Fraude à l’ère du numérique : lorsque la technologie redéfinit à la fois les menaces et leurs défenses

À la veille de la Semaine internationale de sensibilisation à la fraude, un constat s’impose : les entreprises sont confrontées à des formes de fraude inédites dans l’environnement numérique moderne. Les industries classiques profitent certes des avancées technologiques, mais les cybercriminels ont également su tirer leur épingle du jeu. Prévenir la fraude s’avère désormais beaucoup plus complexe mais n’en reste pas moins indispensable.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg
Par Adrien Merveille Publié le 22 novembre 2024 à 4h30
attaque-cybersecurite-carte bancaire-fraude
attaque-cybersecurite-carte bancaire-fraude - © Economie Matin
5%la fraude représente environ 5 % du chiffre d'affaires annuel des entreprises du monde entier

Qu'il s'agisse de cyberfraude, de fraude interne ou d’escroqueries sophistiquées comme la fraude au président, souvent amplifiées par l’intelligence artificielle, le paysage de la fraude en entreprise se caractérise par sa diversité et son évolution continue. Nous vous proposons ici un aperçu des formes de fraude auxquelles les entreprises doivent faire face, et des stratégies qu'elles peuvent mettre en place pour se prémunir contre ces menaces.

L’essor du numérique au service de la fraude à l’entreprise 

L’évolution de la cyberfraude s’est naturellement alignée sur les avancées technologiques. À l'origine, la fraude se résumait souvent à de simples e-mails de phishing. Les fraudeurs exploitaient la peur pour inciter leurs victimes à divulguer des informations sensibles. Avec le temps, les attaques ont gagné en sophistication, font davantage appel à l’apprentissage automatique et à l’intelligence artificielle pour perfectionner les tactiques d’ingénierie sociale, personnaliser les attaques et en optimiser l’efficacité. Voici les principaux types de fraude que l’on observe à l’heure actuelle :

  1. La cyberfraude : le phishing, les malwares et les ransomwares restent des outils très plébiscités par les cybercriminels qui cherchent à accéder à des données sensibles ou à perturber les activités des entreprises. Ces cyberfraudes soulignent l'importance de mettre en place des mesures de cybersécurité pour détecter et prévenir les accès non autorisés.
  2. La fraude interne : une menace majeure qui provient de l’intérieur même de l’entreprise et concerne des actes frauduleux commis par des employés, tels que la falsification de documents, le détournement de fonds ou encore le vol. Ce type de fraude met en évidence la nécessité d’instaurer des contrôles internes stricts et d’assurer une surveillance proactive afin de détecter toute anomalie le plus rapidement possible.
  3. La fraude à la facture : les fraudeurs envoient de fausses factures aux entreprises en espérant qu’elles seront payées sans la moindre vérification. Cette fraude peut provoquer des pertes financières considérables si des processus de vérification efficaces ne sont pas mis en place, d’où l’importance de diligenter des audits rigoureux pour sécuriser les transactions.
  4. La fraude au président : souvent désignée sous le terme de business e-mail compromise (BEC), les fraudeurs se font passer pour des dirigeants ou des responsables clés pour inciter les employés à transférer des fonds ou à divulguer des informations sensibles. Avec l’avènement de l’IA générative, ils sont désormais capables de reproduire de manière très réaliste les styles de communication des dirigeants et les rendre extrêmement crédibles.
  5. La fraude au retour : particulièrement répandue dans le commerce de détail, la fraude au retour survient lorsque les clients détournent les politiques de retour à des fins lucratives. Cette pratique justifie l’importance d’établir des politiques claires et de former les employés chargés de leur application.
  6. La fraude par détournement de la paie : la manipulation des systèmes de paie par des employés à des fins personnelles peut engendrer des pertes financières significatives. Pour y remédier, il est essentiel d’instaurer des contrôles strictes et de procéder à des audits réguliers.

Parmi les exemples marquants, on peut citer l'évolution des attaques génériques par ransomware vers des attaques ciblées. À l’époque des attaques par ransomware classiques, les cybercriminels se limitaient à chiffrer les données et à exiger une rançon, souvent sans stratégie ni ciblage précis. Aujourd’hui, les cybercriminels utilisent des techniques de reconnaissance avancées pour s’infiltrer durablement dans les systèmes et extraire des données sensibles qu’ils cherchent ensuite à exploiter dans le cadre de scénarios de double extorsion, avec pour objectif d'exercer une pression considérable sur les individus ou les entreprises. Grâce à ce degré élevé de personnalisation, les ransomwares sont beaucoup plus difficiles à détecter et bien plus dévastateurs en termes d'impact.

Souvent alimentées par les progrès technologiques et les erreurs humaines, ces fraudes ont un impact tangible sur les entreprises. D’après le rapport Occupational Fraud 2022 de l'Association of Certified Fraud Examiners, les entreprises victimes de fraude perdent près de 5 % de leur chiffre d'affaires annuel, avec un coût moyen par incident dépassant 1,5 million de dollars.

Le coût de la fraude : bien plus que des pertes financières

En 2023, selon la Commission fédérale du commerce des États-Unis (the US Federal Trade Commission), les consommateurs victimes de fraude ont déclaré des pertes s’élevant à près de 10 milliards de dollars, soit une hausse de 14 % par rapport à l’année précédente. Les fraudes liées aux achats en ligne arrivent en deuxième place des types d’escroqueries les plus fréquemment signalés, juste derrière les arnaques à l’imposteur.

