynamiques électorales sont bien présents dans les esprits, on oublie souvent les cyberattaques, qui peuvent troubler cet événement majeur. Or la menace est réelle ; à Tokyo, en 2021, 450 millions de cyberattaques avaient été recensées : les experts en attendent plus de 4 milliards pour les JO de Paris. Ces attaques demandent de penser la sécurité et la souveraineté numérique dans un contexte d’accélération de l’histoire et de résurgence des conflits.

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Par Jean-Pierre La Hausse de Lalouvière Publié le 2 septembre 2024 à 4h30
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De l’importance de penser et fabriquer la souveraineté numérique - © Economie Matin
90%90% des décisionnaires IT en France savent ce qu'est la souveraineté numérique.

L'évolution rapide des technologies numériques accentue le besoin de régulation

Si les révolutions industrielles ont modifié de façon radicale et pérenne nos sociétés, elles l’ont fait « lentement ». A contrario, la dernière révolution numérique que nous traversons affecte, par ses technologies de rupture et sa célérité, tous les corps sociaux mais aussi l’État et la personne en mettant en cause leur souveraineté.

La cybersécurité, l’identité numérique, les IA génératives, les crypto-monnaies, les ordinateurs quantiques… les différentes technologies développées à un rythme effréné, apportent des opportunités inédites et facilitantes, mais aussi des défis complexes, notamment celui de leur régulation efficace. Celle-ci rencontre de nombreux obstacles dont un temporel : le temps juridique et politique n’a pas la même cadence.

Quelques tentatives et exceptions tentent de répondre à ce défi. Ainsi, le règlement européen eIDAS v2, par exemple, est une avancée majeure, établissant un cadre juridique pour une identité numérique européenne fiable et sécurisée. Il inclut de nouveaux services de confiance, tels que l'archivage électronique et le portefeuille numérique personnel, permettant aux citoyens de contrôler leurs informations personnelles en ligne tout en facilitant les interactions avec les services publics et privés.

Pour que ces régulations soient pleinement efficaces, nous avons besoin de praticiens formés et informés. Ces experts jouent un rôle clé en assurant que les nouvelles technologies soient intégrées de manière sécurisée et conforme aux normes établies. C'est pourquoi l’association eFutura que je préside, s'engage activement dans des travaux de normalisation nationaux, européens et internationaux, en participant notamment à des groupes de réflexion et en organisant des actions de formation.

Souveraineté numérique : ne pas faire l’impasse sur l’éducation et le dialogue

La souveraineté numérique est un concept fondamental pour garantir l'indépendance de l'État face aux influences étrangères et la protection des données personnelles de nos concitoyens. Elle repose sur la capacité d'un État à contrôler et sécuriser ses infrastructures numériques, à protéger ses données et à réguler l'accès à ses informations stratégiques.

Plusieurs champs régaliens sont ainsi affectés par les nouvelles dynamiques de pouvoir qu’instaurent les technologies numériques entre les états et entre les états et les entreprises de la tech : la cyberdéfense face aux ingérences étrangères ou pirates, le contrôle et la régulation des données, mais aussi la puissance numérique, gage des précédentes. Pour l'individu, la souveraineté numérique signifie la maîtrise de ses propres données, lui assurant une autonomie pour éviter l'exploitation des données à son insu et lui garantir un droit qui me semble aussi fondamental : sa vie privée. Enfin, entre l’individu et l’État, les corps intermédiaires, la société civile, les services collectifs et privés, sont aussi embarqués dans cette révolution technologique et son ambivalence si elle n’est pas contrôlée, si elle n’est pas sécurisée, accroissant la vulnérabilité des données et des réseaux.

Renforcer notre cadre réglementaire est donc nécessaire, mais non suffisant. Il s’agit de créer un pont entre la théorie et l’empirisme en laissant une place cruciale à l’expertise, tout en mettant en œuvre des stratégies solides et pérennes d’éducation et de formation aux enjeux du numériques des parties-prenantes et des citoyens. Collectivement, nous devons adopter une posture proactive et « vulgarisatrice » qui aborde des problématiques individuelles et collectives : comment garantir la souveraineté des Etats et la cyberdéfense ? Quid de la surveillance et par qui ? quels impacts sur le futur du travail ? sur l’engagement citoyen et les processus démocratiques ?

La France doit renforcer son positionnement dans la transition numérique pour continuer à innover tout en plaçant la sécurité et la souveraineté au cœur de ses priorités. L'alliance entre la pratique quotidienne et la connaissance permet de répondre aux grands défis contemporains. État, experts, institutions et entreprises, nous devons travailler ensemble à construire un futur où la technologie sert nos valeurs et protège nos intérêts pour un avenir numérique sûr et souverain.

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Jlalouviere

Titulaire d’une MIAGE et d’un DEA en Sciences des Organisations à l’Université de Paris-Dauphine, Jean-Pierre a dirigé et créé plusieurs sociétés dans le domaine de l’ECM, de la Gestion de contenu et des solutions de gouvernance des données. Il est maintenant Vice-Président Senior – Gouvernance d’entreprise de la société Intalio et Directeur Général France. Depuis 2019, il est Président d’eFutura, l’association des Professionnels de la Transition Numérique liée aux Documents et à la Data qui regroupe les acteurs majeurs de la Gestion de contenu tant en France qu’en Afrique. Au Togo, la société CONIIA (Conseil International et l’Intelligence Artificielle) est membre du collège 1 d’eFutura et son CEO, le Dr Malik Morris MOUZOU est membre du Conseil d’Administration.

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