Selon le National Insurance Crime Bureau (NICB), la fraude entraîne des pertes se chiffrant en milliards de dollars par an. Qu'elle touche les particuliers ou les entreprises, elle concerne de nombreux secteurs d'activité. Une étude de l'Association of Certified Fraud Examiners (ACFE) révèle que la fraude représente environ 5 % du chiffre d'affaires annuel des entreprises du monde entier, engendrant ainsi des milliards de dollars de pertes chaque année. Ce chiffre ne cesse de croître à mesure que les fraudeurs s'approprient les nouvelles technologies.

Outre les pertes financières directes, être victime de fraude implique des frais d’enquêtes, des frais de justice, des sanctions administratives, un préjudice moral et une augmentation des primes d’assurance. Citons entre autres :

  • Enquête et rétablissement de l’activité : toute fraude requiert un investissement important en temps et en ressources. Dans la plupart des cas, le processus exige des enquêtes approfondies et la participation des services chargés de l'application des lois.
  • Des frais de justice et des sanctions administratives: les fraudes graves, notamment en cas de violation de données, peuvent entraîner des poursuites judiciaires et des amendes conséquentes. Rien qu’en 2023, les organismes de réglementation ont infligé des millions de dollars de pénalités pour des manquements à la protection des données sensibles.
  • Un préjudice moral : à long terme, l’impact sur la confiance des clients et la réputation de la marque engendrent des pertes importantes de chiffre d’affaires et une baisse de la fidélité des clients.

Pourquoi la fraude connaît-elle une telle expansion ?

Plusieurs facteurs majeurs peuvent l’expliquer : l’adoption accélérée des opérations numériques, la généralisation des services bancaires en ligne et le développement des environnements de télétravail. Chacun de ces facteurs constituent de nouvelles opportunités pour les fraudeurs. À cela s’ajoute la facilité d’accès à des outils sophistiqués tels que les programmes d'intelligence artificielle, capables de générer des deepfakes d’un réalisme troublant. Distinguer le vrai du faux devient désormais extrêmement complexe, tant pour les individus que pour les entreprises.

L’IA générative : un outil à double tranchant, entre prévention et instrumentalisation de la fraude

L’IA générative a profondément redéfini les dynamiques de la fraude. Elle propose des outils performants qui permettent de détecter et de prévenir la fraude en traitant de grands volumes de données pour y rechercher des modèles ou des comportements inhabituels qui pourraient révéler une fraude. La solution ThreatCloud AI de Check Point, par exemple, associe des technologies d’IA à des analyses de menaces issues du big data pour détecter et neutraliser en temps réel les cyberattaques les plus sophistiquées.

En revanche, le recours à l’IA générative est de plus en plus utilisé par les fraudeurs pour orchestrer des fraudes plus élaborées. En effet, les deepfakes leur offrent la possibilité de produire des fichiers audio, vidéo ou texte d’un réalisme troublant qui imitent des dirigeants d’entreprise ou des personnalités publiques à la perfection. Grâce à cette technologie, les cybercriminels peuvent désormais mettre en place des fraudes au président et manipuler des employés pour qu'ils effectuent des transactions financières à leur place.

La cybersécurité : un atout antifraude

Les outils et les pratiques antifraude ont progressé au même rythme que l’évolution des menaces. Voici quelques mesures essentielles de cybersécurité qui peuvent contribuer à s’en prémunir :

  1. Adopter une sécurité complète des e-mails : sachant que le phishing reste l'une des principales causes de fraude, il est fondamental de disposer d’un système avancé de sécurité des e-mails qui utilise l'IA pour détecter et bloquer les messages suspects.
  2. Faire appel à l’authentification à double facteurs (MFA): une MFA en place complique la tâche des fraudeurs qui essaient d’accéder aux informations sensibles car elle rajoute une couche de sécurité.
  3. Assurer la formation continue des employés : les employés représentent bien souvent la première ligne de défense. Il est donc essentiel de les former aux nouvelles tactiques de fraude, telles que l’ingénierie sociale alimentée par l’IA, afin qu’ils puissent mieux les reconnaître et s’en prémunir.
  4. Réaliser des audits de sécurité réguliers : procéder à des évaluations de sécurité régulièrement permet aux entreprises d'identifier et de corriger les vulnérabilités avant qu'elles ne puissent être exploitées.
  5. Adopter une gestion de la sécurité intuitive: grâce à des outils de gestion de la sécurité alliant simplicité d'utilisation et accessibilité, les entreprises peuvent surveiller les menaces et y répondre efficacement sans recourir à une expertise technique poussée.

A l’heure où la cyberfraude ne cesse de gagner en complexité, nous devons veiller à ce que nos défenses continuent de s’adapter avec la même agilité. Pour faire face à l’essor de la fraude alimentée par l’intelligence artificielle, les entreprises doivent miser sur une sécurité tout aussi évolutive, capable d’anticiper et de neutraliser les attaques avec précision. Mettre en place une cyberdéfense résiliente ne se résume pas à lutter contre la fraude. Cette démarche sert également à instaurer un environnement sécurisé et fiable pour tous.

De nos jours, la technologie est une arme à double tranchant, elle représente à la fois une opportunité et une menace. Les entreprises doivent donc faire preuve de vigilance, d'adaptabilité et de proactivité. En adoptant des stratégies de cybersécurité avancées, elles pourront renforcer leurs défenses antifraude, préserver leur stabilité financière, protéger leur réputation et maintenir la confiance de leurs clients pour construire un avenir plus sûr pour tous.

Une réaction ? Laissez un commentaire

Vous avez aimé cet article ? Abonnez-vous à notre Newsletter gratuite pour des articles captivants, du contenu exclusif et les dernières actualités.

Cropped Favicon Economi Matin.jpg

expert en cybersécurité chez Check Point Software Technologies, Ltd

Aucun commentaire à «Fraude à l’ère du numérique : lorsque la technologie redéfinit à la fois les menaces et leurs défenses»

Laisser un commentaire

* Champs requis